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Economie

Marasme économique, transmission des savoirs et langues (1 de 6)

plantation-dauphinLogement pour ouvrier à plantation Dauphin

 Par Leslie Péan, 21 mai 2013  --- Haïti vit dans son présent un passé d’absence de droits qui renforce le marasme économique dans lequel elle évolue. Une telle situation est alimentée par une confusion sans pareille entretenue à coups de propagande et de relations publiques d’un gouvernement qui veut se donner bonne conscience. Il se produit une accumulation de bévues qui se greffent aux germes du pouvoir à vie à travers les élections frauduleuses organisées par un organisme électoral aux ordres de la présidence. Cet état de choses perpétue le raisonnement illogique qui engendre la permanence du président-bon-papa-homme-providentiel. Les tendances observables de cette réalité politique sont au cœur du marasme économique mentionné. Pour cerner les problèmes causés par ce marasme, nous tenterons d’abord d’analyser la politique publique mise en œuvre par le gouvernement dans le domaine de l’éducation. Ensuite, nous aborderons le marasme économique actuel à partir de son historicité en indiquant comment il bloque toute redistribution des cartes par le biais de la transmission des savoirs et celui d’une politique linguistique appropriée.

En donnant dans le triomphalisme, les autorités politiques considèrent les inaugurations d’édifices publics comme une fin en soi. Le gouvernement utilise le désir d’éducation du peuple haïtien pour faire de la propagande avec le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) qui n’a été ni préparé ni planifié et dont les moyens humains et matériels utilisés sont déficients. Le professeur Rosny Desroches, ancien ministre de l’Éducation nationale, a été l’un des premiers à exprimer ses doutes et son inquiétude sur ce programme d’éducation. Suite à une enquête menée par l’organisation dénommée Initiative pour la Société Civile (ISC) à la fin de la première année d’exécution du PSUGO, il a déclaré «l’existence de ces écoles se limite à la valise de leur propriétaire[1]

Depuis lors, les mauvais résultats arrivent régulièrement. Ça va de mal en pis. Selon une autre enquête pertinente « Outre les soupçons de corruption, le montant alloué aux écoles pour chaque élève est très insuffisant, les paiements n’arrivent pas à temps et les professeurs ne sont pas bien rémunérés. De plus, les écoles visitées n’ont pas reçu de matériels, comme promis, pour assurer un minimum d’éducation[2]. » En réalité, c’est un vaste gaspillage, nombre d’écoles bénéficiaires, professeurs et élèves inclus, n’ont jamais existé. D’une part, les efforts ne sont pas investis dans une réelle transmission des savoirs. Le personnel enseignant n’est pas compétent et les manuels ne sont pas adéquats. D’autre part, l’approche globale ne reflète aucune perspective de continuité. La transformation de l’environnement haïtien à partir des savoirs diffusés reste lettre morte. Frantz Duval rapporte la récente découverte de 766 fausses écoles recevant des centaines de millions de gourdes du PSUGO[3]. Le gouvernement confirme la véracité de cette information et dit ouvrir une enquête.

Le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) est tout juste une astuce pour prendre de l’argent des mains des pauvres. C’est une mystification totale qui reproduit à l’échelle nationale les zécoles-borlette commencées sous le jean-claudisme. Le PSUGO se présente plutôt comme la récupération à des fins politiciennes des justes revendications du peuple haïtien au savoir et à la connaissance. L’attention conjoncturelle du gouvernement pour l’éducation est démasquée dans les carences et les défaillances du PSUGO étalées dans la presse. Trois manifestations de rues ont eu lieu au Cap-Haitien au mois d’avril 2013 par des professeurs travaillant dans le cadre de ce programme et qui n’ont pas été payés depuis sept mois[4]. C’est le même cri à Léogane, Croix des Bouquets[5], Anse-à-Pitre, Port-de-Paix[6].

