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Pas de coupable !!! – Saga du bateau de Sucre rempli de Cocaïne importé par Accra sur le Warf Mevs (terminal Varreux)

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Tout Haiti vous invite à lire un article paru dans les colonnes de l'hebdomadaire Haiti-Observateur basé à New York sur la saga digne d'un film d'un roman noir du bateau de sucre rempli de cocaïne importé par la compagnie NABATCO de la maison Accra qui est arrivé au port privé du terminal de Varreux ou Warf Mevs. Jusqu'à date le public n'est pas au courant de l'évolution de l'enquête menée en Haiti. Leo Joseph le rédacteur en chef de Haiti Observateur est peut-être le seul journaliste à faire des reportages sur ce dossier qui d'après certains  dit-on est très dangereux.

DES MEMBRES D'ÉQUIPE DU BATEAU D'ACCRA LIBÉRÉS

Mais les acteurs dans la drogue du Manzanares attendent le dernier mot de la justice fédérale

Depuis qu'a éclaté le scandale de l'affaire du Manzanares, le bateau battant pavillon panaméen qui arriva au Terminal Varreux, au mois d'avril de cette année, une double enquête de la Brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS) et de la Drug Enforcement Administration (DEA) a été lancée. Celle-ci a été diligentée après qu'il eut été découvert que ce vaisseau transportant soi-disant du sucre pour la maison Accra, en l'occurrence la compagnie NABATCO, en réalité transportait un cargo mixte comprenant également quelque 600 tonnes de cocaïne, d'héroïne et de marijuana appartenant au groupe Accra. Aussi, tous les marins qui se trouvaient à bord de l'embarcation ainsi qu'un groupe du personnel du port ont-ils été incarcérés en attendant l'instruction du dossier. La libération, cette semaine, des membres d'équipage du Manzanares, semble donner aux hommes d'affaires impliqués dans l'introduction de ce bateau à Port- au-Prince une fausse impression de sécurité.

L'histoire du Manzanares, qui a été l'objet d'une saisie au Terminal Varreux, voilà déjà six mois, prend de plus en plus l'allure d'un phénomène de feu de paille. On s'étonne, en effet, que la plus importante cargaison de cocaïne, de marijuana et d'héroïne, d'une valeur marchande évaluée par des experts, n'ait point retenu l'intérêt des autorités haïtiennes que durant l'espace de quelques semaines. Nonobstant les apparences d'empressement et d'ardeur à l'œuvre manifestées par les autorités policières et judiciaires d'Haïti, on ne peut s'empêcher de constater l'existence d'une conspiration menée de main de maître entre l'unité de lutte anti- drogue et le secteur judiciaire, en vue de manipuler les résultats de l'enquête en faveur du plus offrant.

Un partenariat entre avocats et autorités judiciaires

Traditionnellement, en Haïti, le trafic de stupéfiants a toujours été une source inépuisable d'honoraires élevés. Mais jamais, auparavant, autant de personnes n'étaient impliquées dans ce négoce qu'à l'occasion de l'arrivée du navire panaméen au Terminal Varreux, une aubaine pour les avocats spécialisés dans les affaires de drogue. De même pour les juges d'instruction ayant charge de tels dossiers. C'est le cas de dire qu'il existe un partenariat entre avocats et autorités judiciaires.

En effet, certains avocats chargés de dossiers internationaux de cette nature qui, d'ailleurs, ont un casier judiciaire, non seulement représentent leurs clients, mais aussi se font la réputation de jouer un rôle crucial de courtiers entre accusés et donneurs de justice, voire même avec des décideurs politiques. Ce qui donne du souci au nouveau bâtonnier de Port au Prince, Me Stanley Gaston, récemment élu. Il dit devoir prendre des mesures pour tenter d'imposer plus de rigueur éthique à ce niveau. Certains juristes vont jusqu'à admettre que si Me Gaston est homme de caractère, il peut lui aussi éventuellement faire l'objet de pressions auxquelles il pourrait donner considération de manière décevante. Papa Doc dirait lui-même chaque homme a son prix.

