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Neutralisation !

youri latortue martellyYouri Latortue conseiller special de de Michel Martelly (

Youri Latortue et ses collègues au Sénat avaient ravivé l'espoir en annonçant une enquête sur l'utilisation faite des fonds PetroCaribe. Une dette que devront payer plusieurs générations d'Haïtiens. La commission d'enquête mise en marche expressément dans le brouhaha le plus total, aurait pu être éminemment positive en permettant que lumière soit faite sur l'un des plus grands dossiers qui engagent la République. Pour une génération de politiques décriée, cette initiative pouvait marquer la rupture entre le traditionalisme pesant et une politique nouvelle, capable de relancer le pays.

Mais les phénomènes nouveaux germent trop rarement au sein de la politique de chez nous. Et cette 50e législature dès son entame s'est inscrite délibérément dans la continuité de celles qui l'ont précédée et qui ont supporté les dérives de PetroCaribe. L'autoflagellation n'a jamais été une option ici pour expier ou reconnaître une quelconque faute. Les motivations de cette commission ont donc été toutes autres. Et comme attendu, elle est devenue le théâtre d'affrontement entre clans politiques antagonistes qui veulent protéger leurs arrières et se prémunir en vue de la prochaine bataille électorale.

Après la fin du mandat de Michel Martelly, ceux qui étaient dans les rues réclamaient un audit de son administration. Plus d'un s'était étonné que ce fussent des parlementaires pro-Martelly, Youri Latortue en tête, qui prirent l'initiative d'enquêter sur le PetroCaribe. Mais cette démarche n'avait rien d'anodin ; elle ne constitue en rien un simple réflexe du pouvoir de contrôle des parlementaires. Elle relève d'une stratégie perverse de neutraliser les forces politiques au Parlement et d'influencer le processus électoral encore en cours. En prenant les devants, M. Latortue et alliés ont cassé les velléités des opposants au régime Tèt kale qui entendent exclure Jovenel Moïse de la course électorale, passant ainsi outre de l'accord du 5 février.

La marchandisation des attributs parlementaires continue donc, sur une autre forme et pour d'autres raisons. Cette commission qui constitue un amas de résidus des conflits entre groupes politiques instrumentalisés par des clans économiques n'avait pratiquement aucune chance de réussir. Elle était mort-née, vu l'étendue des contradictions. Et le passage en force de Youri Latortue pour prendre ses commandes l'a fait perdre peu à peu son minimum de crédit en tentant de concilier un individualisme sans frein avec un sectarisme nostalgique et mégalomane. Car, s'il est vrai que le sénateur de l'Artibonite se démarque des dérives enregistrées dans la gestion du fonds PetroCaribe, en avançant qu'il n'a été qu'un simple conseiller, dans l'imaginaire collectif, il est tout aussi responsable vu son support et sa proximité avec les membres de l'ancien régime.

Mais il faut aussi voir de l'autre côté de la barrière les anomalies qui entravent dès sa genèse un quelconque aboutissement du travail de la commission. Le premier auditionné, Garry Conille a ouvertement mis en cause l'administration Préval-Bellerive dont la gestion du PetroCaribe n'aurait pas tout à fait été un modèle. Le premier chef du gouvernement de l'ère Martelly a informé qu'un inventaire de la primature avait permis de découvrir qu'en date du 12 mai 2011, deux jours avant l'entrée en fonction de Michel Martelly, que trois contrats évalués à 348 millions de dollars avaient été signés entre l'État haïtien et des firmes dominicaines. Dans des conditions pas trop claires. Entachés de vices de procédure, M. Conille a précisé qu'il avait recommandé que ces contrats paraphés sous l'administration Préval/Bellerive soient révisés. Ce qui n'a jamais été fait.

Des déclarations accablantes contre les anti-Martelly. Les menées perfides des uns et des autres se heurtent donc à l'évidence des faits. Chaque percée de la commission risque de dévoiler un lot de vérité gênante. L'on comprend donc que certains commissaires se défilent déjà. Les forces politiques au parlement se neutralisent. Les investigations ne peuvent avancer dans aucun sens sans provoquer des scandales. Aujourd'hui, l'option enquête parlementaire est-elle la meilleure pour connaitre la vérité autour du programme PetroCaribe ?

Lionel Édouard
Source: LeNational