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Cary Hector ou la politique du savoir (par Leslie Péan)

 carry hector

Cary Hector en 2013 à l’Université libre de Berlin faisant son
discours de célébration du 50ème anniversaire de sa promotion

 Par Leslie Péan, 21 octobre 2017  --- Cary Hector est parti de l’autre côté de la vie le 14 octobre 2017 à 83 ans. Il nous laisse, avec son œuvre, des clés pour combler de nombreux vides et continuer le combat dont il n’a pas eu le temps de voir l’issue.  Jusqu’au dernier jour, il a gardé son enthousiasme pour la vie. Cary a été de tous les combats contre la médiocrité qui continue les coups « fourrés » sur le terrain politique. Ceux et celles qui ne le connaissent pas doivent lire et relire son combat mené comme dirigeant du Rassemblement Fignoliste du Nord (RFN) en 1957. Il venait à peine d’être reçu en 1955 comme avocat au Barreau de Port-au-Prince. Il s’en va étudier la science politique en Allemagne, à l’Université libre de Berlin, où il présente une thèse de doctorat en science politique en 1963 intitulée Der Staatsstreich als Mittel der politischen Entwicklung in Südamerika (Le coup d’État comme moyen de développement politique en Amérique latine).

Pour illustrer cette thèse publiée en allemand en 1964 par les éditions Verlag à Berlin, Cary étudie les exemples de l'Argentine et de la Bolivie de 1930 à 1955. En effet, l’Argentine a connu trois coups d’État en 1930, 1943 et 1955 et la Bolivie huit, en 1930, 1934, 1936, 1937, 1943, 1946, 1951, 1952. Par la suite, l’Argentine devait connaitre quatre autres coups d’État en 1962, 1966 et 1976 tandis que la Bolivie continuera avec ceux de 1964, 1970, 1971 et 1980. Le sujet n’est pas négligeable. Il l’est encore moins si l’on pense qu’en Haïti, de l’indépendance à l’occupation américaine de 1915, ce sont les coups d’État qui ont rythmé les changements de gouvernement. On se rappelle du président Lysius Félicité Salomon qui après le coup d’État de 1879 contre les libéraux disait : « Moi j’aime les coups d’État ; on ne peut pas régner sans cela, soit qu’on les provoque, soit qu’ils résultent d’événements inattendus, on doit savoir en tirer le meilleur parti possible… Soulouque n’aurait pas passé du fauteuil de la présidence au trône de l’Empire sans le concours du coup d’État du 16 avril 1848[1]. » On ne saurait donc gommer tout bonnement cette réalité et Cary a décidé de l’étudier scientifiquement.

Après des études postdoctorales en science politique à Columbia University à New-York, Cary Hector a publié en mai 1968, sous le pseudonyme de Gesner Roc une brochure intitulée Haïti : Tournant après Duvalier. Il le fait dans une optique nettement révolutionnaire en précisant que « seule la participation directe et organisée des masses à la lutte pour le pouvoir peut apporter une solution durable à la question haïtienne[2]. » Ces travaux vont ouvrir des pistes en 1972 dans Nouvelle Optique où le concept de « fascisme de sous-développement »[3] est approfondi, dépassant les analyses présentées antérieurement par Leslie Manigat, Gérard Pierre-Charles et Gesner Roc. Ce regard nouveau sur le duvaliérisme cerne la spécificité historique de ce régime qui s’appuie à la fois sur les forces socio-économiques, les mentalités et les complicités internationales.

Déterminé à jeter sur le duvaliérisme un plus grand éclairage en tant que régime authentique dans la copie des gouvernements antérieurs de satrape, Cary Hector s’attache à montrer la différence dans la répétition. Ce sera la publication de Trente ans de pouvoir noir (1946-1976) avec Claude Moise et Émile Ollivier. Sans concessions, les auteurs sapent du dedans l’édifice duvaliériste. L’origine de la fureur destructrice que la société haïtienne s’impose avec le duvaliérisme ne peut être minorée par les hécatombes des pouvoirs noiristes d’hier, qu’ils soient de Soulouque ou de Salomon. L’analyse de Trente ans de pouvoir noir (1946-1976) montre ce malheur majuscule quatorze ans avant que Roger Dorsinville, ancien chef de cabinet du président Estimé, ait eu le courage de dire : « Cette république qui se déglingue de partout, c’est le résultat de trente ans de Pouvoir Noir[4]. »