L'enquête menée sur le bateau chargé de stupéfiants, qui était ancré au Terminal Varreux, a établi que plus d'une douzaine d'hommes d'affaires parmi les plus riches, et proches du président Martelly, avaient participé aux transactions ayant culminé au voyage du Manzanares de son port de départ, en Colombie, jusqu'à Port-au-Prince. Pourtant ont été arrêtés seulement quelques subalternes de bas échelon, tels que, par exemples, des agents de sécurité du Terminal Varreux, ou de petits trafiquants de la zone de Chancrelles. On en veut pour preuve, la libération de la plupart de l'équipage du bateau, tel que rapporté dans l'édition du 21 octobre du quotidien Le Nouvelliste, citant « une source judiciaire ». Selon le journal, « 11 des 16 membres d'équipage du Manzanares » ont été mis en liberté. Tandis que cinq autres, parmi eux trois Haïtiens, « devraient être relâchés sous peu », a précisé le même organe, ajoutant que les représentations diplomatiques des pays dont les membres d'équipage sont issus auraient exercé de fortes pressions sur la justice haïtienne pour élargir leurs ressortissants.

Chargé pour instruire le dossier par le doyen du Tribunal de première instance de Port-au- Prince, le juge Bège Surpris a rendu une décision de main levée en faveur des membres d'équipage du Manzanares. Les diverses ambassades ou consulats des pays dont ils sont les ressortissants ont d'ailleurs fait des démarches pour que leurs citoyens échappent à la justice haïtienne, qui semble se faire bien complaisante. Si la drogue qui se trouvait à bord du Manzanares demeure confisqué, comme « corps du délit », le chargement de sucre a été libéré au profit de NABATCO, la firme de la famille Acra.

On apprend, par ailleurs, qu'un juge Lévesque, de Cité Soleil, s'est assuré de leur donner une main levée, tout comme il a autorisé la levée de cadavres résultant d'accrochages liés aux guerres internes qui ont éclaté entre ceux qui ont fait sortir le produit illégalement du terminal, avant l'intervention de la DCPJ et des agents de la DEA. En effet, un certain Saint-Fort a été assassiné au Terminal Varreux, quelques jours après l'arrivée du chargement de stupéfiants. Grâce aux efforts de l'ex-député Robert Mondé, qui n'avait pas été élu au premier tour des élections du 9 octobre 2015, une décharge de la famille de la victime a été négociée, sans qu'aucun rapport n'ait été fait à la police. Le nommé Saint-Fort, qui était un superviseur au Terminal, a laissé une veuve à qui on a promis un emploi, et un frère qui a été immédiatement embauché par Fritz Mevs jr. Des sources proches du Terminal ont fait savoir que ce dernier s'est mis en frais pour obtenir le silence de la famille de Saint-Fort.

Entre-temps, le commissaire du gouvernement, qui devait mettre l'action publique en route pour rechercher l'assassin, n'aura jamais été informé de ce crime. De sources sûres, on apprend que la décharge arrachée à la famille Saint-Fort a été signée entre Fritz Mevs jr et les parents du défunt.

Une stratégie qui vise à protéger les importateurs de la drogue du Manzanares contre des poursuites judiciaires

Depuis la saisie au Terminal Varreux du Manzanares et tout le cargo qu'il transportait (665 tonnes de sucre régulièrement commandées par NABATCO et les plus de 140 tonnes de cocaïne, d'héroïne et marijuana importées par des hommes d'affaires proches du président Martelly), les intéressés ont mis sur pied une stratégie visant à les protéger contre des poursuites judiciaires. S'ils sont confiants de leurs capacités de contrôler les distributeurs de justice locaux, il s'agit d'une toute autre chose en ce qui a trait aux Américains. Dans la mesure où les services américains engagés dans l'investigation de l'affaire du Manzanares, notamment la Drug Enforcement Administration (DEA), la Federal Bureau of Investigation (FBI) et d'autres, s'emploient à bien ficeler le dossier, il y a fort à parier que les personnes haïtiennes visées par les enquêteurs fédéraux sont tenus à l'œuvre par les procureurs fédéraux. Autrement dit, contrairement à la justice haïtienne, qui gère cette espèce avec nonchalance, les autorités fédérales n'iront pas de main morte. Pour des experts juristes américains, les procureurs fédéraux ne mettent jamais en veilleuse, ni abandonner de pareils dossiers. Quel que soit le temps que ça prend, chaque personne qui fait l'objet d'une enquête fédérale est ou bien renvoyée hors de cause ou inculpée. Il n'est que d'attendre.

