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En attendant la prochaine catastrophe

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1er juin 2013. La saison cyclonique est officiellement ouverte jusqu'au 30 novembre. Les météorologues du National Hurricane Center des Etats-Unis affinent et communiquent leurs prévisions. On attend 18 cyclones dont, 8 ouragans dans le bassin de la Caraïbe. En Haïti, certains tremblent d'effroi, d'autres, en revanche, se frottent les mains. Les uns et les autres ont leur « raison ». Ici, on est des vieux routiers de la catastrophe. Chaque année, les cyclones tournoient sur nos latitudes, déversent des trombes d'eau et laissent dévastations et morts dans leur sillage.

« Obligés » d'intervenir pour « aider » les populations sinistrées, des chefs débloquent des fonds pour effectuer des dépenses urgentes, nécessaires, mais toujours faciles à justifier. Dans moins de vingt-quatre heures, ce mardi 4 juin, après plusieurs séances non tenues, le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe va donner des explications au Sénat sur l'utilisation des 5 milliards de gourdes débloquées l'an passé pour effectuer des opérations d'urgence après le passage des cyclones Isaac et Sandy. Les contrats de gré à gré pour un peu plus de 400 millions de dollars américains, des travaux effectués qui cadrent difficilement avec la définition « opérations d'urgence » feront couler encore plus de salive.

Du côté de l'exécutif, jamais on ne confiera que les urgences sont aussi considérées comme un pain bénit, un moyen de contourner les lourdes exigences du CNMP, un utile écran de fumée pour masquer les faiblesses de beaucoup d'unités techniques au sein des ministères. Dans cette logique, aux Cayes, il est urgent de dépenser des millions de dollars pour allonger la piste de l'aéroport Antoine Simon, assez peu fréquenté. Il est aussi urgent de faire construire un aéroport à Ile-à-Vache, un paradis pour les visiteurs pas souvent au courant de l'envers du décor, la réalité d'une bonne partie de la population en panne d'eau potable, de latrines.

Des millions ont également été alloués pour effectuer des travaux de réhabilitation urbaine, construire des tronçons de route ou reconstruire certains ponts. Ces travaux résisteront-ils aux prochaines inondations, aux coulées d'alluvions dévalant des bassins versants complètement érodés ? Pas sûr. Mais le choix de financer des travaux dont la pérennité n'est pas garantie persiste. Depuis des années.

Dans le Sud où il est plus urgent de construire des aéroports, le massif de la Hotte, mis à mal ces dernières décennies, est totalement oublié par les autorités publiques, selon le sénateur Francky Exius. Sur la côte sud, dans les piémonts du massif, les villes de Coteaux, de Chardonnière, de Les Anglais, de Port-à-Piment, régulièrement dévastées en période cyclonique, n'ont pas oublié. Pourtant, rien n'est fait en amont. Qu'est-ce qui peut être fait en amont quand on claque des millions pour réhabiliter des bassins versants qui ne sont pas réhabilités ? Pas grand-chose avec un ministère de l'Agriculture géronte, peu inspiré et truffé de capitalistes qui offrent du bonbon à la pluie pour faire leur beurre après chaque catastrophe. Pas grand-chose tant et aussi longtemps que le pays aura ce ministère de l'Environnement. 95 % du personnel concentré dans l'Ouest et moins de 2% du budget national dont la majorité allouée au fonctionnement.

Les interrogations sur les problèmes structurels peuvent s'étendre à l'infini. Et, dans ce beau pays où l'on fait semblant de croire qu'une aspirine finira par guérir un cancer en métastase avancée, d'autres questions se posent : est-ce que nous sommes sérieux ? Est-ce que nous sommes conscients que notre environnement non maîtrisé fait des cyclones un élément qui alimente le cycle de notre pauvreté ? Cette façon de faire n'est plus soutenable. Oui... mais, répondra un manitou du système. Car longtemps après la séance de questionnement du Premier ministre Laurent Lamothe, les problèmes de fond persisteront et le prochain budget n'aura pas des ressources pour effectuer les réformes indispensables en vue de poser les actions salutaires. En parlant de météo, au Centre national de météorologie, les équipements offerts en 2010 pour mieux affiner les previsions sont encore dans leurs boîtes. Et le technicien dominicain appelé à monter le système est monté aux cieux trouver St-Pierre, selon une source informée. En attendant, ici, la prochaine catastrophe frappera. Elle n'est pas Godot.

Roberson Alphonse