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12 Janvier 2019: Kote Kòb Tranbleman de Tè an?

dgi collapse 2010

Peu de temps après les rapports des sénateurs sur le dossier du détournement des Fonds du Petro Caribe, le président de la république criait aux persécutions politiques. Pendant que d’autres parlent de l’argent des coopératives des années 2000. Questions pour eux de contrebalancer ou de détourner les esprits sur les manifestations contre les dilapidateurs des Fonds du Petro Caribe. Tout en continuant d’encourager les PetroChallengers á demander des comptes sur les 3.8 milliards des Fonds su Petro Caribe, avec un peu de recul par moment, ne serait-il pas important de se demander aussi, ‘’kote kob tranbleman de tè 12 janvier 2010’ lan pase?

Après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui a tué, blessé des centaines de millier de personnes et détruit beaucoup de villes du pays, y compris Port-au-Prince, la capitale, l’État haïtien dans toutes ses composantes, ainsi que la communauté internationale toutes tendances confondues, parlaient d’une seule nécessité: la reconstruction. Quant à cette dernière, à l’époque, beaucoup se   posaient des questions sur le type de reconstruction qu’à travers les relevés de fonds, les partenaires internationaux et les gouvernements d’Haïti envisageaient pour le pays. 

Dans les grands débats médiatiques et politiques, déjà, certains se disaient que le moment est venu pour Haïti de restaurer l’autorité de l’État. D’autres parlaient de refaire la mentalité de l’homme haïtien. Il n’y avait pas de doute car, dans le cas d’Haïti, c’était très important puisque tout était à refaire. Mais vu les urgences du moment, et compte tenu des approches déjà entreprises par les acteurs locaux et internationaux, parvenir à la réalisation de telles démarches n’était pas pour demain. Ce qui expliquait que, selon toute vraie semblance, l’État haïtien et ses alliés de l’international avaient définitivement opté pour la reconstruction des bâtiments publics détruits lors du séisme du 12 janvier aussi bien que des maisons pour la population qui était sous les tentes. 

Reconstruction, oui, mais en réalité, quel type de reconstruction voulaient-ils vraiment pour la population en particulier, et le pays en général? Voulaient-ils reconstruire les bidonvilles tels qu’ils étaient avant le 12 janvier? Ou voulaient-ils reconstruire selon les normes parasismiques et modernes de l’urbanisation? A savoir, l’aménagement de cités modernes 

Pourquoi et comment construire 

Mis á part des gens qui, vue leurs situations de précarités économiques qui profitent des espaces pour construire des petites maisons de fortunes, les   facteurs   historiques, politiques, économiques aussi bien que des attractions socio culturelles sont toujours les raisons prioritaires qui poussent aux constructions dans des villes. Il est aussi important de mentionner que, généralement, derrière tout déplacement, que ce soit d’une ville à une autre ou d’un pays à un autre, se cachent presque toujours des raisons économiques. Ce qui explique que, dans le cas des pays pauvres où il n’y a pas d’infrastructures, les gens ont tendance à quitter les sections rurales ou les provinces pour aller s’établir dans les grandes villes. Phénomène qui n’est pas différent en Haïti puisque, vu l’état de délabrement des sections rurales et communales où les services de bases n’existent pas, les gens, très souvemment, abandonnent leurs petites communautés pour aller vivre dans les grandes villes. 

Comme depuis un certain temps, certaines régions dans l’air métropolitaine de Port-au-Prince et d’autres communes avoisinantes continuent non seulement de s’accroitre, mais aussi d’attirer les gens croissance tout ceci démontre pourquoi les autorités locales et nationales devraient réfléchir et penser modernité quant à la reconstruction dans ces zones-là. Car, « l’exode rural et le développement d’une société tournée vers l’industrie et les services ont fait des centres urbains la source principale ». 

Mais là encore, indépendamment des moyens et d’autres causes, cette migration peut se faire en plusieurs étapes. Dans un premier temps, elle peut être « d’une section rurale ou communale aux villes petites ou moyennes le plus proche, puis vers les grands centres urbains. Selon la structure des établissements humains dans le pays... le flot de la migration submerge les capacités d'accueil de la grande ville. Les occupations illégales de terrains publics ou privés se multiplient en périphérie, et l'extension des services publics à des faubourgs proliférant entraîne des coûts exorbitants pour la collectivité ». Le regroupement des populations des sections rurales et communales vers certaines zones urbaines, particulièrement dans la ville de Port-au-Prince, avait été amorcé bien des décennies auparavant, mais l’augmentation de la population urbaine et la dégradation de l’environnement, dus au phénomène de concentration, avait, en quelque sorte, été accéléré après le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986. C’est-à-dire que, tout en attirant les paysans et les gens de l’arrière-pays par des promesses d’emplois, d’éducation et d’autres que pouvait offrir Port-au-Prince, l’arrivée et le mode de fonctionnement de ces gens avaient complètement modifié le visage de l’espace urbain dans certaines zones de la capitale. 

