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Lettre à la nation : Le Mopod réitère son appel à la démission du président de facto Michel Martelly

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Port-au-Prince, le 6 Février 2015

Concitoyens, Concitoyennes,

Le Mouvement Patriotique de l'Opposition Démocratique (MOPOD) qui regroupe une dizaine de partis et regroupements politiques, une cinquantaine d'organisations sociopolitiques et des personnalités politiques de la société civile a l'honneur de s'adresser, aujourd'hui, aux générations présentes pour leur dire que la nation entière devrait demander la démission du Président de la République, pour n'avoir pas à hypothéquer l'avenir des générations futures dans ce pays sous tutelle où tout le monde est pauvre sauf une petite minorité.

La sueur et le sang des victimes tombées au cours des manifestations pacifiques organisées, de 2013 à 2015, pour demander, aux cris répétés de « Election ou Démission », le départ anticipé du Président Michel Martelly, élu pour la période allant de 2011 à 2016, réclament justice. L'actuelle démarche du MOPOD a pour objectif de contribuer au bien-être de la population haïtienne en général et des masses populaires en particulier par le partage des informations nécessaires à l'instauration de la démocratie et à la promotion du développement durable.

LES RACINES HISTORIQUES DE LA CRISE POLITIQUE DU MOMENT

Arrivé au timon des affaires de l'Etat en Mai 2011, le Président de la République, M. Joseph Michel Martelly dont la nationalité haïtienne a été mise en doute, a trouvé un héritage obéré que lui a laissé son prédécesseur, le Président René Préval. La vision politique de ce dernier était insérée dans un projet d'amendement constitutionnel, à la fois contestable et contesté. Ce projet envisageait de faire une seule élection sous contrôle du pouvoir en place chaque cinq ans au lieu de plusieurs élections libres tous les deux ans, de monter un Conseil Electoral Permanent (CEP) à partir d'une procédure contrôlée par l'Exécutif et non par la société civile, de permettre au Président de la république de se succéder à lui-même, sans être obligé d'avoir recours à un intermédiaire entre deux mandats successifs, de faire du Premier Ministre un personnage non politique dévoué à la cause du Président plutôt qu'à celle de son pays et de tuer dans l'œuf le projet de décentralisation porté par la Constitution de 1987.

Qu'a fait le Président Martelly, à son arrivée au pouvoir ? Il a choisi la continuité au regard du projet Préval en lieu et place de la rupture qu'il avait promise, au moment des joutes électorales. Il a fait publier et mettre en œuvre le petit monstre baptisé de Loi Constitutionnelle dont la version française n'a jamais été promulguée alors que la version créole n'a jamais vu le jour. Marchant sur les brisées du Président Préval qui n'a pas réalisé les élections locales pour les CASEC (Conseil d'Administration des Sections Communales) au bon moment, il n'a effectué aucune élection entre 2011 et 2015. En effet, il n'a jamais organisé les élections municipales qui devraient se tenir en 2013. Il n'a jamais fait terminer les élections incomplètes qui ont conduit les députés à la Chambre Basse, en 2011. Il n'a pas fait renouveler le premier tiers du Sénat, à partir des élections qui devraient avoir lieu en 2012 ni non plus le second tiers du Sénat à travers des élections qui devraient se réaliser en 2014. Il n'a pas, non plus, permis de réaliser les élections, durant la même année 2014, pour le renouvellement du personnel élu de la Chambre des Députés. Le 12 Janvier 2015, il n'y a donc, dans toute la République, qu'un seul élu, le Président Martelly. Le Coup d'Etat par l'Absence d'Election était consommé avec la complicité des uns et l'indifférence des autres.

