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Constitution amendée : Retour vers le macoutisme, complot ou renforcement de la tutelle ?

constitution-87 Des organisations paysannes, d’ouvriers et de femmes se montrent sceptiques sur la réédition de la Constitution amendée, arrêtée par la présidence le 19 juin 2012, et s’interrogent sur les pratiques de l’actuel gouvernement, qui leur rappellent la période de la dictature des Duvalier (22 septembre 1957 - 7 février 1986), suivant les analyses et points de vue rassemblés par l’agence en ligne AlterPresse.

« Nous avons des craintes, des peurs, quand nous réfléchissons sur la question de la réédition de cette Constitution amendée », déclare Carlo Napoléon, secrétaire général de la coordination syndicale haïtienne (Csh).

Napoléon déplore le fait que les travailleurs et les autres classes dominées de la société n’ont pas été invités à se prononcer sur le dossier.

Cette décision de l’exécutif « entre dans le cadre d’une continuité de l’exclusion des plus pauvres », estime la plateforme des organisations de défense pour la souveraineté alimentaire de la chaîne des Cahos « Platfòm òganizasyon pou defann souverente alimantè Kawo (Podsak) » dans le département de l’Artibonite (Nord).

Une démarche qu’a commencée l’administration de René Garcia Préval et dont celle de Martelly/ Lamothe est en train d’assurer la « prolongation », ajoute un des conseillers de la plateforme, Nicolas Pierre-Louis.

« C’est une prolongation pour nous enfoncer beaucoup plus sous la tutelle (…) Un complot (contre le pays), dans lequel la communauté internationale est partie prenante », avance Pierre-Louis.

Fòs refleksyon ak Aksyon sou kesyon kay (Force de réflexion et d’action sur la question du logement, ‘’Frakka’’) condamne cette « démarche, biaisée dès le départ, où tout se faisait à la va-vite » et qui a ouvert la porte à « beaucoup de confusions », indique un responsable de la Frakka, Jean Reyneld Sanon.

En route pour un retour de la dictature ?

Marie Ange Noël de l’organisation ‘’Fanm Deside’’ (Femme Dévouée) dans le departement du Sud-Est se « demande est-ce que certaines décisions ne sont pas autoritaires ? »

Une question, dont Jean Reyneld Sanon semble avoir la réponse : « cet amendement ne nous mène que vers un régime dictatorial », affirme Sanon.

« Nous allons faire un recul vers les années de la dictature », craint-il.

La modification de l’article 137 de la Constitution du 29 mars 1987, lequel - dans la version amendée - exclut le parlement dans le processus de choix d’un premier ministre, la mise en place d’un conseil électoral permanent qui se fait désormais en accord avec les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) alors que la loi mère de 1987 stipulait (en particulier) la participation des organisations sociales et des collectivités territoriales, sont parmi les facteurs, mentionnés par Sanon, pour montrer que la présidence est en train de jouir d’un pouvoir sans limite.

« Cet amendement constitue une épée de Damoclès » et semble « conférer tout le pouvoir au président de la république », critique Nicolas Pierre-Louis.

« Quand le président a tout le pouvoir entre ses mains (…), il peut se réveiller, un bon matin, et décider du droit de vie ou de mort du peuple », renchérit le conseiller de Podsak.

Cette situation, enregistrée dans un contexte d’affaiblissement des mouvements sociaux, n’est autre qu’une porte ouverte pour le rétablissement d’ « une dictature », analyse Pierre-Louis.

Bien de conséquences …

L’élimination de la représentation des collectivités territoriales dans l’organisation des élections, l’affaiblissement d’un État déjà fragile, le renforcement de la tutelle internationale, le renforcement des pouvoirs de ceux qui contrôlent l’économie nationale, sont autant d’effets que cette version amendée pourrait apporter au pays, avertissent les membres de ces organisations.

« Tout ceci n’entre que dans la perspective de la construction d’un pouvoir fasciste ( ...) en vue de retourner à un pouvoir dictatorial qu’on a connu avant (de 1957 à 1986) », pressent Sanon.

Cette réédition, qui « affaiblit » l’État, le mettra dans une position de négocier tout le temps avec l’internationale. Quand l’État devra faire face à de possibles soulèvements de la population, il ne pourra que « compter que sur la mission des Nations Unies de stabilisation en Haiti (Minustah) et la communauté internationale, même au détriment de la nation », prévient la Podsak.

Cela peut être aussi une ouverture pour le désordre, car, « le gouvernement - en acceptant de publier cette [version amendée] (de la) Constitution - permet de dire qu’il n y a pas de démocratie dans le pays », d’après Marie Ange Noël de l’organisation Fanm Deside (Femme dévouée, Fd).

Le mieux serait de surseoir sur la démarche et de relancer le dossier à la fin de la 49e législature. Ce serait l’occasion de recueillir l’avis de la population à travers un referendum, durant lequel celle-ci choisirait son avenir, soutiennent Nicolas Pierre-Louis de Podsak et Jean Reyneld Sanon. de Frakka.

« Un dialogue, une consultation sur la question, un compromis avec tous les acteurs nationaux », avant de prendre la décision de rééditer ou non, était ce qu’il fallait faire, regrette la coordination syndicale haïtienne.

Un gouvernement …

Les différente organisations, questionnées dans le cadre de la présente recherche, ne manquent pas de remettre en question le gouvernement de Martelly/Lamothe.

La Frakka voit, en ce gouvernement, la démonstration « de la démagogie et de la propagande » - quant au respect des droits à l’alimentation et à l’éducation - en se gardant d’attaquer les problèmes de front.

« Cela me dérange, quand j’entends le gouvernement claironner qu’il a envoyé des milliers d’enfants à l’école, parce que, en fait, on ne voit pas ce qu’il a mis en place pour envoyer ces enfants à l’école », explique la responsable de Fanm Deside (Fd).

« Est-ce un gouvernement auquel on peut faire confiance ? », se demande-t-elle, considérant que la population fait face à un gouvernement enraciné dans une pratique de « gaspillage » des biens de l’État.

C’est un gouvernement qui commence par frustrer les ouvriers en évitant de les approcher et de se pencher sur leur situation, note la coordination syndicale.

Rien n’est fait pour la création « d’emplois pour les jeunes », en sorte qu’ils puissent « avoir la liberté et le pouvoir d’achat », déplore la coordination syndicale haïtienne