Dans ce domaine comme dans d’autres, il n’y a pas de places pour les générations spontanées. Seul un travail de longue haleine réalisé par des professionnels peut sensibiliser, orienter et dynamiser le secteur de la transmission des savoirs en corrigeant les erreurs fondamentales de départ qui l’ont fourvoyé dans les impasses d’un monolinguisme douteux. On ne saurait se contenter du bricolage d’hommes providentiels quand il s’agit de remettre en question certains fondements, principes et objectifs à la base même de notre existence de peuple. Cette tradition de l’homme providentiel est justement le mal absolu qui empêche aux masses haïtiennes d’élever leur niveau de performance et d’atteindre la plénitude de leurs talents.

 La fascination maléfique du pouvoir

 Les experts du domaine de l’éducation sont unanimes à reconnaître que le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) est un bâclage délibéré et stérile. Mais ce qui est encore moins acceptable, c’est l’absence de scrupules dans la manière arbitraire dont il a été financé. Avec la même improvisation. La politique singulière de « taxation sans représentation » connaît son apothéose sous le gouvernement du président Michel Joseph Martelly. Haïti continue ainsi de s’engloutir dans la voie de garage de la haine contre l’idée émancipatrice que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et droits », comme le dit la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789. L’approche du gouvernement haïtien est d’autant plus manipulatrice qu’elle est faite au nom du financement de l’éducation. Démarche orchestrée sur le vieux fond excentrique jubilatoire de carnaval. On sait que la révolution américaine de 1776 a été lancée sur l’idée que « la taxation sans la représentation est la tyrannie [7]». Cette considération garde toute sa valeur et est applicable dans l’Haïti d’aujourd’hui où la diaspora n’a pas de droit de vote et n’a aucune représentation à la Chambre des Députés et au Sénat.

Toutefois les humoristes disent qu’il faut être indulgent face aux péripéties, aux manques de consistance et au désenchantement progressif de ce programme car on ne pouvait pas avoir mieux avec des francs-tireurs de la dérision. Il s’agit ici de montrer que le gouvernement Martelly n’a pas inventé la politique de « taxation sans représentation ». Cette politique décadente dans son essence est une aventure sans fins que les dirigeants haïtiens charrient contre le peuple haïtien depi nan tan bembo. Le crime abominable que commet le gouvernement Martelly s’inscrit dans une histoire fertile en rebondissements. En prétendant avoir compris le fonctionnement mental des Haïtiens sortis de la criminalité terrifiante du duvaliérisme, le gouvernement Martelly a réussi depuis deux ans à soutirer des Haïtiens de la diaspora des dizaines de millions de dollars sans avoir de comptes à rendre et sans que ces derniers ne protestent énergiquement contre ces abus. Ce n’est pas uniquement dans la politique politicienne consistant à ne pas organiser les élections aux échéances prévues dans la Constitution que le président Martelly démontre que l’obsession du pouvoir en Haïti est un mal endémique. Sa pratique économique de « taxation sans représentation » indique qu’il est contaminé.

Le gouvernement avait déclaré vouloir collecter 400 millions de dollars en 4 ans en imposant 5 centimes ($0.05) sur chaque appel téléphonique et 1.50 $US sur chaque transfert monétaire. Encore une fois, il s’agit d’une taxation fixe qui frappe beaucoup plus les pauvres que les riches. J’étais à Pompano Beach en Floride la semaine dernière pour une vente-signature. J’ai observé, au bord des larmes, les réactions des travailleurs haïtiens émigrés forcés de débourser 1.50 $US de plus pour chaque transfert de 30 ou 40 dollars à un parent dans le besoin en Haïti. L’argent collecté est théoriquement placé dans un compte à la Banque de la République d’Haïti (BRH). Toutefois le montant de ces fonds publics collectés depuis le 1er juin 2011, soit deux ans, est l’objet de tous les secrets. Les chiffres les plus fantaisistes circulent. Une vraie énigme.