La machine de mort ne s’est pas limitée à Fort Dimanche, Jérémie, Cazales, Thiotte, Forêt des Pins, Arcahaie, etc.  Elle s’est attaquée aux consciences pour conclure le dépeçage d’un peuple qui ne demande qu’à vivre. Cary Hector ne s’est pas résigné à ce mal. Il n’a pas été un témoin historique, mais un acteur qui a combattu jusqu’au bout sans illusions. Il disait justement : « L’enjeu, en effet, n’est rien moins que celui d’une lutte de libération nationale[5]. » Tout en y appelant de toutes ses forces, il savait en même temps qu’il n’écrivait que pour « les "lettrés", c’est-à-dire quelque 15% de la population »[6], un pourcentage qui a décliné avec les témoins historiques dépourvus du bagage intellectuel nécessaire pour interpréter le cours du temps. Acteur de chaque marche et témoin de chaque étape d’un mouvement appelé à continuer, Cary s’adressait aux victimes du duvaliérisme sans exception. Et là, avec sa compréhension des pages qui tournent et des mutations qui ont lieu dans le mouvement local et international, Cary s’adressait autant aux victimes-prisonniers, qu’aux victimes-complices et aux victimes en lutte[7]. Une typologie qui est encore d’actualité aujourd’hui chez nos habitants zombiesques qui ne se révoltent pas en masse comme ce fut le cas le 22 août 1791.

La charge est lourde et Cary est dès lors pris dans le viseur des forces de répression. Il en fait personnellement l’expérience, expulsé par les autorités dominicaines, alors qu’il était dûment invité à un colloque dans ce pays. L’ambassadeur haïtien tonton macoute Cinéas travaillait la main dans la main avec les services secrets dominicains pour empêcher que se noue un contact très fort entre les milieux progressistes des deux parties de l’île.

Toutefois, Cary Hector n’a cessé de remonter le courant. Comme un saumon. Les luttes menées avec le Collectif Paroles en témoignent. Jean-Claude Duvalier est parti en 1986 mais les structures duvaliéristes demeurent et se renforcent même du fait que l’opposition est minée par la méfiance mutuelle de ses membres dans la course vers le pouvoir. Une méfiance insurmontable à la source du piège commun dans lequel tombent bien des intelligences supérieures qui se font rouler par les militaires. Dans cette situation où beaucoup perdent le nord, Cary met l’accent sur l’essentiel. Sur les problèmes aigus qui ravagent le pays tels que l’économie en perdition, les finances publiques exsangues et les entreprises asphyxiées. Avec Hérard Jadotte, Cary prendra la mesure de la dégradation de l’environnement social et des affrontements terribles qu’elle provoque, dans l’ouvrage collectif en deux volumes intitulé Haïti et l'après-Duvalier : continuités et ruptures, publié en 1991 chez Henri Deschamps.

Dans le cas d’Haïti, la nécessité de gérer le bond en arrière du coup d’état du 30 septembre 1991 a obligé la classe politique à adopter des comportements généralement déconcertants. On est forcé d’admettre que le mouvement Lavalas n’avait pas su organiser la réponse militante pour faire face au duvaliérisme bien retranché dans l’Armée. Cary Hector connait l’arbitraire des coups d’État pour les avoir étudiés dans le menu détail. Les visages des acteurs sont plongés dans l’obscurité et la dimension politique sur laquelle se greffent les passions ne permet pas d’éclairer les ombres. La déroute du gouvernement d’Aristide conduira ce dernier à solliciter l’appui des Américains pour retourner au pouvoir et à accepter l’engrenage fatal de l’occupation. Après avoir mis un embargo ruineux qui l’a mis à bout de souffle, Washington a arraché à Aristide des concessions néfastes pour le pays. Dans l’Haïti anthropophage qui dévore ses enfants, Cary Hector a prêté main forte à Marc Bazin, nommé premier ministre, en devenant son chef de cabinet, pour une période d’une année. Le temps d’éviter que le drame passager ne se transforme en un drame réel à perpétuité. Haïti était prise entre deux maux, le refus du coup d’État d’un côté et la résignation du mal de l’occupation étrangère de l’autre.

À partir de l’occupation américaine de 1994, Cary Hector a vécu une grande période de bouleversements qui l’a laissé dans un constant malaise. Il m’écrivait le 6 septembre 1994, « Les "bruits de bottes" ont fait monter la tension de quelques crans, en même temps que la vie … continue. Incroyable. Bon, on va voir. À la limite, si la décision politique est prise là-bas à Washington "d’y aller", nous n’y pouvons plus rien. Par contre les coûts politiques seront très élevés, pas nécessairement pour ceux que l’on croirait spontanément. »  En jugeant sur pièces, on admettra qu’en Haïti quelque chose de grave est arrivé mais que le pays n’arrive pas à savoir de quoi il s’agit. Un bouleversement qui n’a rien produit !

