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Haiti n'est pas en train de mourir d'assassinat mais de suicide

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Dans la dépravation politique, la corruption est l’un des obstacles majeurs qui freinent le développement d’un pays. Elle porte habituellement un coup dur au processus de la démocratie et de la bonne gouvernance. Quand vient le temps d’embaucher, la compétence, la crédibilité, la primauté de l’intérêt général sur le particulier ne sont pas au rendez-vous. L’aspect relationnel demeure la priorité, d’où la prolifération des faux titres, des crétins et des nominations atypiques de décideurs irresponsables. Au point de vue économique c’est la crise continuelle, la détérioration et la provocation de déficits énormes. La pauvreté est galopante et ses corollaires, la prostitution et l’insécurité fleurissent à qui mieux-mieux. La grande et la petite mafia opèrent à visière levée et les règlements de compte sont légion.

 Les concessionnaires de voitures Land-Rover ou Mercedes blindées n’ont jamais réalisés autant de ventes ces derniers temps. Les marchands d’armes de tout calibre se frottent les mains d’aise. Au niveau des marchés, le pays est compartimenté en zone de non droit. Aucun inconnu du milieu ne peut se prévaloir d’écouler de nouveaux produits sans obtenir l’autorisation monnayée des maîtres de céans ou des cartels. Plusieurs petits investisseurs de la diaspora se sont faits flamber la cervelle pour avoir osé.

La paupérisation aidant, les intégristes musulmans occupent déjà l’île. En l’espace de 10 ans, du jamais vu, plus d’une quarantaine de Mosquées y ont déjà pignon sur rue. Les pétrodollars circulent et animent allègrement le décor. À preuve, au Parlement Haïtien, investissements, marketing et conditionnements obligent, un gentil député, tout de blanc vêtu d’une djellaba1, sorte de robe ample, trône au sein de l’auguste Assemblée. Une première, une visibilité suspecte. Les Etats-Unis s’énervent et la CIA veille au grain.

Plusieurs criminels ont acheté leur siège de député ou de sénateur et obtiennent illico l’immunité parlementaire. Certains pauvres se métamorphosent en millionnaires l’espace d’une nomination politique. Le marché de la drogue illicite est florissant. Le gros commerce ne paie pas d’impôt ou presque. Les vérificateurs fiscaux de l’état sont soudoyés. On ne verra jamais le nom des grandes fortunes dans le scandale des Panama Papers. Aucun intérêt, puisqu’ils ont façonné leur propre paradis fiscal dans le pays en tirant les ficelles de tous détenteurs du pouvoir. Et ce, depuis des lustres.

  Les incorruptibles ont peur de leur ombre et rasent les murs. La grande presse tremble et dénonce seulement les menus fretins. Le journalisme d’enquête est absent. On eut dit que cette discipline ne s’enseigne plus dans les facultés. La corruption juridique se traduit par la faiblesse de la suprématie des lois… etc. Il y a tellement à dire. Mais à quoi ça rime ? Nous le vivons au jour le jour. Les effets dévastateurs crèvent les yeux. Le peuple crie quotidiennement son désarroi. Tous les signes avant-coureurs d’une déflagration générale annoncée crèvent les yeux. Des mesures coercitives sans effet sur le tableau institutionnel, toutes les mesures ont été prises pour contrer ce fléau. Malheureusement, elles ont été élaborées par des petits copains au profit d’un groupe de coquins. Délibérément, plusieurs portes ont été laissées entrouvertes pour laisser passer les petits amis à qui on doit remettre une décharge, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes ou d’autres avantages délibérés.

En guise d’institutions de contrôle, citons : La Cour Supérieure des Comptes : CSC, Le Contentieux Administratif : CA, L’Unité de Lutte Contre la Corruption : ULCC, L’Unité Centrale des Renseignements Financiers : UCREF, L’Inspection Générale des Finances : IGF, Le Comité National de Lutte Contre le Blanchiment D’Argent : CNLBA. Des sigles électrisants empreints de noblesse et d’un certain romantisme pour contrer l’hydre aux cent têtes. Mais tous, indistinctement, roulent comme une coquille vide avec de multiples échappatoires. Aucun « grand mangeur » n’a jamais été inquiété. Et le pays continu à s’enfoncer. Solutions possibles Ne nous illusionnons pas, je ne vois poindre aucune solution à l’horizon.

 Ce n’est pas d’aujourd’hui que les esprits lucides s’en plaignent. Hier encore, en 1900, notre éminent compatriote Hannibal Price écrivait : « C'est en se donnant des chefs ignorants ou vicieux, c'est en manquant ainsi à la responsabilité nationale qu'on en vient à chercher des protecteurs au dehors. La nation, qui se donne des chefs ignorants ou vicieux, tombe rapidement à l'état de proie et, en cherchant un protecteur, c'est la bête de proie qu'elle rencontre ». Et l’histoire lui a donné raison. Nos pilleurs sont tous de potentiels bagnards à enchaîner pour la vie. Vous allez dire qu’il faut les éduquer. Peut-être ! Par contre, on peut sortir la corruption de l’Haïtien, mais on ne peut sortir l’Haïtien de la corruption.

Collectivement ils se concurrencent entre eux. C’est la course aux bling-blings, le superficiel. C’est le faire voir, le paraître. Il faut jumeler l’éducation à des mesures coercitives strictes et illimitées. Quelque soit le salaire que vous leur offrez, c’est le cadet de leur souci. Il leur en faut la caisse entière. Tout le monde est affamé. Tout le monde rêve d’un coup fumant qui le portera au sommet du palmarès des richards. Tous, ils souffrent du complexe du roi. La formule du « Tout le monde le fait, fais-le donc » est la mesure qui anime l’orchestre. Petit à petit, ils vont finir par vendre, au su et au vu de tous, les îles alentours, si ce n’est Haïti en son entier. Toutefois, frérots, ne soyons pas déments. Dans la réalité, pour fermer la parenthèse avec l’historien Arnold Toynbee qui rejoint le sage chinois sus cité : « les civilisations ne meurent pas d’assassinat mais de suicide. Il est plus que temps de faire preuve de bon sens et d’inverser nos priorités si nous ne voulons pas mourir de notre propre main ».

Kerlens Tilus 8/26/2016
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Photo: Gotchen Bernard