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Robert Lodimus: …Le devoir et l’obligation de sauver Haïti de la débâcle politique, sociale et économique

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« Les hommes ont un défi majeur à relever, celui de savoir vivre ensemble. Le " surhomme " n'est pas celui qui est très fort ou très puissant. Le surhomme, c'est l'ensemble des hommes. Dès lors qu'ils coopèrent, s'allient, dès lors qu'il n'y a pas de compétition entre eux, ils peuvent progresser, atteindre des performances supérieures. C'est pourquoi il faut organiser, encore et toujours, des rencontres entre les hommes. C'est la seule richesse. Â»

                       (Extrait d'une conférence en juillet 2004 d’Albert Jacquard)

 Par Robert Lodimus (Montréal) ---Émile Zola a publié son roman « La Débâcle Â» en 1892. En France, le second Empire, qui devient un symbole de décadence et de corruption, s’effondre. Deux amis, Jean Macquart et Maurice Levasseur, sont opposés idéologiquement. Ils ont, chacun, une conception de la France de demain. Lors de la « Semaine Sanglante Â» en 1870, ils se retrouvent face à face sur le champ de bataille. Le communard Maurice Levasseur est transpercé mortellement par la baïonnette de Jean Macquart qui ne l’a pas reconnu. Dans ce livre, l’auteur dénonce les horreurs de la guerre. Mais nous laisse aussi un message important qui devrait retenir notre attention : être capable de faire renaître un pays de la débâcle. Pour Émile Zola, c’était la France de 1870. Pour les Haïtiens, il s’agit de l’Haïti de 2019. Je reprends quelques mots d’Éric Boulanger, docteur en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal (l’UQAM), pour déclarer qu’Haïti doit « surmonter la honte de la défaite Â» pour « retrouver le chemin des honneurs et de la gloire Â».  

 Depuis trois décennies environ, nous essayons d’attirer l’attention des compatriotes sur le grave danger qu’encourt la République d’Haïti. La plupart des Haïtiens semblent ne pas se rendre compte qu’ils vivent dans un pays comateux dirigé par des néoduvaliéristes associés aux puissances impériales de l’Amérique du Nord et de l’Europe. L’État national est pris en otage par les malades du pouvoir de l’organisation criminelle du Parti haïtien des Tèt kale (PHTK). Haïti continue d’être tributaire d’une situation d’anarchie qui la rend dysfonctionnelle à tous les niveaux. On ne peut plus parler de disette pour qualifier l’atmosphère de privations alimentaires, mais carrément de famine, comme dans les pays africains frappés par la sécheresse chronique.

 Des données actualisées révèlent que le mois de septembre 2019 arrivera avec le début de l’aggravation de la baisse de la production vivrière. Déjà, la crise socioéconomique frappe durement les masses populaires. Elle n’épargne même pas les petits fonctionnaires, les policiers subalternes, qui ne reçoivent pas leurs maigres salaires dans un délai raisonnable, et qui réclament des arriérés de plusieurs mois. Arsène Similien, le doyen de la faculté d’agronomie de l’American University of the Caribbean des Cayes, tirait la sonnette d’alarme au cours du mois d’août 2019. Selon l’agronome, il faut redouter le pire. Il a constaté que l’État est incapable d’adresser les problèmes vitaux, essentiels auxquels font face les couches sociales marginales. Et pouvait-il en être autrement, lorsque l’harnachement de la nation est confié à des « béjaunes », à des novices, à des « bleusailles » qui volent, pillent, détournent l’argent des contribuables, et qui se retranchent derrière le paravent des gangs lourdement armés pour se maintenir au pouvoir?

 La planète entière est au courant que des autorités de la République d’Haïti sont impliquées dans le trafic de la drogue et dans les activités de gangstérisme international. Le bandit Arnel Joseph appréhendé dans le Sud du pays, alors qu’il cherchait à faire soigner une blessure reçue par balles aux jambes, dans un hôpital de la région, a fait des révélations étonnantes à l’État major de la police nationale sur la complicité dont il bénéficiait au sein de la présidence et du parlement. Cependant, jusqu’au moment où nous rédigions ce paragraphe, les dénonciations étonnantes du chef de gang de Cité de Dieu et de Marchand Dessalines n’avaient débouché sur aucune arrestation. Le chanteur Gracia Delva, devenu sénateur du département de l’Artibonite, identifié clairement par la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) comme étant le bras droit d’Arnel Joseph, continue de vaquer librement à ces occupations criminelles occultes. Bref, de jouir grassement en toute impunité des privilèges de l’État! Aujourd’hui, c’est bien cela, être un « honorable sénateur de la république de Port-au-Prince. Â» Dans l’Haïti des Tèt kale, les mots « président, parlementaire, magistrat, juge, policier Â» sont devenus synonymes de malfaiteur, de brigand, de kidnappeur, de tueur à gage… Le bandit Arnel Joseph n’est pas Robin des Bois! Il volait les pauvres, pour donner aux riches, aux bourgeois, aux politiciens véreux!