Cela va sans dire que les agents fédéraux ont la responsabilité de suivre de prêt l'évolution de l'affaire dans le système judiciaire haïtien. Afin d'identifier les acteurs qui font monter les enchères dans la distribution de la justice.

Il arrive, bien souvent, dans la gestion d'un dossier, en Haïti, que les différents acteurs se comportent différemment. Tandis que certains tiennent coûte que coûte à faire triompher la justice, d'autres utilisent leur position pour s'enrichir. Par exemple, dans l'affaire du bateau d'Accra, une source bien informée à fait savoir que le ministre de la Justice, « Richard Casimir, a tout fait pour que des arrestations s'ensuivent ». Souhaitant garder l'anonymat, la même source a précisé que la position de la garde des Sceaux se justifie « par son souci de permettre à son gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent afin de protéger la légitimité des institutions haïtiennes sous sa gouverne. Mais il ne peut ni déterminer ni décider de qui est coupable. Cela n'est point de son ressort ».

À la lumière des récentes évolutions dans l'affaire du Manzarines, notamment la libération des membres d'équipage, et bientôt, celle des Haïtiens, il semble que la position du ministre de la Justice n'ait aucune valeur. Ses efforts sont restés sans effets. Faut-il conclure que les hommes d'affaires impliqués dans l'affaire du bateau étant des proches du gouvernement, les juges chargés de l'affaire prennent leur ordre d'une autorité supérieure ?

En tout cas, le doyen du Tribunal de première instance avait confié le dossier au juge d'instruction Bège Surpris. Et celui-ci n'y est pas allé de main morte. Aussi a-t-il rendu une ordonnance de main levée d'écrou en faveur de l'équipe du Manzanares.

Pourtant les agents de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) avaient tous les éléments nécessaires pour mener une enquête plus agressive. La difficulté vient du fait que tous les témoins et autres intervenants semblent craindre la foudre de secteurs locaux influents, des hommes d'affaires économiquement et politiquement puissants. Cela se comprend bien quand les différents témoins interrogés souhaitent que leur identité soit gardée secrète.

Terminal Varreux-Groupe français Bolloré: Une stratégie de défense ?

Les hommes d'affaires liés à la cargaison interdite du ManZarines se débrouillent comme bon leur semble pour parer à une éventuelle action judiciaire fédérale. Quant aux opérateurs du Terminal Varreux, ils ont décidé d'entrer en association avec le groupe français Bolloré, ignorant ou feignant d'ignorer les contraintes de cette société française qui a eu son cortège de scandales documentés dans la presse internationale.

Le directeur général du port, Fritz Mevs jr, qui entretient de bonnes relations avec le régime Martelly-Lamothe, d'abord, puis Martelly-Paul, a reçu le renouvellement de sa licence pour le quai. Immédiatement après, sa société est entrée en association avec le groupe français. Tout cela afin de protéger le Terminal Varreux. Mais l'administration Martelly finissant, la donne est susceptible de changer, en ce qui concerne l'affaire du bateau d'Accra. Car, à moins que Michel Martelly réussisse son projet de faire élire son homme lige Jovenel Moïse comme son successeur—ce qui constitue une gageure —, on peut s'attendre à ce que le prochain gouvernement gère le dossier différemment. Les autorités fédérales n'ayant pu avoir la collaboration de Martelly, dans cette affaire, mettront tout en œuvre pour que très tôt le nouveau locataire du Palais national se mettent d'accord avec Washington sur la manière la plus rapide de liquider cette affaire.

Quels avantages espérer de l'union Bolloré-Terminal Varreux ?

D'aucuns se demandent quels avantages les hommes impliqués dans la cargaison de stupéfiants débarquée au quai de Varreux espèrent en termes de protection contre une éventuelle action des procureurs fédéraux ?

Des experts juridiques soutiennent que cette association ne saurait mettre les possibles accusés à l'abri. Car, arguent-ils, les rapports de police, tant ceux dressés par les agents de la DCPJ que ceux préparés par les enquêteurs fédéraux ont pleinement identifié les opérateurs qui ont mis leurs ressources à contribution dans le cadre de ce réseau. Les autorités fédérales n'ignorent pas le fait que la justice haïtienne tarde à admettre l'évidence, à dessein ou par incompétence. Les deux options sont navrantes.

