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Selon Michel Forst l'Etat de droit mérite un vice-président ministre

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Michel Forst, expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a mis un terme à sa douzième mission, ce vendredi 8 mars 2013. Comme d'habitude, il a partagé ses « convictions » sur certains dossiers avant de les communiquer dans des rapports au Conseil des droits de l'homme. Ses « convictions », cette fois, se sont forgées aussi au terme de tournées et de rencontres avec des acteurs étatiques et ceux de la société civile dans plusieurs départements du pays.Comme un mantra, il a souligné qu'il est indispensable que les institutions soient renforcées. « Il faut maintenant aller plus loin et renforcer les institutions de l'Etat, afin qu'elles puissent vraiment jouer ce rôle essentiel dans la marche du pays et le fonctionnement de la démocratie », a confié Forst à des journalistes au Log Base. « Les renforcer, a-t-il soutenu, c'est d'abord leur donner des moyens et des ressources, mais les renforcer, c'est aussi les laisser agir et développer les prérogatives qui leur ont été données par la Constitution ou leurs lois organiques, sans tenter, comme j'ai pu l'observer, de les instrumentaliser ou de leur faire jouer un rôle qui n'est pas le leur ».

L'Etat de droit, a indiqué Michel Forst, inclut les droits économiques et sociaux. « Sur les droits j'ai salué dans mon rapport la mise en place de grands programmes sociaux, en faveur des Haïtiens vivant au dessous du seuil de pauvreté. Je pense à Ti Maman chéri, Aba grangou, ou le programme stratégique Ede pèp. Mais, a conseillé Michel Forst, il faut maintenant pérenniser ces programmes et les inscrire dans le cadre d'une vraie stratégie gouvernementale de l'Etat de droit ».« C'est pour cette raison, mais aussi pour assurer la cohérence de tous les ministères dans l'établissement de l'état de droit, a-t-il enchaîné, que j'ai proposé que soit nommé un délégué interministériel à l'Etat de droit, ou un vice-Premier ministre chargé de l'état de droit ». Sans pour autant se substituer à lui, et sous le contrôle direct du Premier ministre, il aurait pour charge exclusive d'impulser et de coordonner l'action des ministres dans ce domaine et de faire en sorte que les différentes pièces du puzzle s'emboîtent pour pouvoir, à terme, garantir la pérennité de l'Etat de droit en Haïti, a indiqué Forst, égrenant d'autres termes de références de l'action de ce vice-Premier ministre.
« Ce coordonnateur aurait pour mission de développer une véritable stratégie qui manque en matière d'Etat de droit, puis un plan d'action, de demander au Premier ministre de fixer des objectifs à chacun des ministres qui tiennent une des pièces du puzzle et enfin de développer des critères objectifs permettant l'évaluation de la mise en oeuvre de la stratégie », a poursuivi Michel Forst, qui a partagé ses convictions aussi sur la MINUSTAH.

« La MINUSTAH ne sera pas éternelle, et il faut dès maintenant que l'Etat haïtien prépare le plan de transition évoqué dans la dernière résolution du Conseil de sécurité », a-t-il dit, sans faire l'économie d'une proposition. « J'ai proposé qu'une partie de la Section des droits de l'homme de la MINUSTAH sorte de Logbase, de la base des Nations unies et s'installe dans un bâtiment au coeur de Port-au-Prince, et préfigure ainsi ce qui devra être le bureau du Haut-commissariat aux Droits de l'Homme des Nations unies après le départ de la Minustah. Ce bureau sera chargé de maintenir une présence internationale dans le domaine de la protection », a indiqué l'expert indépendant encore choqué par la situation carcérale en Haՙïti. «Je l'ai souvent dit, sans porter de jugement, la prison en Haïti reste toujours un lieu cruel, inhumain et dégradant et la solution au problème des prisons en Haïti passe obligatoirement par le traitement de la détention préventive prolongée », a confié Michel Forst, qui tire une petite satisfaction, sur un autre front. « La comparution de l'ancien président Jean-Claude Duvalier devant les juges de la Cour d'appel de Port-au-Prince constitue à cet égard une victoire du droit », a-t-il souligné, ajoutant, d'un autre côté, que : « l'Etat de droit est en marche, mais il y a encore un grand nombre d'étapes à franchir ».

Tranchant en partageant ses convictions, Michel Frost, sur le dédommagement des victimes du choléra, s'exprime dans un langage bureaucratique. « Sur le choléra, encore une fois, il ne m'appartient pas de commenter une décision qui a été rendue par les services juridique des Nations Unies. Je ne suis pas un expert épidémiologique capable de déterminer l'origine de la racine du choléra. Des études ont été produites et soumises à d'autres experts et au service juridique qui à son tour a rendu un avis qui est celui des Nations Unies. Il ne s'agit pas pour moi de porter un jugement sur le jugement lui-même qui a été rendu par les Nations unies », a-t-il expliqué.

« Sur la question d'indemnisation, là non plus, je n'ai pas d'opinion personnelle. Je ne peux pas non plus commenter ou répondre à la question si oui ou non les Haïtiens doivent être indemnisés. Cela ne rentre pas dans le mandat qui m'a été confié. C'est un mandat beaucoup plus modeste, beaucoup plus limité, et donc je ne peux pas répondre à la question », a répondu Michel Forst, sans contrainte cette fois à s'exprimer sur une remarque qui avait fait couler beaucoup de salives sur l'incapacité d'Haïti à accueillir des investissements.

« Sur la question de l'investissement en Haïti, beaucoup ont expliqué que pour que les entreprises viennent en Haïti, il faut qu'il y ait un cadre national propice à l'investissement. Ma déclaration avait fait beaucoup de bruit. Depuis le mois de novembre, beaucoup de mesures ont été engagées par le gouvernement en la matière. Des commissions ont été créées, des chefs d'entreprises ont été approchés, haïtiens et internationaux, pour travailler sur l'élaboration d'un cadre propice au retour de l'investissement », a indiqué Michel Forst. « Donc je crois que l'avertissement a été salutaire. Oui, l'avertissement a été entendu et répondu, et beaucoup de choses ont été lancées. Il est encore un peu trop tôt pour porter un jugement. Et j'espère que lors de ma prochaine mission en Haïti, lorsque le mandat sera renouvelé, je pourrais revenir sur cette question et répondre de manière plus claire et plus complète à la question que vous avez posée », a dit Michel Forst qui a répété, afin d'éviter toute ambigüité, qu'il n'est pas un membre du personnel de la MINUSTAH. « Je ne suis pas payé pour mon travail d'expert indépendant que j'exerce en toute indépendance, et je rapporte directement au Conseil des droits de l'homme des Nations unies », a-t-il insisté comme gage d'indépendance en partageant ses convictions qui se muent en recommandations. Celles-ci qui prennent du temps pour être appliquées.

Parmi ces dernières figurent quelques-unes datant de la période de Louis Joinet, un autre expert indépendant qui distillait ses conseils avant Michel Forst...

Roberson Alphonse

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