Port-au-Prince, commune bidonvilisée 

Port-au-Prince, capitale ceinturée de bidonvilles, n’est pas différent des autres communes telles que Petion-ville, Delmas et Léogane, elles-mêmes très touchées lors du séisme destructeur du 12 janvier 2010. Pour remédier aux crises de logements déjà existant, mais qui s’aggravaient après le tremblement de terre, plus d’un se lança dans le projet de reconstruction en Haïti. Mais en l’évolution de ces constructions, les mécanismes répondant à la coordination, au développement et à la création des villes, dans le respect du cadre de vie des habitants, n’ont pas été respectés. Cet équilibre nécessaire entre la population et les institutions publiques et privées, en termes de réseau d’eau potable, d’assainissement, d’éclairage public, d’électricité, de centres de loisirs et de réseaux de communication, n’est pas visible dans le processus de construction. 

Ainsi, face aux problèmes immédiats et défis á longs termes que pouvaient entrainer de telles circonstances, dans leur élan de solidarité au peuple haïtien, une cinquantaine de pays et d’organisations internationales ont promis 12,4 milliards de dollars d’aide humanitaire et de développent et d’annulation de dette après le séisme. Particulièrement, á l'occasion d’une conférence des donateurs réunie à New York en mars 2010, dans le cadre de leurs grands projets de reconstruction, les acteurs de la solidarité se dessinaient trois grandes priorités: logement, santé et agriculture. 

La reconstruction n’a pas été au rendez-vous.  

Neuf ans après le tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince, la capitale et d’autres communes plus particulièrement dans le département de l’Ouest, la reconstruction d’Haïti tant annoncée par les amis de l’international n’a pas apporté le résultat escompté. La montagne a accouché une souris. Puisque ni le Palais national, ni la Cathédrale de Port-au-Prince, aussi bien d’autres bâtiments emblématiques de la capitale n’ont pas été reconstruit. N’en parlons pas de logements pour ceux-là qui étaient sous les tentes. 

Dans Haiti, l’impossible reconstruction publié le 18 novembre 2017, Le Vif citait ce qui suit: "La situation est toujours aussi problématique sept ans après le séisme", confirme à l'agence Belga Frédéric Thomas, chercheur au Centre Tricontinental (CETRI) et spécialiste d'Haïti. "Des avancées ont été enregistrées dans les mécanismes d'alerte mais la population souffre encore de l'absence de politiques sociales et d'infrastructures. Il n'y a pas de centre de santé où se réfugier en cas de cyclone et les routes sont en mauvais état pour acheminer les soins.". Mais deux ans après, les choses n’ont pas changé dans la bonne direction. 

A un ami à qui je faisais part de cet article, me disait: pa vinn reveye chat kap domi. Mais neuf ans après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la reconstruction du pays reste incomplète aurait pu écrire Joris Bolomy. Puisque, l’année dernière, il écrivait: Reconstruire en mieux”. Huit ans après pourtant, le pays le plus pauvre des Caraïbes est loin d’avoir répondu à cette espérance. Plus de 38.000 sinistrés vivent encore dans des camps de fortune et de nombreux chantiers n’ont toujours pas été amorcés. 

9 van aprè, sak fèt 

Contrairement á ce que disait le président á la tribune des Nations-unis lors de l’assemblée générale en septembre 2018, manifestement, le pays n’est pas préparé pour faire face á de telle catastrophe, puisque quelque jours après ses déclarations, le Grand Nord avait été frappé par un séisme. Le 6 octobre 2018, un séisme de magnitude 5,9 se produit à Haïti, à proximité de Port-de-Paix dans le département du Nord-Ouest. La secousse est ressentie jusqu'à Port-au-Prince, la capitale. C'est le séisme le plus important dans le pays depuis celui de 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts. 

Si on voulait croire au discours du président d’Haïti est prêt puisque l’argent du tremblement de terre avait été bien utilisé donc, on a des hôpitaux modernes, des engins lourds, des camions et des sapeurs-pompiers bien formés dans chaque commune etc. Mais neuf ans après le séisme, la construction se résume á quelques bâtiments publics. L'article En Haïti, cinq ans après le séisme, la reconstruction patine publie le 12 janvier 2015 est encore d’actualité. "Rien n'a changé". "La reconstruction se résume à quelques bâtiments publics. Il faut plus d'aide". "La vie n'a pas beaucoup changé. La classe moyenne s'est appauvrie. Les familles sont traumatisées et désorganisées. De nouveaux bidonvilles ont été érigés", renchérit Jean Verdy, un militant politique. 

12 janvier 2010-12 janvier 2019, neuf ans après, le bilan de la reconstruction est mitigé. Le mot d’ordre « reconstruire en mieux », répété par l’ancien président des Etats-Unis Bill Clinton lorsqu’il était envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, est largement resté un vœu pieux. Plusieurs projets ont tourné au fiasco. 