La vigilance est d’autant plus nécessaire que la taxe frappant les appels téléphoniques et les transferts d’argent est totalement illégale n’ayant pas fait l’objet d’une loi votée au Parlement. De plus, c’est le trou noir en ce qui concerne les 5 centimes collectés sur la terminaison des appels téléphoniques. Quelles sont les règles de comptabilisation et de restitutions comptables utilisées : 5 centimes par minute ou 5 centimes par appel[8] ? Nécessaire aussi d’avoir l’œil rivé sur les transferts. La diaspora envoie en Haïti près de deux milliards de dollars américains au moins trois fois plus d’argent chaque année que les montants respectifs de l’aide étrangère, des investissements étrangers et des exportations haïtiennes. Vu que les sommes en jeu se chiffrent à des centaines de millions de dollars, les Haïtiens sont tenus, à moins d’être atteints d’une pathologie collective, de demander des comptes sur ce sujet à leurs dirigeants.

Les forces du chaos ont façonné notre personnalité avec leur politique de prédation systématique. Pour survivre, les Haïtiens ont été obligés d’avoir des comportements du genre « pito nou lèd nou la ». Une manière hybride et complexe de mélanger le bien et le mal sans doute mais qui n’a pas altéré le fonctionnement du cerveau haïtien. Comme tous les peuples, nous avons nos caractéristiques propres mais notre tolérance a des limites. La politique d’exclusion de l’esclavage et du colonialisme a été vaincue à Saint Domingue par le soulèvement général des esclaves du 22 août 1791. Nous payons cher depuis lors la peur qui s’est emparée de l’Occident esclavagiste à cause de notre exemple. Il importe de bien comprendre les conflits permanents qui en sont sortis créant un pouvoir agonistique dont la fascination maléfique constitue un véritable virus.

 La lutte contre le savoir

 Dès sa naissance en 1804, Haïti fait face à un marasme économique avec un système financier hérité de la colonie, sans le savoir et les ressources humaines qui lui sont propres. Le départ des « esclaves à talents[9]» avec leurs maitres a créé un vide ouvrant le terrain à toutes les transgressions. Non seulement la médiocrité a primé mais elle a pu continuer à se vendre même quand ces résultats négatifs s’étalent en majuscules. Le nouvel État naît avec une déficience fondamentale car les colons-planteurs sont partis avec leurs « esclaves à talents », c’est-à-dire les esclaves experts, entre autres, dans la fabrication des quatorze qualités de sucre allant du plus foncé au plus blanc.

Ces esclaves à talents avaient la maitrise de nombre de métiers nécessaires à la productivité de la plantation. Ils étaient cabrouetiers, guildiviers, forgerons, chauffeurs, charpentiers, tonneliers, tailleurs de pierre, selliers et maçons. Les maîtres parfois les louaient à d’autres plantations pour leurs services contre rémunération[10]. Certains furent même envoyés en France pour parfaire leurs connaissances techniques. La nécessité pour les maîtres de diminuer leurs coûts de production pour augmenter leur rentabilité les amenait à prendre ce risque. En effet, certains esclaves envoyés en France pour acquérir une formation, eurent connaissance de la loi abolissant l’esclavage sur le sol français, remirent leur sort aux tribunaux et furent déclarés libres[11]. Ce fut le cas de Gabriel Pampy et Amanthe Julienne amenés en France de Saint-Domingue par le colon Isaac Mendès France en 1775. Le prix lourd payé par la révolution de 1804 a été la perte de ce savoir-faire sans lequel la construction de la nouvelle nation s’est révélée de plus en plus difficile. Comme le souligne Vertus Saint-Louis, « les moulins dans les plantations n’ont pas été réparés et entretenus. Ceux qui étaient en fer ont été remplacés par des moulins en bois avec comme résultats une diminution de la productivité[12]. Dans le cas du sucre, on observe une diminution de la production de sucre terré (semi-raffiné) et une augmentation de la production de rapadou (sucre non raffiné). [13]»

