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Economie

Le budget national Haïtien (2018-2019) est inférieur à celui du ministère de l’Education Nationale de la République Dominicaine (Nesmy Manigat)

 ecole nationale bwa rouge

Tout Haiti vous invite à lire un texte de l’ancien ministre de l’éducation nationale d’Haiti Nesmy Manigat qui préconise une gestion plus rationnelle des maigres ressources du pays notamment en dégraissant le nombre pléthorique de ministères qui au fond ne riment a rien. Il faut aussi souligner que le parlement continue à payer plus de $13,000 USD par mois pour la résidence du président du Senat Joseph Lambert.(voir ici)

10 ministres et un budget de résultats pour commencer

Plus moyen de faire semblant, ou d’être dans le déni depuis qu’on a assisté à l'effondrement de l’ordre public, voire de l’État le samedi 7 juillet 2018. Osons reconnaître que personne n’est à l’abri, y compris les autorités. L’insécurité alimentaire pour la majorité, l’insécurité politique pour les élus, l’insécurité économique pour les investisseurs sont bel et bien installées. Plus qu’un problème de communication autour des prix des produits pétroliers, plus que la mauvaise coordination entre les institutions chargées de la sécurité publique, bien plus que des luttes politiques et économiques, le budget dérisoire de l’État ne lui permet pas de garantir la paix sociale, condition essentielle pour mobiliser les investissements et garantir des emplois. Payer les salaires et primes des fonctionnaires, ramasser les ordures, faire fonctionner les hôpitaux et les écoles publiques de qualité, assurer l’ordre public notamment dans les quartiers vulnérables, faire tourner la « caravane du changement », approvisionner adéquatement le pays en produits pétroliers, tout cela constitue une équation financière impossible à résoudre avec 2 milliards de dollars de budget, en baisse par rapport aux années antérieures. Le Premier ministre Jacques-Guy Lafontant a dû démissionner, faute de n’avoir pu prévenir et contenir ces débordements et son successeur connaîtra le même sort, peu importe ses soutiens au départ au niveau du palais national ou du Parlement, peu importe ses talents oratoires.

Aujourd’hui, le projet de loi de finances 2018-2019 déposé au Parlement totalisant 176,282,500,000 de gourdes équivalent à 2.5 millions de dollars avec un taux moyen de change de 68 gourdes (soit moins que le budget du ministère de l’Education de la République dominicaine) contraste avec une population en augmentation. Déjà que les 19,789,135,999 de gourdes attendues au titre des produits pétroliers sont dans l’impasse de même que les autres recettes connexes suite à la décision de suspendre provisoirement l’augmentation suite aux violentes manifestations.

Aussi, ma proposition récente de recentrer le gouvernement autour de 10 ministres clés au lieu de 18 n’est pas du “downsizing” ou uniquement du “rightsizing”, c’est d’abord un signal de rigueur et d’austérité au plus haut niveau, mais c’est surtout un effort pour recentrer les efforts autour de ses missions essentielles. Certes, on ne résout pas des problèmes politiques ou de gouvernance avec des décisions économiques ou managériales, mais avec un maigre budget national, l’heure est à l’efficacité et à la promotion d’un environnement pour les investissements.

En effet, à force de reporter des décisions difficiles mais indispensables en termes de gouvernance et dans les finances publiques, un cancer est en train de se propager alors qu’on continue d’administrer des placebos. Il est clair que l’augmentation jusqu’à 85 gourdes en moyenne des prix des produits pétroliers est trop élevée au regard de la structure des prix des produits pétroliers qui d’ailleurs mériterait d’être révisée, car ne répondant plus à la réalité du marché. Mais il demeure entendu qu’Haïti devra de toute façon ajuster ses prix, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, compte tenu de la réalité de ses finances publiques afin d’éviter des pénuries ou d’aggraver le déficit budgétaire.

Avec une pression fiscale parmi des plus basses de la région Amérique latine et Caraïbes, estimée à environ 13% comparée à la moyenne régionale des 21%, l’État central et les collectivités territoriales n’arrivent toujours pas à collecter suffisamment de ressources pour alimenter le budget national. La faiblesse de l’administration fiscale, des organismes déconcentrés opérant en dehors du budget, la difficulté de connecter tous les comptes du Trésor public, la grande informalité de l’économie occupant plus de 80% des activités, les évasions fiscales, la corruption, la contrebande s’ajoutent au tableau. Il est clair que la capacité contributive des entreprises et des ménages est affectée de plus en plus par cette économie moribonde, se traduisant par une érosion du capital venant à la fois de l’inflation ou la perte d’actifs due à des catastrophes naturelles de ces dernières années. Cette situation explique la grande faiblesse de la collecte des taxes directes comparée aux taxes indirectes.

Il demeure entendu qu’il ne s’agit pas d’un simple problème budgétaire, car au delà des chiffres, il y a le double défi de moderniser le fonctionnement de l’État central et celui des collectivités territoriales. La solution réside en partie dans les signaux et décisions qui créent la confiance et l'environnement pour mobiliser les capitaux privés nationaux et surtout internationaux pour les investissements créateurs d’emplois. L’État central doit se recentrer autour de certaines missions régaliennes visant à assurer la sécurité, assurer la justice, définir le cadre d’évolution économique et financière. Sinon, il est illusoire de vouloir attendre des investisseurs qui feront croître l’économie et augmenter l’assiette fiscale.

Certes, réduire la taille du gouvernement central ne créera pas des gains substantiels suffisants pour faire une grande différence et combler le déficit de financement du développement. Mais il peut être le point de départ d’une véritable réforme de l’État pour rendre le gouvernement plus efficace dans l’accomplissement de ses missions tout en misant sur un capital humain compétent et une culture d’efficacité des dépenses publiques. Le même exercice est nécessaire au niveau du Parlement. À titre d’exemple, le Parlement avec 2 275 employés compte plus de personnel que les 3 ministères de l’Agriculture, de la Jeunesse et des Sports ainsi que celui à la Condition féminine qui en comptent 2261. Construire cet environnement professionnel est essentiel pour mobiliser les milliards de dollars additionnels nécessaires dans les pays détenteurs d’excédents de capitaux, en particulier la Chine. Sinon, tout nouveau gouvernement est voué à l’échec, faute de pouvoir créer des emplois et garantir des revenus décents.

De même, il sera difficile aussi de reporter une réforme constitutionnelle permettant de repenser notre système politique inefficace, coûteux au regard des services publics rendus. En attendant, 10 ministres et un budget de résultats pour commencer. L’article 166 de la Constitution précise que « Le président de la République préside le Conseil des ministres. Le nombre de ceux-ci ne peut être inférieur à dix (10) », laissant à l’exécutif et au Parlement le soin d’ajuster le nombre en fonction des besoins.

Il nous faut nous résoudre à faire des réformes, car en plus des urgences de la conjoncture, c'est maintenant que doit se préparer l'accueil de deux millions de nouveaux Haïtiens qui naîtront d’ici 2030 et qu’il faudra éduquer et soigner autrement. Tout un programme qui requiert des professionnels avec une culture de saine gestion, rompus aux affaires publiques.

 Nesmy Manigat
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Twitter: @nesmymanigat
Source: LeNouvelliste

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