Analyses & Opinions

Le premier gouvernement tèt kale

Jour pour jour, un an après son installation comme président de la République d'Haïti, Michel Martelly dispose enfin d'un gouvernement qui répond à ses désirs. Laurent Lamothe, son ami depuis plus de dix ans, son sponsor du temps qu'il était musicien, son conseiller spécial, son ministre des Affaires étrangères, devient son Premier ministre.
Les plus convaincus partisans de Michel Martelly disent qu'enfin, le président a pu imposer son premier choix. Lamothe à la Primature, c'est l'aboutissement de toute une stratégie pour transformer l'homme d'affaires, l'allié fidèle, en dynamique ministre, puis en choix politique crédible. Lamothe le sportif s'y est mis comme à l'entraînement avant un tournoi important avec son background en science politique et toute son expérience africaine. Ce lundi 14 mai, le match est plié. Le deuxième black-out spectaculaire, jour pour jour, au Parlement, n'y fera rien.

« Lamothe c'est Martelly, Martelly c'est Lamothe », assurent ceux qui connaissent le cheminement des deux hommes aussi bien que ceux qui les ont vu évoluer la main dans la main depuis des mois et des mois pour conquérir le pouvoir.
Bien entendu, l'entourage du président surveille ce Premier ministre qui a des codes différents. Il y a déjà eu des clashs sur des sujets sensibles. De petits pièges ont été tendus. A la différence de Conille qui arrivait comme un cheveu sur la soupe, l'amitié entre Martelly et Lamothe a des racines. « Ils se parlent sans concessions », affirme un ami commun du duo. « Il n'y a que les Mayard-Paul, Grégory pour être plus précis, le conseiller spécial, à être plus proche que Lamothe du président », croit même cette source bien introduit dans le monde Martelly.
Comme tous les présidents depuis que la Constitution de 1987 est en vigueur, Martelly va faire l'expérience du pouvoir avec un de ses proches comme Premier ministre. Quelqu'un en qui il a pleinement confiance. Michel Martelly n'est pas le premier président de la République à souhaiter agir en tandem avec celui que la Constitution impose comme un intermédiaire entre le président et le gouvernement, entre les promesses du candidat qui remporte l'élection et la mise en oeuvre des projets.
Dès la première mise en application de la Constitution de 1987, pour Leslie Manigat et Martial Célestin, la paire ne va pas loin. A peine trois mois plus tard, l'armée met fin à l'équipée.
L'équipage Jean-Bertrand Aristide - René Préval, après l'élection triomphale de 1990, ne vogue pas plus de sept mois. L'armée, encore, met un terme à l'expérience. Le retour du président Aristide et la nomination de Smack Michel ne permettent pas aux deux amis de faire route ensemble pendant longtemps. Cela se gâte. Pour Jean-Bertrand Aristide, lors de son second mandat, l'alliance avec son parent et proche Jean Marie Chérestal ne portera pas les fruits escomptés, non plus.
René Préval, président, n'aura pas de chance avec ses amis. Rosny Smart, le plus proche de lui des candidats premiers ministrables de l'OPL, ne reste pas longtemps en bons termes avec lui. Michèle Duvivier Pierre-Louis, son amie de toujours, s'éloigne vite. Jacques-Edouard Alexis sera un bon Premier ministre de René Préval pendant son premier mandat. Il n'était pas l'ami du président à l'époque de sa nomination. Il le deviendra. Alexis sera à nouveau nommé Premier ministre cinq ans plus tard avant de se faire lâcher devant le Sénat, puis devant le Parti Inite, lorsqu'il briguera la candidature présidentielle.
Laurent Lamothe et Michel Martelly devront faire mentir la tradition tenace qui veut laisser croire qu'il est difficile de gouverner et de réussir avec son ami.
La publication des amendements de la Constitution de 1987, la question des civils armés, la réalisation des prochaines élections, les relations avec la communauté internationale qui adresse déjà des demandes directement au Premier ministre sont dans la longue liste de dossiers qui peuvent provoquer des fissures dans les relations harmonieuses entre les deux Tèt kale.
Nos divins chauves vont-ils nous surprendre?