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Le BBM ou Bye Bye Ministre:« On ne peut pas travailler. Je passe mes heures à guetter un fatal BBM»

blakberry-ministre-vire250« On ne peut pas travailler. Je passe mes heures à guetter un fatal BBM. »

Celui qui parle ainsi est un ministre de la République. Membre du gouvernement de Laurent Lamothe avec siège au Conseil des ministres présidé par Michel Martelly. La crainte du fatal message de fin de service l'empêche de travailler dans la sérénité. Son nom trône sur la liste des sortants depuis trois semaines déjà.

Depuis que le plus puissant ministre de l'ère Martelly a appris son éjection du gouvernement par cette formule cavalière, l'information diffusée par téléphone BlackBerry est la hantise des chefs. Personne n'est à l'abri du Bye Bye Ministre, le message BBM, couperet suprême de la sanction politique.

La pratique se généralise, plus question de prendre un arrêté, de laisser le temps au sortant de respirer, d'avoir une certaine allure, de chercher ses mots. Les nouvelles circulent à la vitesse de la lumière au temps du cybergouvernement. Pan ! Vous n'êtes plus ministre, sans même avoir le temps d'avoir la puce à l'oreille.

Les plus chanceux lisent eux-mêmes le message annonçant la fin de leur carrière de titulaire de portefeuille ministériel, de secrétaire d'Etat ou de directeur général. Certains en sont informés en décryptant la mine déconfite et navrée de leurs interlocuteurs. Cela arrive en pleine réunion ou surprend à la sortie des bureaux.

Un ministre l'a appris par son chauffeur qui venait d'entendre à la radio la fin annoncée du règne de son boss. Un téléphone fermé, une batterie à plat, vous voilà dans le noir, coupé du monde, et vous êtes la risée de l'entourage qui, quelques minutes avant, vous traitait avec déférence.

Ces derniers jours, président et Premier ministre ont beau démentir que le gouvernement n'est pas en instance de remaniement, les ministres eux-mêmes n'y croient pas. Ils ne comptent que les jours passés en poste. Rares sont ceux qui sont rassurés sur la durée de leur fonction pour faire des prévisions, projeter des voyages, entreprendre des réflexions à le long terme.

L'élégance d'avertir des départs imminents ne se pratique plus, déplore un membre de cabinet particulier qui en a vu d'autres. On retire même aux sortants la dignité de la formule « suite à la démission de... ». Sous le règne de Martelly-Lamothe vous êtes démis comme un vulgaire commis. Un haut fonctionnaire, un politique, un allié sont de simples colis. On vous dépose en plein service. Même si, vite, on vous recycle, vous êtes marqué pour la vie par l'affront de la chute sans préavis.

Est-ce à cause de ces nouvelles manières de faire qu'il est impossible de trouver preneur pour certains postes ?

On chuchote que personne n'a voulu remplacer X. Que le poste très convoité de ce grand ministère n'attire pas grand monde. Il faut pécher et repêcher pour nommer un commissaire du gouvernement à Port-au-Prince.

A mal traiter ses hommes et femmes de première ligne, le gouvernement repousse le nécessaire sang neuf et sera obligé de garder ceux en poste.

A quelque chose malheur est bon au pays où stress et sirène font bon ménage.

Frantz Duval
Le Nouvelliste
Twitter:@Frantzduva