Avec sa disposition d’esprit analytique, Cary a travaillé pour déchiffrer et pour trouver la signification souterraine derrière cette occupation qui trainait la société haïtienne dans un nouvel enlisement. Dans cette démarche, il m’a accompagné dans la révision des tomes 2, 3 et 4 d’Économie politique de la corruption publiées respectivement en 2005, 2006 et 2007 ainsi que dans l’élaboration de Aux origines de l’État marron 1804-1860 paru aux Presses de l’Université d’État d’Haïti en 2009. Cary était persuadé qu’il fallait donner aux nouvelles générations de quoi se nourrir le cerveau, sans quoi Haïti ne pourrait jamais se relever. Des compétences nationales pointues étaient nécessaires dans tous les domaines, d’autant que 83% des professionnels haïtiens sont en diaspora.  Aussi a-t-il travaillé et réalisé avec passion et lucidité d’autres recherches qui ont accouché des ouvrages et des articles dans des domaines encore obscurs pour les Haïtiens. C’est le cas avec ses investigations sur le potentiel de l’État christophien et sa quasi-reconnaissance par la Prusse, lesquelles ont permis de repérer bien des lignes de force cachées. C’est le cas aussi avec ses investigations sur le palais Sans Souci, la construction de la Citadelle Laferrière et le rôle des ingénieurs et constructeurs allemands dans le royaume du Nord.  Cet apport à la grille de lecture utilisée pour comprendre la construction de la Citadelle ne l’a pas éloigné des questions plus contemporaines.

En 2007, Cary rédige l’amendement de la Constitution de 1987 avec Claude Moïse, ce qui ne signifiait nullement un appui porté au gouvernement de René Préval pour un troisième mandat, comme certains l’ont prétendu. D’ailleurs, la préface de Cary Hector à l’ouvrage de Claude Roumain intitulé L’énigme Préval paru en 2011 aux Éditions Deschamps témoigne de sa rigueur académique et intellectuelle. De toute façon, Cary ne prétendait pas avoir le monopole des idées justes et il était le premier à l’admettre. Qu’on se le dise : toute clairvoyance a ses défaillances et personne n’y échappe. La démarche de Cary a toujours été d’éviter tout esprit de chapelle et les errances méthodologiques.

J’ai eu l’occasion de faire personnellement l’expérience avec lui non seulement dans la nécessité d’une enquête minutieuse du duvaliérisme, mais aussi et surtout dans l’étude sur Anténor Firmin et dans celle des relations haïtiano-dominicaines. À un moment où on assiste à un effondrement de toutes les valeurs, Cary continuait de placer la barre très haut. Suite à la publication en juillet 2011 de mon ouvrage Comprendre Anténor Firmin : une inspiration pour le XXIe siècle dans lequel j’avais rassemblé les pièces du puzzle consacrant la défaite de l’intelligence en Haïti (pour parler comme Roger Gaillard), Cary Hector insista pour que j’élabore une vision strictement économique de Firmin. Cela a été fait pour présentation au colloque organisé à l’occasion du centenaire de la disparition de ce géant.

 À son avis, les éléments réprobateurs de l’intelligence sont logés essentiellement dans la finance qui occupe une position stratégique et place Haïti dans un état de manque perpétuel.  C’est ainsi, que répondant à sa commande, j’ai établi une sorte de synthèse du système financier et économique qui détruit Haïti bien avant la dette de l’indépendance de 1825. J’ai alors fait défiler les cœurs desséchés et leurs commanditaires organisant les emprunts auprès des commerçants étrangers et le commerce des feuilles d’appointement escomptés à 30 ou 40 pour cent auprès des commerçants étrangers[8]. Cary avait insisté pour laisser de côté le monde imaginaire et surnaturel que des bandits de grand chemin ne cessent d’agiter pour garder le côté mystérieux et flou des malheurs d’Haïti dans un monde où tout est faux. Le résultat a été l’article Anténor Firmin, économiste, gestionnaire des finances publiques  que Cary a inséré en 2014 dans l’ouvrage qu’il a publié sous le titre L'actualité d'Anténor Firmin : hier, aujourd'hui et demain : actes du colloque international Anténor Firmin, tenu à l'Université Quisqueya, les 14-16 décembre 2011.