 La République d’Haïti s’enfonce dans un trou béant. Vraiment difficile pour ce pays de 27 750 kilomètres carrés, avec une population estimée à près de 11 millions d’habitants, de survivre à cette triste et regrettable mésaventure politique qu’elle a entreprise sous la gouverne indirecte du Core Group représenté par les néoduvaliéristes: ceux-là qui jettent de la bave sur le Venezuela et qui lèchent les semelles de M. Donald Trump.

 Ã€ travers le territoire national, les voix s’élèvent contre la pénurie alimentaire, la cherté de la vie, le chômage, la dégradation de l’environnement… Dans l’œuvre immortelle de Shakespeare, Roméo et Juliette, le Frère Laurent, en apprenant que le Frère Jean, à cause de l’épidémie de la peste, n’a pas pu transmettre son message à Roméo, à propos de la mort affabulée de Juliette, poussa ce soupir prophétique : « Je pressens un très grand malheur. » Effectivement, l’histoire se referma sur une intense tragédie. Roméo n’a pas survécu à sa jeune épouse Juliette. Haïti survivra-t-elle aux dégâts sociopolitiques, économiques et culturels causés par le passage regrettable des « charognards Â» au palais national?

 Les Haïtiens sont en train de faire face à la pire période de crise que leur pays ait traversée durant les 215 ans de la création de l’État postcolonial. À part l’oligarchie qui continue de s’enrichir, en exploitant éhontément la classe ouvrière, les petits agriculteurs, les artisans, toutes les couches sociales du territoire vivent des moments de difficultés mordantes, incisives, acrimonieuses. L’inflation forme une courbe exponentielle. Les petites gens ne meurent pas. Comme l’écrit Gorki dans le roman « La Mère Â» à propos de Vlassov: «Ils crèvent. »

 Â« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », objectait Lénine.

S’il existe un endroit où effectivement le monde est à l’envers, c’est bien en Haïti. On y observe un curieux phénomène : des médecins, incapables de se constituer une clientèle régulière et rentable, délaissent, abandonnent les hôpitaux et les cliniques pour exercer des fonctions politiques, alors que le pays ne dispose que de 3 354 médecins pour 11 millions d’habitants. Des indigents meurent dans les campagnes reculées et même dans les bidonvilles, sans avoir la possibilité de se faire ausculter et prescrire des médicaments... Des prêtres catholiques, des houngans, des pasteurs protestants, des boulangers, des sambas, des anciens gendarmes, des vendeurs de borlette, convoitent le palais national, accèdent à la Primature, deviennent des membres influents de cabinet ou des consultants. Des « jardiniers » siègent au Palais législatif, à la Chambre Haute ou à la Chambre Basse… Et qui pis est, sans l’encadrement adéquat, sans l’expérience indispensable et nécessaire, sans l’apprentissage préalable et la formation académique requise pour se conformer et répondre aux exigences de la fonction. Et ne rétorquez pas s’il vous plaît en prétextant les cas de Lula Da Silva, Lech Walesa et d’autres personnalités qui – nous le savons tous – ont fait leurs premières armes politiques dans des organisations de droits humains, de défense des travailleurs et ouvriers, dans le militantisme syndical.

 Les nerfs de résilience de la population sont grugés en profondeur. Tout cela ne préoccupe aucunement les mercenaires, les affairistes, – ces espèces de bandits à cravate ou en tailleur pour femme –, qui sont parvenus à usurper la présidence, le parlement, la primature, les ministères, les mairies, au moyen des opérations de vote frauduleuses organisées en 2011 et en 2016 par le Conseil électoral provisoire (CEP), avec la complicité des ambassadeurs occidentaux accrédités à Port-au-Prince. Les masses haïtiennes, nous l’écrivons toujours, n’ont pas encore atteint le niveau de capacité intellectuelle qui conditionne et détermine, à proprement parler, le choix de l’électeur rationnel.