Signalons, d'autre part, que des investisseurs dans le même secteur trouvent des arguments solides pour combattre l'influence de Fritz Mevs jr et de Bernhard Mevs qui, selon les dires de leurs anciens employés, se prévalent d'être des stratèges intouchables dont l'influence, selon leurs déclarations en petit comité, « s'étend du président de la République au doyen du Tribunal civil de Port-au-Prince ».

Un cadre qui a travaillé au Terminal durant des années a révélé ceci : « Tout le monde sait que ce n'est pas vrai, mais toujours est qu'ils le disent et s'enorgueillissent sans se soucier des torts qu'ils font à la réputation des autorités qu'ils font passer pour leurs potes ». D'ailleurs, a précisé le même individu, Fritz Mevs jr. relate à ceux qui veulent l'écouter ses week-ends passés en compagnie du président Martelly. Un autre ex-employé de Terminal Varreux a souligné que décidément il n'aura rien appris du dossier Wiki-Leaks. Suite à des révélations le concernant faites par le medium d'Assange, il fut obligé de dédommager le sénateur Youri Latortue contre qui il avait émis des propos qu'il fut par la suite incapable de justifier. Le dédommagement en question fut conclu suite à des négociations menées au Palais National où le président Martelly avait fait tenir une réunion présidée par les frères Mayard-Paul, en vue de résoudre ce qu'il considérait comme un affront fait au sénateur qui, contrairement à d'autres, n'avait aucune intention de se rabaisser niaisement devant Fritz Mevs jr.

Pourquoi ont-ils les mêmes avocats ?

Dans le cadre de l'enquête fédérale toujours en cours de l'affaire du Manzanares, les agents fédéraux cherchent à établir pour quels motifs ces hommes ont les mêmes avocats. Les défenseurs du groupe Fritz, Gregory et Bernhard Mevs sont Berto Dorcé et Frank Vanéus. M. Dorcé est aussi l'avocat de Kiko Saint-Rémy et des Khawly.

Me Berto est également identifié dans la défense de Woodly Éthéard, communément appelé Sonson La Familia, qui était emprisonné pour kidnapping. Au centre du scandale Sonson La Familia, Me Berto a négocié l'élargissement d'Éthéard avec le juge Bélizaire.

Les agents de la DEA sont particulièrement intéressés par rapport à la participation de Berto Dorcé dans le dossier du Terminal Varreux, car l'avocat Dorcé a eu un dossier criminel. Ils savent qu'il était impliqué dans une affaire de drogue alors qu'il était juge de paix à Miragoâne. Il a passé six mois en prison pour son rôle dans cette affaire.

L'affaire du Terminal Varreux peut être en veilleuse, mais pas enterrée

Il n'y a aucun doute que l'affaire du Terminal Varreux n'est pas enterrée, comme voudraient le faire croire des hommes d'affaires impliqués dans le dossier du bateau d'Accra. En veilleuse, oui, c'est ce que disent les agents fédéraux.

En effet, Alen Rozier, qui était le superviseur en charge du débarquement du Manzanares, vient de perdre son visa américain. Il a été appréhendé, l'autre semaine, par des agents fédéraux agissant de concert avec des policiers haïtiens, tandis que M. Rozier tentait de quitter Haïti. C'est encore Berto Dorcé qui l'a accompagné au Parquet.

On apprend également que c'est Richard Lebrun qui avait reçu la réservation du Manzanares en prévision de son accostage au Terminal Varreux.

Les agents de la DCPJ et de la DEA avaient établi, immédiatement après l'arrivée du bateau panaméen de Colombie, qu'une partie de la drogue avait été débarquée et déposée « en lieu sûre ». Des sources proches de l'enquête fédérale ont fait savoir que le concert spectaculaire organisé récemment au Champ de Mars par le fils cadet du couple présidentiel, Sandro Martelly, servait de prétexte pour expédier à l'étranger une partie de la cocaïne. Les dix avions qui se trouvaient sur la piste de l'aéroport, à cette occasion, devaient servir au transport de la marchandise interdite..

Tout compte fait, les mises en place réalisées jusqu'ici par les différents associés dans l'importation de la drogue via le Manzanares ne suffiront pas pour protéger les acteurs contre l'action fédérale qui doit être bientôt déclenchée. Il est toutefois certain que la fin du mandat de Martelly pourrait donner le signal des premières arrestations.

Par Leo Joseph
Source Haiti Observateur

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