                Ce déficit du savoir s’accompagne de l’absence d’une intelligentsia de l’envergure de la société de pensée que fut le Cercle des Philadelphes[14] au Cap-Français de 1784 à 1793. Pour des raisons qui semblaient rassurer, tranquilliser et amuser les élites alors qu’elles devraient les inquiéter et porter à la mobilisation de l’opinion publique, la prise de conscience du faible niveau de connaissance de la population est restée marginale. Comme le dit l’économiste Edmond Paul :

« la société haïtienne naquit semblable à un monde renversé la tête en bas, où les plus inférieurs de ses membres, nous entendons dire les moins préparés, montèrent subitement à la surface, devinrent les éléments les plus consistants de l'ordre social nouveau, doués, par conséquent, de la vertu de l’affirmer plus solidement aux yeux de l’ennemi du dehors, et que cela accoutuma le peuple à porter ou à souffrir à la tête de son administration intérieure des hommes incultes qui n’y pouvaient désormais que le mal[15]

 L’écrivain Dantès Bellegarde ira encore plus loin qu’Edmond Paul en disant qu’Haïti est née « sans tête[16]. » Sans mémoire et sans un désir de modernisation. Les dirigeants, à l’exception de Christophe, ont privilégié le pouvoir et l’avoir. Quand au savoir, il a été combattu sans pitié. L’indépendance de la connaissance n’a jamais roulé dans la tête de nos chefs d’État. Tous ont toujours eu une peur bleue de l’esprit critique. Ils ont donc continué la politique conservatrice d’ancien régime sur le refus de savoir. Politique irresponsable qui ne pouvait favoriser l’éclosion d’un nouveau Cercle des Philadelphes dans le nouvel État. Dans leurs rapports avec les rares intellectuels, quand l’ombre de la baïonnette n’accompagnait pas les chefs d’État, c’est l’exil ou la corruption par un emploi public, des femmes ou l’ajout d’un doigt d’alcool dans leurs encriers. Les dirigeants politiques ont toujours eu peur des possibilités de réveil de la conscience que la rhétorique des intellectuels pouvait avoir sur les masses. Crainte que les intellectuels se transforment et deviennent des symboles. Inquiétude que les intellectuels servent de boussole en donnant aux masses des lunettes pour percevoir mieux la réalité et se diriger dans le quotidien.

Ces sentiments de peur, de crainte et d’inquiétude dégénèrent vite en colère et conduisent à éliminer physiquement des intellectuels de la trempe d’un Félix Darfour fusillé par le président Boyer en 1822 ou encore un médecin-écrivain de valeur comme Jacques Stephen Alexis fusillé par les tontons macoutes de Duvalier en 1961. Les intellectuels sont tolérés par le pouvoir seulement quand ils acceptent de dorer la pilule en agitant des réformes en trompe l’œil. Et même dans ces cas, ils sont uniquement en sursis tant qu’ils acceptent d’apporter leur caution de silence à la bêtise des voyous et des assassins. L’hystérie du pouvoir contre les intellectuels vient de la peur qu’ils arrivent à dissoudre les artifices entretenus par le statu quo sur les explications traditionnelles de la misère. L’État marron les met dans son collimateur pour qu’ils ne changent pas l’état d’esprit de zombies dans lequel la population est confinée. D’où la hargne et la férocité contre des Louis Joseph Janvier et des Anténor Firmin perçus comme des continuateurs du Cercle des Philadelphes. Le système politique archaïque du chef d’État bon papa est, comme le disait Chateaubriand, « un obstacle sur son propre chemin ». Aucune modernisation n’est possible en l’absence d’une société de pensée articulée sur la science et capable de mettre en échec la pensée de l’origine surnaturelle des fléaux qui accablent Haïti.