 Haïti s’est transformée depuis l’ « arrivée des colons européens » en une « jungle sauvage » où l’espèce humaine lutte, se débat tous les jours contre elle-même pour survivre… Et, fort regrettablement, ni la grande révolte des esclaves, ni la proclamation de l’indépendance, ni la création de l’État, ni la fondation de la Nation ne sont arrivées à enrayer totalement les vestiges du féodalisme colonial… Les habitants malchanceux et abandonnés de l’arrière-pays ne vivent pas comme des chiens… C’est encore pire…!

 Pourquoi les organes de l’État n’arrivent-ils pas à jouer leur rôle respectif? Où faut-il chercher les explications? Nous pensons qu’il importe, dans cette situation de basculement politique et économique, de creuser davantage toutes les questions se rapportant au rôle distinct de chacune des pièces maîtresses qui composent la machine typique de l’État imposée par la « constitution » du 29 mars 1987, soi-disant pour le replâtrage et la consolidation des murs de soutènements qui protègent la structure sociétale nettement défaillante, totalement fragilisée par les tristes années de dictature politique de François et de Jean-Claude.

 Ã€ quoi assistons-nous depuis la naissance de l’époque post jean-claudienne? Pas duvaliérienne… Le système duvaliériste sert encore de fondation à toutes les pratiques et formes de gouvernance politique observées à Port-au-Prince de 1986 à nos jours. D’ailleurs, c’est l’absence d’alternative viable due à la stérilité des « politiciens » traditionnels versés dans l’ « opposition démagogique » qui lui permet de se rajeunir, de se renouveler, de s’autoprotéger, de s’autoréguler, de s’auto-adapter, jusqu’à reprendre des forces pour continuer son périple de ravage et de destruction au sein de la population cruellement éprouvée.

 De quoi sommes-nous témoins – vous et moi – dans la visière de nos observations constantes à partir de 1986, sans dédouaner naturellement l’ère des pratiques politiques duvaliériennes ? Des gouvernements – et nous l’affirmons franchement, sans crainte et sans hésitation – qui n’ont fait que tâtonner ou tâtonnent dans l’obscurité opaque, sans jamais parvenir à trouver ce petit chemin de normalité politique, de progrès économique, de changement social et d’évolution culturelle sur lequel fantasment continûment les collectivités nationales aux abois. La présidence d’une manière générale – et à toutes les époques de l’exercice du pouvoir après 1986 – se confond pitoyablement dans les interlignes des partitions qu’elle n’arrive pas à exécuter pour redresser et viabiliser les institutions publiques au bord de l’apoplexie. Et pourtant, ses attributions, ses responsabilités sont clairement définies dans la « Loi mère ».

 Selon le document d’Henri Namphy et du docteur Louis Roy où sont fixées les modalités d’une gouverne politique soi-disant républicaine, le Premier ministre, en principe, est le chef du gouvernement. Il a la responsabilité de conduire la politique de l’État. Depuis la première élection sous l’égide de la constitution de 1987, quelle place a vraiment occupée la Primature dans le circuit du pouvoir exécutif ? Les Haïtiens ont-ils vraiment l’impression d’évoluer dans un système exécutif bicéphale : chef d’État, chef de gouvernement ? La séparation et l’autonomie des trois pouvoirs – de la façon dont Montesquieu le conçoit et le prescrit dans L’Esprit des Lois – sont-elles effectives? Nous avons encore en mémoire les démêlés conflictuels du président René Préval avec le Premier ministre de l’OPL, M. Rosny Smart.

 Pourquoi Haïti est-elle en train de couler?

Nous nous sommes toujours dit qu’il faudrait que la société prenne le temps de bien connaître et choisir les individus qu’elle mandate pour la représenter et la gouverner. En y réfléchissant, tous les malheurs des Haïtiens ne viendraient-ils pas de l’incapacité d’une population – dont les membres, de façon majoritaire, vivent et se comportent comme l’aveugle de Jéricho – de rationnaliser son vote pour imposer sa propre vision de Liberté et de Justice ?