Aussi, sans rejeter le Coup d'Etat susmentionné, les partisans et les courtisans du Président ont-ils choisi d'argumenter qu'il est préférable de laisser ce dernier terminer son mandat au lieu d'exiger sa démission à travers des manifestations de rue qui, selon eux, vont créer l'instabilité politique. En réalité, ce ne sont pas les manifestations de rue qui créent l'instabilité politique ; c'est plutôt le fait de ne pas réaliser les élections, ~a échéances r'egulières. Les Etats Unis sont-ils politiquement instables parce que le pays a connu des manifestations de rue intermittentes durant toute l'histoire des droits civiques dans la république étoilée ? Le Canada est-il politiquement instable parce qu'en 2012, le pays a essuyé une longue grève estudiantine de six mois causée par une hausse non désirée des frais de scolarité ? Ce n'est pas non plus la Constitution Haïtienne qui crée l'instabilité politique mais plutôt la mauvaise gouvernance caractérisée par l'impunité, la corruption, l'incurie administrative et l'incapacité de faire respecter les règles de droit. Les manifestations organisées par le MOPOD et ses alliés ont deux effets positifs au regard de la stabilité politique : d'une part, elles réduisent la multiplication des manifestations spontanées et souvent violentes, notamment celles enregistrées pour des raisons sociales ; d'autre part, elles préviennent l'occurrence d'une explosion sociale de haute intensité, étant donné que les inégalités sociales observées dans le pays tendent à devenir de plus en plus insupportables.

En fait, les manifestations de rue posent le problème de la fonction politique des masses populaires. La typologie classique distingue trois cas possibles en ce qui concerne l'utilisation de cette force politique. Certains partis politiques, par vocation idéologique ou par stratégie de lutte politique, choisissent de ne pas entrer en contact avec les masses populaires ; d'autres retiennent la manipulation pour dominer ces dernières sans vouloir partager le pouvoir avec elles ; d'autres enfin, comme le MOPOD, ont opté pour la participation effective en confiant des responsabilités aux masses populaires. La meilleure façon pour éviter le retour au pouvoir des ennemis de la démocratie n'est pas d'éviter de manifester aux côtés de ceux que l'on considère comme des non-démocrates mais plutôt de ne pas abandonner à ces derniers l'exclusivité des relations avec les masses populaires.

LA LETTRE DU 17 FEVRIER 2014 ADRESSEE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Le 17 février 2014, le MOPOD a adressé au Président de la République une lettre historique, accompagnée d'un Mémoire Politique, pour lui demander de démissionner au bénéfice des intérêts supérieurs de la nation. Se basant sur la loi portant formation, fonctionnement et financement des partis politiques de 2013, laquelle fixe, de façon nette et claire, les devoirs et responsabilités des partis politiques en ses articles 24 et 28, le MOPOD avait retenu, entre autres, les charges suivantes contre le Président :


I.- Sur le Plan Politique

· Les violations répétées de la Constitution à travers notamment ses articles 58, 136 et 150 portant sur la délégation de la souveraineté populaire, les fonctions du Chef de l'Etat et les pouvoirs du Président de la République. De telles violations ont réduit à néant les acquis démocratiques conquis, de haute lutte, par le peuple haïtien.

· Le refus systématique du Président d'organiser depuis bientôt trois ans les élections municipales et sénatoriales partielles selon leur échéance respective. Ce qui permet à son camp politique de contrôler l'ensemble des structures décentralisées par la nomination des agents de l'Exécutif en lieu et place de maires élus. L'Exécutif s'est ainsi donné du temps, pour et avec les moyens de l'Etat, créer son propre parti politique (le Parti Haïtien Tet Kale) afin d'organiser ultérieurement les élections au profit de ce dernier;

· Les tentatives, maintes fois avortées, de mettre en place, sans aucune base constitutionnelle et légale, un Conseil Electoral Permanent d'abord et un Collège de Transition du Conseil Electoral Permanent ensuite. Ce qui témoigne de la volonté du Président de mener à bien un tel projet anti-démocratique;

II.- Sur le Respect du Principe de la Séparation des Pouvoirs

Le Président ne se soucie guère du respect du principe de la séparation des pouvoirs. Le culte de la personnalité est, en outre, érigé en système de gouvernement contrairement aux dispositions de l'article 7 de la Constitution. Les principaux accrocs au principe de la séparation des pouvoirs peuvent se décliner comme suit :

· La dépendance du pouvoir judiciaire de l'Exécutif est ostensiblement renforcée. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) n'existe que de nom. C'est le Ministre de la justice qui décide de tout, à travers Me Arnel Alexis Joseph nommé de manière illégale à la tête de la Cour de Cassation de la République

· Concernant la mort suspecte et non élucidée du juge Jean Serge Joseph chargé d'enquêter sur les cas de corruption reprochés à la famille présidentielle, deux commissions d'enquête du Sénat et de la Chambre des députés ont conclu à la responsabilité personnelle du Chef de l'Etat, du Premier Ministre et du Ministre de la Justice dans la disparition suspecte du Magistrat et ont recommandé leur mise en accusation par devant la Haute Cour de Justice

· Le Président, dans son souci de faire du Parlement une simple caisse de résonnance, multiplie des conflits qui paralysent ce dernier et gène son efficacité. Le dernier épisode en date est celui du refus de l'Exécutif de publier les noms des Conseillers de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) nommés constitutionnellement par le Sénat de la République.