On se rappelle des remous provoqués à Saint-Domingue par le Cercle des Philadelphes en dépit du conservatisme avéré de ses membres. Toutefois, Charles Arthaud, son secrétaire général, prend le risque et présente en 1786 un « Plan d’éducation publique dans la Colonie de Saint-Domingue ». Proposition vite retirée par son auteur pour éviter que le tollé soulevé à cette occasion ne l’emporte. Il revient encore à la charge au cours de contacts avec Condorcet le 1er avril 1789 pour développer les rapports avec l’Académie des Sciences à Paris. Le Cercle des Philadelphes voulait ainsi élargir ses connaissances dans des domaines tels que la physique, la médecine, la chimie, la botanique, l’agriculture, la météorologie et la mécanique[17].

                Le refus des normes adoptées par la postcolonie pour organiser et gérer l’espace haïtien est une constante de la lutte des masses populaires depuis 1804. Par postcolonie, nous entendons après Achille Mbembe «  une pluralité chaotique, pourvue d’une cohérence interne, de système de signes bien à elle, de manière propre de fabriquer des simulacres ou de reconduire des stéréotypes, d’un art spécifique de la démesure, de façons particulières d’exproprier le sujet de ses identités[18].» Dans le cas haïtien, le chaos s’impose avec les intrigues des commerçants étrangers, les conflits entre les dirigeants des anciens libres et des nouveaux libres pour accaparer les plantations, les règlements de compte et les assassinats, et enfin les guerres civiles. Les préférences exprimées par nos aïeux (les pères fondateurs) se sont révélées incohérentes et surtout incapables de créer une société de croissance et de développement pour toutes les catégories de la population. Nous avons reconduit les stéréotypes d’un peuple « dépourvu jusqu’à présent d’instruction, de connaissances pratiques, de facultés productrices[19] ». L’État marron, a grugé le paysan haïtien. Le marasme économique des premiers jours n’a cessé de se développer avec l’appui des commerçants anglais et américains qui prennent le relais de l’ancienne métropole.

 Historique du marasme économique

leslie-pean-economisteLeslie Pean Le marasme économique commence avec le travail forcé que les nouveaux dirigeants veulent imposer aux anciens esclaves qui se sont révoltés le 22 août 1791 et qui ont obtenu la liberté générale en 1793. Ces derniers préfèrent s’enfuir et marronner au lieu de travailler pour les nouveaux propriétaires. Le caporalisme agraire de Toussaint Louverture en voulant créer un contre-monde de fermiers propriétaires noirs porte les anciens esclaves à une défiance envers tout ce qui remet en question leurs positions acquises de libres. Les travailleurs noirs n’ont aucune nostalgie pour retourner travailler sur ces mêmes plantations même contre un salaire. Les positions contraires exprimées dès le 22 mars 1795 par Toussaint dans ses premiers règlements de culture[20] feront l’objet plus tard de l’ordonnance du 15 novembre 1798, « appelant tous les Noirs sains de corps, mais non mobilisés par l’armée, à rejoindre une plantation (généralement la plantation même où ils avaient été esclaves) pour y gagner un salaire[21]. » La situation est conflictuelle aux deux bouts de la chaine de production. Et même un vrai équilibriste de la trempe de Toussaint ne peut s’en sortir sans perdre des plumes.

Les nouveaux propriétaires noirs sont attachés à leurs terres et refusent à coups d’habiletés et d’intrigues de les restituer aux anciens propriétaires blancs partis entre 1793 et 1799 mais revenus à Saint Domingue en 1800. Le sort de ces propriétaires blancs ne change pas malgré les positions de Toussaint qui leur demande de trouver un terrain d’entente avec les fermiers noirs afin de relancer la production de la grande propriété. On le voit avec les plantations accaparées par les généraux noirs Laplume et Zamor qui refusent de les rendre aux propriétaires émigrés retournés au pays. Ce ne sont pas des cas isolés. Comme l’explique Denis Laurent-Ropa : « Des affaires du même genre, nombreuses, souvent violentes, confirment la pression exercée par les chefs militaires noirs sur les anciens propriétaires blancs. On fait tout pour les empêcher de récupérer les biens abandonnés. Après avoir été obligés de cultiver la terre pour les Blancs, disent-ils, il est normal que les Noirs se l’approprient[22]. »

(à suivre)



[1] Hansy Mars, « L’école gratuite, un bob programme à repenser », Le Nouvelliste, 16 mai 2012

[2] Le programme gouvernemental “école gratuite”, une victoire ?», Alterpresse, 13 février 2013.