Qu’est-ce qui est à la base de l’esprit de ploutocratie, d’autoritarisme, de « dictatorialisme » qui caractérise toujours les gouvernements haïtiens de 1804 à nos jours? La maîtrise du concept de la « démocratie » advient par un cumul de connaissances théoriques et pratiques dans les domaines intellectuels y afférents. Il faut donc explorer, à ce sujet, les voies philosophiques tracées par les immortels de la pensée universelle. Plus on est informé, plus on est critique et exigeant envers soi-même, sage, tolérant et charitable envers les autres. C’est par la théorie que les philosophes de gauche, tels que Karl Marx, Lénine, Engels, Gramsci arrivent à opposer au capitalisme exploitationniste d’autres modèles de société qui répondent aux intérêts des peuples misérabilisés. Nous avons eu des exemples en Russie avec la révolution bolchévique, en Chine populaire avec Mao, à Cuba avec Fidel, Raoul et Guevara, au Chili avec Allende, au Nicaragua avec Ortega, au Venezuela avec l’immortel « Commandante » Chavez…

Les actes que nous posons viennent de nos idées. Les idées sont fonction de notre degré de perception intellectuelle, de compréhension et d’interprétation des faits sociaux, des événements politiques, des données économiques et des manifestations culturelles. Tous ces tâtonnements qui dévoilent le dysfonctionnement des organes de l’État haïtien ne proviendraient-ils pas d’une méconnaissance, d’une ignorance, et même chez certaines espèces cultivées, d’un mépris des formules de base de la méthode rationnelle, scientifique qui définissent et régissent les principes d’une société de droit ? En clair, une société où les citoyens évolueraient dans un état de grande quiétude et de sécurité béate, en exerçant leurs droits, et en s’acquittant de leurs devoirs... Le rôle de l’université est de transmettre à l’individu des connaissances utiles, indispensables, de lui fournir des notions essentielles de savoir être, de savoir faire, afin qu’il puisse adapter, transformer son environnement naturel aux conditions idéales de son bien-être à lui, et de celui de ses semblables.

 Lénine répétait : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde.» Quiconque entreprendrait aujourd’hui un mouvement de révolution sociétale avec des paysans haïtiens – dans l’état d’aliénation où ils se retrouvent – commettrait l’erreur fatale et irréparable. Les 13 militants du mouvement « Jeune Haïti Â», Jacques Stephen Alexis, Gérald Brisson, Richard Brisson, etc., devenus des martyrs d’un rêve de « révolution Â», en ont fait l’expérience néfaste. En Bolivie, ce sont les campagnards incultes qui ont vendu Ernesto Che Guevara à la CIA. Les paysans haïtiens sont-ils préparés à entreprendre, à participer consciemment à cette tâche colossale et délicate, qui devrait aboutir à l’avènement d’un État révolutionnaire? D’ailleurs, l’inculture qui génère l’absence de « conscience de classe Â» n’est-elle pas la raison principale pour laquelle les populations de l’arrière-pays se montrent vulnérables aux hâbleries politiciennes? Le seul mot « communiste » les fait trembler. Beaucoup de jeunes combattants révolutionnaires ont été dénoncés au régime duvaliériste par des montagnards qui les ont démonisés, par l’ Â« ignarisme Â» qui résulte de l’analphabétisme. Dans les campagnes, dans les endroits bidonvillisés, le « socialisme », le « communisme » deviennent synonymes de « spoliation» et de « corvée ». Le « marxisme-léninisme » véhiculerait donc une idéologie antipeuple! Un système d’État qui prêcherait la dépossession des pauvres de leurs lopins de terre, pour les réduire ensuite à l’esclavage! Aucun Cubain n’avancerait un pareil raisonnement. La société révolutionnaire de la République de Cuba est scolarisée au moins à 99%. Il sera donc difficile pour les États-Unis d’ébrécher le système castriste pour y introduire des bribes de changement idéologique, «convictionnel» et conventionnel dans le sens des intérêts du « Capital impérial ».

 Pour sortir de l’enclos « d’exister », et franchir la barrière « de vivre », il faut que chaque individu accomplisse dans son existence propre une mini-révolution. Les sociétés du Sud doivent bien recruter les femmes et les hommes auxquels elles confient leur destinée. Il faut que ces élus ou mandataires représentent des valeurs sûres, soient reconnus comme des patriotes honnêtes et des catalyseurs de renouveau politique, de progrès économique, de changement social, de protection et d’essor culturels. La politique est art et science. La fonction des théories politiques permet justement de définir, d’expliquer et d’analyser dans sa globalité « l’objet» auquel s’intéresse la science politique. La société haïtienne n’a pas encore atteint le niveau acceptable de l’expérimentation du processus de la «démocratie », comme système politique de gouvernance, au sens de son concepteur, l’Athénien Solon qui a vécu de 640 à 558 av. J.-C.

