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Haïti 2015: Des Présidentielles sans Candidats

election 2015

Par Jean-Rony Monestime --- Haïti organise des présidentielles sans candidats. Ce constat peut être conçu comme aventureux, si on doit se recueillir devant la liberté d’opinion qui accorde le droit de critique à toutes et à tous. Néanmoins, le paysage politique haïtien, pollué d’instabilités et de figures incomplètes, alarme nombreux citoyens sur le dénouement de cette ère électorale. Il confirme, surtout, que ces élections présidentielles à venir font place à d’observations hardies.

Haïti est l’un des rares pays du monde qui ne cessent de reculer. La présidence haïtienne n’est plus ce qu’elle était. La politique devient si vilaine dans le pays que des têtes bien faites promeuvent la médiocrité et des effigies de l’intelligentsia se prostituent en plein midi avec des sans-aveux qui ne cherchent qu’une fenêtre sociale dans la politique.

Haïti post-Duvaliériste n’a élu qu’un seul vrai politique et homme de parti à la tête de la nation, Professeur Lesly Manigat, qui, malheureusement, n’a vécu que quatre mois et 13 jours au pouvoir. Les autres chefs d’État ont été tous des providentiels qui ont catalysé toute une série de climats de crises. L’actuelle présidence atteste, sans réserve, combien cette première république noire se décrédibilise. Le firmament politique reste inondé de dartres et de macules et devient un fardeau qui influe sur le devenir du pays.

L’échiquier électoral est la victime la plus prestigieuse de ce pouvoir actuel. Sweet Micky a désacralisé la présidence haïtienne à un niveau le plus dégradant de l’histoire. Être candidat à la présidence aujourd’hui est synonyme d’une simple comédie. Les postulants sont issus de partout : d’entre les infâmes, les défroqués, les prévenus, les décousus, les inconnus, les méconnus, les apolitiques, les sans-verbes, les agnostiques et les impies.

La polémique autour de ces présidentielles à venir est une parenthèse qui prédomine depuis le nombre hurleur, soit une soixantaine, d’inscrits. Certes, il est réduit à (53) cinquante-trois, mais cela ne change point l’allure burlesque de ces joutes. Tout présage que ces élections seront rythmées de drames et de regrets. Car, pas même un seul de ces admis du CEP (Conseil Électoral Provisoire) soit prêt à offrir à Haïti de nouveaux cieux politiques. Une analyse attentive édifiera cette opinion. D’abord, il faut repartir les candidats en secteurs. Car, ils sont nombreux ceux qui sont natifs de la même famille politique qui, sordidement, se croisent dans la faune électorale. Les candidats à la présidence de l’heure sont des lavalassiens actuels, des lavalassiens réprimés, des amants du duvaliérisme, des conservateurs répugnants, des Têt Kale scissionnés, des candidats d’État et des sans-origines. Chacun de ces sept secteurs ont au moins un candidat influent et mieux connu, sauf que ce candidat n’a toujours pas montré un signe d’espoir pour une Haïti moderne.

Voici les sept spécimens triés impartialement d’entre cette fourmilière de postulants, représentant chacun son courant. Ils sont les plus connus du plus grand nombre, mais pas souvent les plus capables.

Moise Jean-Charles

moise jean charles photoIl est d’immatriculation lavalassienne. L’ancien maire de Milot est arrivé au sénat sous la protection de René Préval qui cherchait une paix avec les bases lavalassiennes à l’insu du président Aristide, alors en exil au pays des Zoulous. Pour s’acheter une quiétude, président Préval a choisi comme conseillers Samba Bookman chef de bande dans les bases de Port-Au-Prince et Moises Jean-Charles dans le nord. Tandis que ces deux patriotes étaient des inaptes connus, malgré leur militance irréprochable. Moïse a fait de cette farce prévalienne son arsenal politique.

