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De CIRH à CAED: les non-dits d'une aide externe bâclée

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L'aide externe à Haïti a atteint des sommes astronomiques au cours des vingt dernières années. Des économistes du développement planchent sur les causes explicatives de son inefficacité. Ils évoquent notamment des choix irrationnels et le détournement des fonds par le bénéficiaire.

De cents millions de dollars au milieu des années 80, Haïti a reçu plusieurs milliards de dollars ces deux dernières années. La facture internationale est lourde. L'aide a afflué dans beaucoup de domaines. Mais les gouvernements successifs n'ont pas su en profiter pleinement. Ce sont les bailleurs qui identifient les priorités. Parfois en dehors de toute planification. Difficile dans ces conditions d'atteindre des résultats concrets. L'aide étrangère n'est pas canalisée. Elle est aussi une source de création d'emplois pour les expatriés des pays donateurs.

Les priorités

L'aide externe couvre toute sorte de ressource que l'économie nationale ne peut produire. Elle est octroyée à une communauté considérée comme une menace dans une région. Les spécialistes déterminent deux sortes d'aide dans le cadre de la coopération internationale. L'aide multinationale et l'aide bilatérale. On parle d'aide multilatérale quand elle se fait avec une organisation internationale et un Etat ; elle est bilatérale lorsqu'elle se fait entre deux Etats. Les domaines d'investissement varient en fonction des priorités des gouvernements.

En Haïti, ce sont les ONG qui dictent leur loi, font et défont. La République en regorge. Et des « experts internationaux » viennent faire leur stage sur le terrain, fertile pour toute sorte d'acrobatie. C'est l'anarchie totale. Les fonds reçus parfois sont détournés. « L'Etat n'est pas assez fort et outillé pour fixer lui-même les priorités. Les bailleurs en profitent pour imposer leur desiderata », selon l'économiste du développement, Michel Thébau.

Il estime que l'aide internationale reçue par Haïti depuis plus de vingt ans n'a pas créé la croissance. « Elle devait contribuer à la réduction de la pauvreté. Cependant le pays patauge encore dans le sous développement. Convaincu, ce consultant de l'ISC, attribue cette situation à l'irrationalité des choix. Car à son avis, avant d'investir dans un projet, l'Etat devrait s'assurer de sa viabilité et de ses retombées économiques. Thébau cite plusieurs pays d'Afrique et d'Asie qui ont su se développer, grâce à la coopération externe.

Un autre économiste, spécialiste de l'humanitaire dénote un manque de leadership en Haïti. Ce cadre d'ONG veut rester dans l'anonymat pour éviter tout conflit d'intérêt. « Il n'y a pas de plans directeurs pour orienter la gouvernance publique. L'Etat devrait servir d'entonnoir afin d'éviter tout déséquilibre dans la gestion de l'aide », martèle l'économiste. Cela a provoqué une malformation. Selon lui, dans certains pays d'Afrique, c'est le bénéficiaire qui détermine la nature des projets. « Les bailleurs sont obligés de se conformer. Maintenant les résultats sont palpables », souligne-t-il.

Les procédures de décaissement

Les mécanismes de décaissement divergent d'un bailleur à un autre. Certains évoquent la lenteur des procédures ainsi que la lourdeur de la bureaucratie internationale. Car avant d'arriver au décaissement, il y a plusieurs étapes à franchir. De l'appel à proposition au décaissement cela peut prendre plus de huit mois. Il faut d'abord évaluer la viabilité des projets ; scruter le degré de transparence dans la gestion du bénéficiaire. « Car les bailleurs ne peuvent pas s'aventurer », avertit l'économiste qui travaille dans les ONG, précisant que c'est l'argent des citoyens qui est en jeu. D'autres facteurs de contingence peuvent retarder les procédures de décaissement. Telles les intempéries dans un pays comme Haïti qui sur la trajectoire des cyclones.

Les modèles de coopération

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la coopération internationale a pris de l'expansion. La coopération Sud/Sud s'effectue entre les pays de même taille économique ou en fonction de leur orientation idéologique. Mais aussi une coopération Nord/Sud. Certaines coopérations présentent, cependant, des particularités. Dans le cas du Vénezuéla, c'est une aide à retombée immédiate. Ce partenaire envoie son équipe d'exécution sur place pour réaliser le projet jusqu'au moindre détail. Un modèle qui n'encourage pas de transfert de compétence.

Préoccupé, Michel Thébau attire l'attention sur l'utilisation faite par le fond Petro Caribe. « C'est comme une manne financière où l'argent est disponible rapidement », constate-t-il. Un peu furieux, Thébau rappelle que contrairement à l'apparence ce n'est pas un don. « C'est une dette qui peut hypothéquer notre avenir si elle est mal gérée ». L'économiste questionne aussi les termes de cet accord.

Les conditionnalités

Avant d'octroyer une aide à un pays, les bailleurs fixent leurs propres exigences. Elles varient suivant les pays et les circonstances. Mais tous exigent la bonne gouvernance et une administration saine. L'octroi de l'aide dépend aussi de la stabilité politique. Certains bailleurs sont plus exigeants que d'autres. Ils réclament de l'austérité et un même excédent budgétaire. Des conditions parfois difficiles à respecter. Comment exiger à un pays en proie au sous-développement de contrôler son déficit budgétaire. L'économiste est choqué par ces exigences des bailleurs.

« Haïti, en dépit de sa grande pauvreté, arrive depuis plusieurs années à satisfaire ce point ». Mais malgré l'augmentation de l'aide externe, le pays patauge encore dans le sous-développement. La population vit dans des conditions les plus abjectes. Très proches parfois de l'animalité. Pour les économistes, ce ne sont pas des millions qui font développer un pays. Mais des idées et un plan axé sur une vision rationnelle porteuse de croissance.

Eddy-Jackson Alexis
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Source: Le Matin
Photo: Couverture du Journal Le Matin

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