III. Sur le plan de la gouvernance

L'Administration Martelly / Lamothe d'alors est passée maître dans l'art de la mauvaise gouvernance politique et administrative. La situation s'aggrave chaque jour davantage avec le Président Martelly au point de faire craindre le pire pour les institutions haïtiennes. En témoignent les exemples suivants :

· Perception et utilisation de taxes collectées arbitrairement sur les appels téléphoniques entrants et sortants et les transferts internationaux provenant de la diaspora haïtienne afin de créer le Fonds National de l'Education dont la loi organique n'a jamais pu être votée au Parlement, faute de transparence dans l'utilisation anticipée des sommes déjà recueillies ;

· Utilisation, dans l'opacité la plus totale, des 3, 4 millions de dollars versés par l'Uruguay dans le cadre de sa coopération avec Haïti à travers les forces onusiennes et des 432 millions de dollars dépensés à la suite du passage de l'ouragan Sandy en 2012.

· La gestion non durable et non régulière des fonds du Petro Caribe dont la dette cumulée dépasse le milliard de dollars alors que le service de la dette devient de plus en plus lourd

· Multiplication de contrats léonins au profit des entreprises dominicaines sans justification aucune, malgré les protestations des organisations professionnelles concernées

· La gestion inconsistante des différends opposant la République d'Haïti et la République Dominicaine mettant ainsi en péril l'amitié entre les deux peuples et le développement de l'île entière

LES TENEBRES ET LE CHAOS DEPUIS LE 12 JANVIER 2015.

Aujourd'hui, le pays est, en effet, en plein dans le chaos, non celui des hommes sans foi ni loi mais celui des sans travail, des sans revenus et des sans défense. La situation d'exception créée à la suite du Coup d'Etat par l'Absence d'Election a plongé l'Etat Haïtien dans une situation de vide juridique. L'Etat d'Exception qui en est résulté n'a ni référence constitutionnelle ni repère institutionnel. Le pays dérive, comme le bateau ivre de Rimbaud, sur la mer démontée des revendications sociales et politiques. Il y a ceux qui sont du côté des ténèbres (move bò a) c'est-à-dire là où se couche le soleil de la démocratie et ceux qui se retrouvent, comme le MOPOD depuis toujours, du côté où le soleil se lève c'est-à-dire le renouveau démocratique (bon bò a).

Le MOPOD déclare haut et fort que la république est en faillite et en cessation de paiement puisque le déficit non déclaré des finances publiques vient d'atteindre un niveau insupportable, ce qui est attesté par le Ministre de l'Economie et des Finances qui vient d'annoncer qu'on devrait décréter l'état d'urgence économique au vu des dépenses excessives du pouvoir en place. S'il n'en est rien, pourquoi ne pas alors baisser le prix des carburants importés au niveau nécessaire pour satisfaire les demandes légitimes d'une population confrontée aux prix élevés du transport public et par conséquent, des produits alimentaires et des services y associés. Incapable de satisfaire ses besoins élémentaires, en termes d'alimentation, de sécurité et de transport public, la population, aux abois, bascule, chaque jour un peu plus, dans la précarité et l'incertitude. Des professeurs non ou mal payés sont en grève illimitée. Des élèves livrés à eux-mêmes se font arrêter au cours de manifestations violentes à répétition. Les universitaires protestent, non sans raison, contre la décision du pouvoir de mettre en place des Ministres et des Secrétaires d'Etat ni qualifiés ni compétents. Des anciens Ministres dénoncent ouvertement des faits répréhensibles qui sont restés impunis. Des policiers en exercice en Haïti se font arrêter et expatrier pour trafic de drogue. La Police Nationale tue et blesse au lieu de protéger et servir. La Police, à son tour, est victime de l'action des bandits armés qui prennent la population en otage. Faute de policiers dans les sections communales, c'est la loi du talion qui régule les relations sociales puisque la justice populaire remplace celle des tribunaux. Il n'y a donc plus de confiance entre les administrateurs et les administrés. On est donc à la veille d'une explosion sociale de grande envergure. Pour empêcher que cela soit et qu'advienne le grand soir, le MOPOD répète que la démission du Président de la République demeure la solution la plus simple, la plus efficace et la plus durable aux malheurs de la république que le Premier Mandataire de la nation a lui-même créés et/ou exacerbés. Il n'est pas raisonnable de demander au Président Martelly qui fait partie du problème de résoudre le problème.

