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Haïti: la dictature d'un seul homme

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Lors de leur visite le week-end écoulé, les diplomates de l'ONU ont fait de leur mieux pour donner une meilleure image du sombre tableau d'Haïti, mais aucun talent diplomatique ne peut cacher l'horrible vérité: Haïti est de retour à la dictature d'un seul homme et personne ne peut dire combien de temps cela durera.

La visite de hauts représentants du Conseil de sécurité des Nations Unies, y compris l'ambassadeur américain Samantha Power, a été conçue pour montrer la préoccupation de la communauté internationale envers Haïti. Ce genre de visite est utile étant donné que le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental a désespérément besoin du soutien de la communauté mondiale pour faire un quelconque progrès.

Mais même s'il est de coutume pour les dignitaires en visite de dire de belles choses sur le gouvernement du pays hôte, la délégation a exagéré en félicitant le Président Michel Martelly d'avoir consulté les groupes de l'opposition et de la société civile, maintenant que le gouvernement constitutionnel est en panne. Ils ont été "encouragés", a déclaré Mme Power, à propos de sa promesse de continuer à travailler pour aider à résoudre la crise haïtienne.

Beaucoup d'Haïtiens découragés ne seraient pas d'accord. M. Martelly a été au centre de la tourmente politique en Haïti depuis qu'il a pris ses fonctions en mai 2011. Aujourd'hui, le pays est en proie à une crise politique qui l'a laissé sans maires élus, sans responsable de la Cour suprême et sans Parlement.

L'échec à tenir des élections de plus de trois ans en retard a provoqué l'expiration du mandat de la plupart des législateurs en janvier. Maintenant M. Martelly gouverne par décret.

Le président n'est pas le problème en soi. Certes, il n'est pas le seul responsable de l'impasse électorale, mais cette dernière existe certainement et en grande partie à cause de lui.

Tout au long de son mandat, il n'a pas réussi à travailler avec ses adversaires afin de trouver des compromis politiques. Son opposition a été tout aussi têtue, mais c'est bien M. Martelly qui porte le fardeau du leadership et c'est pendant son mandat que le pays a soudainement régressé à la domination d'un seul homme.

Dans une adresse à la nation, prononcée avant l'arrivée de la délégation de l'ONU, le président a accepté la responsabilité de la crise et a promis de tendre la main à ses adversaires politiques afin de tenir des élections crédibles tard cette année.

C'est un changement rafraîchissant, mais ce n'est pas un bon début. Il a remis dans le gouvernement de transition, tous les ministères importants à ses propres partisans, y compris certains qui seraient probablement incapables d'obtenir une décharge correcte en vertu des dispositions de la Constitution d'Haïti. M. Martelly dit qu'il veut tourner la page, mais il était sur le point de nommer un policier discrédité à un haut poste du gouvernement jusqu'à ce que la communauté internationale l'ait mis en garde.

Tout cela suggère que M. Martelly ne respecte pas les processus d'un gouvernement démocratique qui l'ont ironiquement amené au pouvoir et nécessitent souvent un partage du pouvoir avec des adversaires. Pour leur part, ses adversaires doivent comprendre que M. Martelly est le seul président d'Haïti. Ils doivent être prêts à le rencontrer à mi-chemin s'il tend sincèrement la main.

Le rôle de la communauté internationale pour résoudre l'impasse politique sera crucial, mais cela n'aide pas lorsque les représentants de la communauté offrent un soutien aveugle au président. Les diplomates font face à un problème de crédibilité parce qu'ils sont perçus comme des facilitateurs au lieu d'être des médiateurs impartiaux.

Comme il entre dans la dernière année de son mandat, la tâche principale de M. Martelly est de rétablir la confiance politique en Haïti. Il a une chance d'être l'un des meilleurs présidents qu'Haïti ait eu en organisant des élections libres, justes et transparentes – non pas pour lui-même ou un protégé, mais pour tous les candidats. S'il échoue, il finira aussi mal considéré que certains de ses terribles prédécesseurs. Ou pire.

Traduction de l'éditorial du 27 janvier 2015 du Miami Herald: Nancy Roc

Article original: One-man rule in Haiti

NancyRoc.com

Photo: le président haïtien Michel Martelly, au centre, accueille des représentants du Conseil de sécurité des Nations Unies à Port-au-Prince. Les membres du Conseil ont pressé Martelly de tenir des élections sans retard. AFP / GETTY IMAGES