CIRH et la reconstruction d’Haïti après le séisme du 12 janvier 2010 

Coprésidée par un ancien président américain et un Premier ministre haïtien d’alors, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti était une agence ayant pour but de coordonner les projets et les fonds de reconstructions entre les différents bailleurs et le gouvernement haïtien. En ce qui a trait à la structure du CIRH aussi bien que son rôle dans le processus de la reconstruction, il y a lieu de préciser que le plan de reconstruction, qui a été approuvé durant la réunion des bailleurs organisée par le président Clinton aux Nations unies, relevait d’une stratégie multisectorielle et ne visait pas uniquement la reconstruction des bâtiments de l’État. Chacun des bailleurs avait formulé son intérêt pour un secteur prioritaire, tels que environnement, éducation, gouvernance, énergie, santé infrastructures, etc. Le plan donc touchait tous les secteurs du développement d’Haïti.  

Neuf ans après le séisme du 12 janvier, il est important de faire le constat d’échec de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) sur l’utilisation réelle des 11 milliards de dollars promis à Haïti par la communauté internationale lors de la conférence des donateurs à New York, le 30 mars 2010. Dans un article écrit et publié par Nathalie Cardichon dans les colonnes du quotidien le Nouvelliste, elle cite L’économiste Eddy Labossiere qui évoque un article du New York Times relatant le gaspillage des fonds alloués à la reconstruction d’Haïti, qui questionne l’attribution de contrats, de frais administratifs et l’allocation de 15 à 20% des frais au transport et à la location de voitures. Seulement 1% de cet argent est passé à travers l’Etat haïtien. Plein de questions qui, selon Eddy Labossière, resteront sans réponse faute d’évaluation. 

Comme, des années après la propagande médiatique sur la reconstruction d’Haïti, en termes de logements sociaux pour ceux-là qui étaient sous les tentes, rien de visible n’avait été fait, tout en évaluant certaines institutions et firmes qui étaient impliqué dans le grand projet de reconstruction, ainsi ils sont nombreux aussi ceux qui se posaient cette question sur le nombre de maisons construites par la Croix-Rouge sur l'utilisation des 500 millions de dollars de dons récoltés. 

Croix-Rouge est aussi épinglée 

Comme beaucoup d’autres institutions internationales qui étaient venues au pays pour aider après le séisme dévastateur de 2010, la Croix-Rouge américaine, dans le cadre de constructions de logements pour les gens qui étaient sous les tentes avait recueilli près d'un demi-milliard de dollars. ‘’Une enquête du site d’investigation ProPublica et de la radio publique américaine NPR s’interroge sur l’utilisation par la Croix-Rouge américaine des 500 millions de dollars levés après le séisme dévastateur à Haïti en 2010. L’ONG a “récolté un demi-milliard de dollars et n’a construit que six maisons sur place en cinq ans”. 

Ce court papier de quelques pages ne serait pas suffisant si toutefois on voulait faire, en détail, en termes de performance, une évaluation de certaines institutions et firmes impliquant dans le grand projet de construction. Cependant, si en matière de politique publique, la politisation de la notion de corruption a fait et continue de faire l'objet dans le pays, donc au moment où Haïti et les parents pleurent la disparition de leurs proches ce 12 janvier 2019, les citoyens ne doivent pas oublier de demander, neuf ans après, kote kob tranbleman de tè an pase? 

Conclusion 

Les promesses d’aides faites par les pays et organisations internationales au pays après le séisme dévastateur du 12 janvier étaient des milliards de dollars. Si elles ont été bien utilisées, de telles aides et dépenses pour la reconstruction auraient dû conduire à des améliorations dans le développement, mais malheureusement, elles ont en réalité seulement servi à enraciner le statu quo du système corrompu dont les politiques publiques entravent toujours le développement. Les pays donateurs ne donnent pas par pur altruisme, ils avancent leurs intérêts stratégiques et économiques. L’aide fournie implique souvent que le pays récipiendaire achète en contrepartie au donateur, à un prix généralement plus élevé que le marché. Il est opportuniste pour les pays développés de soutenir ces dirigeants corrompus car cette situation permet aux grandes puissances de plus facilement négocier leur accès aux ressources fabuleuses…. plutôt que devoir faire face à une vraie démocratie qui poserait ses conditions. Autant maintenir au pouvoir un gouvernant amadoué par l’aide et d’approuver la tenue d’élections arrangées de façon à garder bonne conscience. 

Donc si, aujourd’hui, Haïti est un pays de merde, le peuple haïtien est en droit de demander aux dirigeants locaux et organisations internationales qui avaient la noble mission de reconstruire le pays après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, kote kob tranbleman de tè an? Car le pays, particulièrement Port-au-Prince, la capitale et les zones les plus touchées par le tremblement de terre ne peut pas se trouver dans la merde á lui seul.  

Prof. Esau Jean-Baptiste
10 janvier 2019

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