Sur le plan structurel, la société haïtienne glisse lentement mais surement vers l'effondrement. Tous les indicateurs sont au rouge. La pauvreté de masse qui touche plus de 60% de la population avec moins de 100 gourdes par jour pour subsister ne pourra pas être éradiquée dans l'exclusion des masses populaires de la gestion de la chose publique. La disparition de 99% des forêts nationales, en tant que principale cause de la dégradation de l'environnement rural, explique la grande vulnérabilité du pays aux catastrophes naturelles et compromet la rentabilité à terme des investissements productifs. La souveraineté nationale, en perte de vitesse, depuis 1825, est aujourd'hui à son niveau le plus bas, traduisant ainsi l'incapacité nationale de faire face au dilemme de Périclès, lequel pose le problème du sacrifice suprême pour les nouvelles générations qui doivent apprendre à défendre une liberté héritée qu'elles n'ont pas, elles-mêmes, conquise.. Dans notre pays, 5% des plus riches reçoivent 50% du revenu national. L'inégalité sociale alimente alors l'instabilité politique de manière durable. Les jeunes qui constituent 60% de la population totale sont tous au chômage ou presque et ne participent point à la formation du PIB (Produit Intérieur Brut). Avec un taux de croissance économique qui a été respectivement de 5,6%, 2, 8%, 3,4% et de 2,8% en 2011, 2012, 2013 et 2014, la patrie dort sur les bords du Vésuve, comme Saint-Domingue avant Haïti, étant donné que le taux de croissance de la population tourne autour de 2% l'an. Pour avoir des taux de croissance à deux chiffres et en finir avec l'usine de la honte qui fabrique la pauvreté de masse, le MOPOD, dans son document intitulé Réforme ou Révolution (www. Mopod.org.ht), postule la rupture totale avec l'ancien système et le divorce complet avec le statu quo afin de conclure un nouveau contrat social, avec les élites et le peuple revendicatif, basé sur l'inclusion de toutes les forces vives du pays dans la production soutenue et la répartition équitable des richesses nationales.

Les différents courants idéologiques qui caractérisent le MOPOD se retrouvent dans le tronc commun de l'idéal dessalinien. Selon ce dernier, noirs et mulâtres doivent vivre en frères pour la grandeur de la patrie commune tandis que pauvres et riches doivent se mettre ensemble pour combattre l'exclusion des masses populaires et les inégalités sociales. Ceux qui veulent faire dire autre chose à l'idéal dessalinien sont jaloux de l'influence grandissante du MOPOD dans le cœur et l'esprit de la population éprise de liberté, de justice et de dignité. Tous ceux qui, à la suite de l'actuel Président de la République, veulent se porter candidat à la présidence sans penser aux problèmes structurels ont opté, consciemment ou pas, pour se servir du peuple et non pour servir le peuple. Ce faisant, ils veulent prendre la plus grande part d'un gâteau qui devient chaque jour de plus en plus petit. L'ennemi public Nº 1 est la mauvaise gouvernance et non le peuple revendicatif. Le temps de la rédemption est arrivé. Les cloches de la refondation de l'Etat-Nation carillonnent pour rappeler que la patrie a besoin d'équipes pluri et multidisciplinaires pour entrer dans la modernité et la rationalité. Les patriotes doivent se mettre ensemble au lieu de s'entre-déchirer dans la poursuite du vent. Unissons-nous tous, Haïtiens et Haïtiennes, pour augmenter le volume de ce gâteau avant de le partager équitablement, au profit de tous.

Le MOPOD est une idée. Il ne mourra jamais. Jeunes de mon pays, adhérez au MOPOD, car vous êtes mopodistes sans le savoir, vous qui avez le goût de la liberté et de la dignité !

Jean André VICTOR
Coordonnateur