[3] Frantz Duval, « 766 fausses écoles, combien de vraies ? », Le Nouvelliste, 11 mars 2013.

[4] Enel Fleurantin, « PSUGO : la racine des controverses », Le Matin, 5 mai 2013.

[5] « Promesas de escuelas gratuitas se desvanecen en Haití », Cambio Politico, 18/ 2 /13.

[6] « Le programme gouvernemental « école gratuite » – une victoire ?, op. cit., 13 février 2013.

[7] David McCullough, John Adams, New York, Simon and Schuster, 2001, p.61.

[8] Ilio Durandis, « Crunching the numbers on Haiti’s National Education Fund », Caribbean Journal, March 18, 2013.

[9] Nathalie Dessens, « Élites et diasporas: Les réfugiés de Saint-Domingue dans les Amériques au XIXème siècle », dans Christian Lerat, Élites et intelligentsias dans le monde caraïbe, Paris, L’Harmattan, 2008. Lire aussi du même auteur « Anatomie d’un oubli historiographique : les réfugiés de Saint-Domingue à la Nouvelle Orléans », dans Haïti, regards croisés, Paris, Manuscrit de l’Université, 2007. Lire enfin Néba Fabrice Yale, La vie quotidienne des esclaves sur l’habitation dans la Saint-Domingue française au XVIIIe siècle : regards de planteurs, de voyageurs et d’auteurs européens, Université Pierre Mendes France de Grenoble, 2011.

[10] Justin Girod-Chantrans, Voyage d’un Suisse dans différentes colonies d’Amérique, Neuchâtel, 1785, p. 162-163.

[11] Néba Fabrice Yale, op. cit., p. 24. Lire aussi Vertus Saint-Louis, « Sucre, science et révolution à Haïti », www.Montraylkreyol.org, 2007, p. 3.

[12] Lire la préface de Vertus Saint Louis à l’ouvrage de James E. McClellan III, Colonialism and Science – Saint Domingue and the Old Regime, University of Chicago Press, 2010, p. vii.

[13] Leslie Péan, Comprendre Anténor Firmin – Une inspiration pur le XXIe siècle, Editions de l’Université d’État d’Haïti, 2012, p. 48-49.

[14] Georges Anglade, « En 1787, à Saint-Domingue, un formulaire d’enquête sur l’agriculture, les nègres, les animaux », Nouvelle Optique, Montréal, mai 1971.

[15] Edmond Paul, Œuvres Posthumes, Tome I, Paris, Dunod et Vicq, 1896, p. 132.

[16] Dantès Bellegarde, Un haïtien parle, P-au-P, Imprimerie Chéraquit, Haïti, 1934, p. 21.

[17] James E. McClellan, Colonialism and Science – Saint Domingue in the old regime, University of Chicago Press, 1992, p. 255-256.

[18] Achille Mbembe, De la postcolonie, Karthala, Paris, 2000, p. 140.

[19] Edmond Paul, L’impôt sur les cafés et les lois du commerce intérieur, Kingston, Imprimeurs Gleaner, 1876, p. 12.

[20] François Blancpain, La condition des paysans haïtiens – Du Code noir aux Codes ruraux, Paris, Karthala, 2003, p. 86.

[21] Madison Smart Bell, Toussaint Louverture – A biography, New York, Pantheon Books, 2007, p. 168.

[22] Denis Laurent-Ropa, Haïti – une colonie française 1625-1802, Paris, L’Harmattan, p. 253.