Le sénateur Moise part en guerre contre Michel Martelly, le successeur de son bienfaiteur, Préval, presque durant tout le quinquennat (2011-2016). Ses déclarations innombrables, ses accusations interminables mariées à sa vaillance lui accouchent d’une crédibilité, mais d’étalon populiste. Car, le petit Moy de Barye Batan est loin d’être à la hauteur d’une présidence raisonnable. C’est un candidat sans le verbe et sans l’épithète qui se détrempe dans la tergiversation. Il ne présente aucune grande idée d’alternative capable de curer Haïti de ses plaies. Il convoite piteusement le nouveau socialisme sud-américain, pourtant en voie de disparition. Son discours est fébrile, mais peu diplomatique. Le candidat Moise de Pitit Desalin emprunte la voie épineuse de Jean Bertrand Aristide en revenant, trop souvent, sur les divers épisodes des contentieux d’antan qui avaient soulevé le peuple contre les richissimes. Alors qu’il est sans plan et peut à peine relever les plus grands défis de l’actualité: le problème dominicain, l’insécurité alimentaire, l’analphabétisme et la déforestation. Moise, étant un lavalassien réprimé, serait aussi un échec. C’est un incomplet!

Jude Celestin

jude celestin profileFils authentique du Prévalisme, il a été favori aux présidentielles de 2010. Cependant, il ne dégage aucun zèle politique. Ce n’est ni un homme de terrain ni un homme de parti, mais un homme de clan. Sans aucune militance, il est absent dans toutes les tentatives de portée nationaliste. On ne connait pas sa position sur le problème haitiano-dominicain; on ignore ses idées sur les contrats juteux légués aux firmes dominicaines par ses amis; il a fait zéro déclaration dans la presse pendant presque tout le quinquennat de Michel Martelly. Aujourd’hui, il est le candidat de LAPEH et convoite, à nouveau, le palais national sans aucune vision. Jude Célestin est un candidat d’État. D’ailleurs, on commence déjà un engin de propagandes à son endroit. Néanmoins, avec lui, le pays resterait stagnant. Son entourage est trop corrompu. Avec Jude, le statu quo serait maintenu : On verrait fleurir beaucoup plus de firmes dominicaines sur le paysage politique; aura-t-on, peut-être, une autre démagogie agraire dans l’Artibonite et d’autres émeutes de la faim?

Maryse Narcisse

maryse narcisse profile fbProtégée de Jean-Bertrand Aristide, Dre Maryse n’a jamais été parmi les prélats du parti Fanmi Lavalas. Elle est jusqu’ici sans crédibilité politique pouvant lui procurer un tel mérite. On connait plutôt les Bell Angelot, Yvon Massacre, Mario Dupuy, Gibert Angerville et Jonas Petit. Cependant, elle a été le choix du père, dans l’idée de maintenir sa politique de doublure inter-partite. D’ailleurs, il l’avait fait avec Préval en 1995. Et, pour cause, la presse le surnommait : le « duc de Tabarre Â».

Maryse est très détestée parmi les bases du parti. Elle n’est pas convaincante et est comparable à une marionnette. Selon des observateurs, elle est l’épuratrice du mouvement qui s’éloigne des ghettos pour faire place aux riches et aux gens de NOMS. En témoigne, l’arrivée au directoire du parti de l’un des Vorbe, de Claude Roumain et d’autres anciens adversaires qui avaient décrié les beaux temps du père de St Jean Bosco. La plupart avaient même profané son charisme politique.

Maryse est presque nulle en idée, ignorant les ABC de la politique. Elle ne fait que répéter les vieux adages de son dieu Aristide. La candidate Maryse est peut être l’une des causes du déclin de Lavalas. Elle ne compte que sur les décombres de popularité qui reste à Aristide pour se faire élire. Une Maryse au palais serait pour le malheur d’Haïti. L’an 1995 serait répété. C’est une lavalassienne qui ne comprend guère l’idéologie du parti. Elle verrait mourir ce mouvement tant bercé dans le passé.

Sauveur Pierre Etienne

sauveur pierre etienne oplC’est un héritier politique de Gérard Pierre-Charles, mais il est loin d’être un bien-aimé de l’OPL. C’est un vantard hautain qui ne rate pas d’occasion sans claironner son diplôme. Figure très conflictuelle et très sensible aux critiques, il peut rabrouer même le plus simple des citoyens qui ose lui reprocher une erreur.