Dans un autre domaine, la politique d’épuration ethnique charriée par le président Trujillo en République Dominicaine aboutissant au massacre des milliers d’Haïtiens en 1937 a empoisonné les rapports haïtiano-dominicains depuis lors. Les jeunes Dominicains ignorent le rôle des Haïtiens dans la Restauration de leur indépendance trahie par l’un de leurs pères fondateurs le général Santana. En effet, c’est grâce à l’appui du président haïtien Fabre Geffrard en armes, en argent et en combattants haïtiens que les Dominicains ont vaincu les Espagnols et proclamé leur indépendance à nouveau en 1865.

D’ailleurs, en reconnaissance de cette contribution, la rue principale de la capitale Santo Domingo s’appelait l’Avenue Fabre Geffrard jusqu’à l’arrivée de Trujillo qui la changea d’abord en 1940 en Avenue Cordell Hull et plus tard en Avenue Abraham Lincoln. Cette volonté d’effacer Haïti dans la conscience dominicaine sera poursuivie par le président Balaguer en dépit des combats menés par les Hugo Tolentino, Vilfredo Lozano, Max Puig, Junot Diaz et tant d’autres qui soutiennent le jus solis (droit du sol) en République Dominicaine contre le jus sanguini (droit du sang). Cette discrimination a abouti au décret 168/13 demandant l’expulsion de tous les citoyens d’origine haïtienne. Sans hésiter, Cary joint le faisceau des patriotes dominicains engagés dans le combat pour neutraliser la machine raciste dans leur pays.

Les revendications de ces progressistes prennent une autre dimension du fait que les dominicains d’origine haïtienne revendiquent leurs droits. Sonia Pierre, une de leurs représentantes, dirigeante du Movimiento de Mujeres Dominico-Haitiana (MUDHA) ou Mouvement des femmes dominicano-haïtiennes, a obtenu le prix Robert Kennedy des droits de l’homme. Rappelons son combat contre l’épuration ethnique dont sont victimes les Dominicains d’origine haïtienne qui ont, ainsi que leurs parents, contribué à la croissance et au développement de ce pays. Dans cette optique nous avons écrit l’ouvrage intitulé Béquilles — Continuités et ruptures dans les relations entre la République Dominicaine et Haiti, paru en 2014 à C3 Éditions, que Cary Hector a accepté de préfacer.

Ceux et celles qui n’ont jamais eu l’occasion de voir Cary Hector peuvent aller sur YouTube où il intervient en 2015 en compagnie de Claude Moïse, Serge-Henri Vieux et Norbert Stimphil défendant le droit à la candidature à la présidence de Jacky Lumarque, recteur de l’Université Kiskeya. Combattant le gouffre médiocre qui veut attirer toute la population, Cary dénonce le comportement prémédité du Conseil électoral provisoire (CEP) qui atteint ainsi le plus bas degré de l’histoire. Les insultes ne glissent pas dans son intervention qui a de la tenue, contrairement aux comportements des béotiens qui ont investi le champ politique.

Dans la même foulée de la lutte sur le terrain, Cary a trouvé le temps de penser et d’écrire la postface à l’ouvrage de Ricardo Seintenfus intitulé L’échec de l’aide internationale à Haïti : Dilemmes et égarements paru en 2015 aux Éditions de l’Université d’État d’Haïti. Comme on le sait, Ricardo Seintenfus est le brésilien, ancien représentant spécial de l'Organisation des États américains (OEA) en Haïti, qui avait dénoncé le coup d’État électoral visant à favoriser la candidature de Michel Martelly en 2010. Aucun consensus n’a jamais existé entre les forces politiques en présence sur les modalités des élections. L’échec de cette aide internationale est à tous les niveaux et surtout au niveau politique où un véritable désordre a été encouragé pour stabiliser et éterniser la médiocrité. C’est contre cette engeance que Cary Hector en tant qu’homme de culture s’est mis tout entier.

La donne politique a été changée. Un véritable magma qu’on a laissé macérer a été créé avec des figures anonymes ayant des revendications populacières de pagaille qui ont pu être facilement manipulées pour permettre aux mêmes pouvoirs trompeurs de se succéder. Le nombre de membres obligatoires pour créer un parti politique est passé de 5 000 membres en 1986[9] à 20 membres en 2014[10]. Le nombre de partis politiques qui était de 44 en 2006 (dont 20 ayant des représentants au parlement) grimpe et atteint le chiffre astronomique de 188 en 2015 dont 166 sont agréés pour participer aux élections.