 Au milieu des nuits canadiennes qui se rapprochent de l’aube naissante, nous réfléchissons souvent sur le sort des centaines de millions d’individus qui errent sans boussole dans le désert de la décadence sociale, de la déchéance économique et de l’irrationalité politique. La fragilité, la vulnérabilité de la diaspora haïtienne éparpillée dans les quatre coins de la planète n’échappe pas non plus à nos réflexions nocturnes. Les Haïtiens sont devenus à la fois des parias et des errants. En l’espace de trois années, le Chili en a accueilli au-delà de 180 mille.

 Notre République, comme vous le constatez aussi, n’arrive toujours pas à occuper une place remarquable dans ce monde. Rien ne fonctionne jusqu’à présent pour les Haïtiens : la politique, l’économie, la culture, l’environnement… Nous n’avançons pas dans la bonne direction. La plupart d’entre nous demeurent sous l’effet de l’hallucination trompante. Comment pouvons-nous espérer, dans ces conditions-là, atteindre le bout du tunnel pour jouir des bienfaits du soleil de la Libération?

 Haïti a explosé. La guerre civile s’y est installée dans plusieurs quartiers de la capitale. Les autres départements du pays, comme celui de l’Artibonite, ne sont pas non plus épargnés. Des gangs armés au service d’une mafia politique et économique s’affrontent tous les jours. Ils assassinent. Volent. Rançonnent les citoyennes et les citoyens pour s’approvisionner en armes et en munitions.

 Les noms de Jovenel Moïse et de son épouse Martine sont cités dans le massacre de La Saline qui a fait des dizaines de morts et de blessés. Le directeur général du ministère de l’Intérieur, Fednel Monchéry, l’ex-directrice du Service Métropolitain de Collecte et des Résidus Solides (SMCRS), Magalie Habitant,  sont cités à comparaître par devant leurs juges naturels, dans le cadre de ce crime abominable. Ils sont formellement frappés d’une interdiction de départ. Cependant, protégés par le pouvoir exécutif, ils se foutent complètement des mesures prises à leur encontre par les autorités de la justice. Ils le savent bien :   aussi longtemps que Jovenel Moïse, – qui a siphonné le fonds PetroCaribe –, restera au palais national, ils n’auront absolument rien à craindre. Seulement, il n’en sera pas ainsi pour ces présumés assassins, le jour où le peuple souffreteux, victime de l’injustice des uns et de la cruauté des autres, proclamera sa « Révolution Â».

 Il faut repenser la stratégie de la résistance des masses populaires haïtiennes. Le combat doit être inscrit dans le registre d’un mouvement révolutionnaire mondial. C’est ce que nous-mêmes prêchons toujours. La libération des « appauvris Â» du néocolonialisme doit se faire de manière collective. Globale. Ensemble, nous serons capables de vaincre et de changer le système économique et politique planétaire qui déshumanise les ouvrières et les ouvriers. Dans « Le capitalisme est-il durable? Â», Bernard Perret, ingénieur et socioéconomiste, reconnaît : Â« L’expérience de la guerre suggère de voir au-delà des fausses évidences du fonctionnement actuel de la société. Elles montrent que les hommes sont capables d’adopter collectivement de nouvelles valeurs sous la pression des événements et d’y trouver une forme de bonheur. Â»

 Le renversement, l’arrestation, le jugement et la condamnation de Jovenel Moïse, de ses patrons et de ses acolytes devraient ouvrir la voie du développement durable au peuple haïtien. Il faut que l’élite intellectuelle nationale d’avant-garde soit capable de mettre en place des mécanismes sociaux, politiques, économiques, culturels et environnementaux qui contribueront à faire exploser entièrement, et à tout jamais, la dynamique du système impérialiste sur toute la planète.

 

 Robert Lodimus       

(Extrait de l’ouvrage Pauvreté en Haïti et dans le reste du monde : Hara-kiri ou Révolution; parution prochaine à Montréal).

Photo: Chris Herlinger