Sauveur semble avoir peu de chances de gagner. Son caractère, ses vantardises, sa loquacité priment sur sa qualité d’homme politique dressé. Il lui manque le discernement. Son principal ennemi est Jean-Bertrand Aristide; il a fait du nom de l’apôtre du 16 décembre 1990 une obsession. Sauveur s’est fait haïr dans le milieu populaire à cause de ses prises de position peu adroites.

Le candidat Sauveur Pierre-Etienne est très impopulaire. Il attend peut-être un score humiliant comparable à celui de K-Plume en 2006. Son programme politique louangé sur les ondes n’attire presque pas de curieux. Universitaire crédible et grand théoricien, il s’est vêtu pourtant de misérables armures de stratégies. Ses détracteurs le qualifient de « *Radotologue Â». C’est un Sauveur Pierre Étienne très détesté qui se présentera aux présidentielles à venir.

Samuel Madistin

samuel madistin 250Madistin serait peut-être le plus adroit des sept candidats mieux connus. Néanmoins, le départ de la Docteure Mirlande Manigat et la décadence du MOPOD l’ont enterré. Étant un ancien député et un ancien sénateur, c’est un feint connaisseur du milieu politique du pays. Ses expériences devraient influer sur l’électorat. Cependant, il semble que l’inverse perpétue. Madistin est très pâle. Le MOPOD n’a pas su tenir son vedettariat d’avoir été la plus grande coalition anti-gouvernementale; il a vomi trop de candidats à la présidence. Tout cela a affaibli le candidat Madistin. Samuel Madistin n’occupe pas encore une place éminente parmi les présidentiables. Et, Sa chance ne s’accroit pas.  

Jovenel Moise

jovenel moise 250Monsieur Jovenel Moise est le candidat du pouvoir. Sans image convaincante et sans un passé politique, il se range parmi les candidats de la providence. Le pire, on le présente comme un agriculteur qui doit remembrer la production nationale, alors que ses plantations, de financement douteux, sont toujours au stade embryonnaire. Pourquoi devrait–il être président d’Haïti si ses œuvres semblent blasphématoires? D’ailleurs, il représente ce gouvernement décrié qui a maculé le pays et promu la corruption.

Jovenel Moise est un piteux bouffon et un des scissionnés des Têt Kale. Il ne convainc pas. Ce serait la doublure de Sweet Micky qui ne cesse de détruire l’économie du pays. Sans expérience, sans discipline politique, Jovenel est un tâtonneur grotesque.

Jean Henry Céant

henry ceant 250Céant est un sans-origine politique. Il veut se faire passer pour un pro-lavalassien, alors qu’il est plus proche des duvaliéristes. C’est un véritable problème d’identité politique. Selon un cadre de lavalas, notaire Céant servait le président Aristide en tant que professionnel, mais n’avait été ni membre ni militant du parti. Il avait tenté en vain de représenter le parti aux dernières présidentielles.

Les observateurs le qualifient d’usurpateur. On lui reproche le scandale des démolitions au centre-ville de Port-Au-Prince. Des bévues dans le notariat haïtien, son problème d’identité politique, ses idées trop floues et le contentieux créé avec des familles déplacées du centre-ville doivent lui obstruer le sentier du palais national.

Voilà les profils rejetables des sept mieux placés des cinquante-trois admis du CEP. En réalité, ces sept candidats sont les plus connus des cinquante-trois (53). Nonobstant, ils ont tous de graves obstacles pouvant réduire leurs chances d’être élus. Ces présidentielles seront peut-être ajournées pour en trouver un postulant moins fâcheux du lot des 53. Aujourd’hui, l’observation c’est que ces élections sont sans candidats. Haïti doit s’interroger sur son destin.

*Radotologue=traduisant le mot créole  " radotè ", qui signifie hâbleur.

A. Jean-Rony Monestime
Secrétaire Général Adjoint de L’INFINI