Bien des macoutes comme Astrel Benjamin des Cayes, connu sous le nom ABCD, (Astrel Benjamin Commandant Député) deviennent avocats et l’effet de déjà-vécu se propage sur les réseaux sociaux. Si le tyran Duvalier était encore vivant, aurait-il recruté des experts en informatique pour bousiller les réseaux sociaux comme il l’avait fait en fermant l’école de droit de Jérémie où son tortionnaire Astrel Benjamin avait été lauréat d’une promotion ? Cary a travaillé pour donner à la jeunesse les instruments lui permettant de saisir comment on peut très bien faire du faux avec du vrai. Très utile en ce moment où les « fake news » et les « alternative facts » sont à la mode. Refusant de se laisser aller à la dérive d’une mort lente, Cary revendiquera plus que jamais la politique du savoir en disant : « Que se passerait-il si, un jour, qu’on ne souhaiterait pas lointain, nous pouvions, déterminés, dire haut et fort : Attendez ! Nous, Haïtiens nous voulons faire autrement ?[11] » Dans cette optique il appuiera l’initiative du Groupe de réflexion et d'action pour une Haïti nouvelle (GRAHN) jusqu’à coéditer en 2012 un numéro de sa revue Perspectives consacré au thème « État et gouvernance ».

Enfin en 2016, il a publié aux éditions du Cidihca au Canada son ouvrage intitulé Daniel Fignolé et le Rassemblement Fignoliste du Nord (RFN). Un véritable chant du cygne. Des recherches qui expriment cette impression d’ensemble d’une curiosité encyclopédique et d’un parti-pris de valorisation des facultés intellectuelles. Ce qui ne lui faisait pas négliger les vertus physiques en jouant au tennis et en faisant du jogging. Des longues marches tous les matins qu’il entreprenait où qu’il soit, en Haïti, au Canada ou aux États-Unis. On comprend donc qu’il n’ait jamais eu d’embonpoint et qu’il soit resté un intellectuel à visage humain. Il aimait la vie et quand l’occasion se présentait, il allait à Presse Café à Pétionville parler de tout et de rien en regardant les gens danser frénétiquement.

Cary manifestait un profond goût pour la convivialité avec un style qui, loin de toute agressivité, morgue ou vulgarité mélangeait sérénité, humour et politesse. Une intense amitié et une complicité profonde nous ont liés au cours des 50 dernières années. Cary était un homme d’une grande réflexion et d’une action qui n’étaient pas dictées par des calculs immédiats. Je salue son courage dans l’adversité. La veille de son entrée à l’hôpital il alertait plusieurs amis sur la nécessité de questionner une formulation de Juan Bosch qui écrit dans son dernier ouvrage : « La presencia de Haití en la parte occidental de la isla Española equivalió a una amputación del porvenir dominicano[12]. » (La présence d’Haïti dans la partie occidentale de l’ile Espanola a été égale à une amputation du futur dominicain). Cary nous laisse avec ces paroles tremblées à faire réfléchir. Je me découvre devant sa dépouille en lui disant AU revoir. 



[1] Alain Turnier, Avec Mérisier Jeannis, Port-au-Prince, Imprimerie Le Natal, 1982, p. 160.

[2] Gesner Roc (Cary Hector), Haïti : Tournant après Duvalier, Montréal, Éditions Jean-Jacques Acaau, Mai 1968, p. 11.

[3] Cary Hector, « Fascisme et sous-développement : Le cas d’Haïti », Nouvelle Optique, Montréal, 5, 1972, p. 39-72.

[4] Roger Dorsinville, Marche arrière II, Port-au-Prince, Éditions des Antilles, 1990, p. 233.

[5] Gesner Roc (Cary Hector), Haïti : Tournant après Duvalier, op. cit., p. 11.

[6] Ibid, p. 7.

[7] Ibid, p. 7-8.

[8] Leslie Péan, Aux origines de l’État marron : 1804-1860, Port-au-Prince, Presse de l’Université d’État d’Haïti, 2009.

[9] Lois et Actes du Conseil National de Gouvernement (CNG) du 7 février 1986 au 7 février 1988, 2e partie, Port-au-Prince, 1988, p. 63.

[10] « Loi portant formation, fonctionnement et financement des Partis Politiques », Le Moniteur, Port-au-Prince, 169è année, numéro 10, jeudi 16 janvier 2014, p. 4.

[11] Cary Hector, « L’avenir incertain D’Haïti » vu par les autres. Et nous Haïtiens ? » Le Matin, P-a-P, Haïti, 18-21 déc. 2008