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Il n'y a que des « mâles élus » au Parlement!

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Je n'ai point l'intention de revenir sur les élections inachevées de 2015. Les politiciens nous servent cette sauce indigeste, cela fait longtemps déjà. Rappelez-vous des élections frauduleuses de : 2000,2006,2011...

Mon propos : où sont les femmes de cette cinquantième législature ? Qu'est-ce qui explique ce Parlement masculin pluriel ? Pourquoi cette brusque absence de femmes ? Seraient-elles déçues par cette lutte de pouvoir stérile dans laquelle nous sommes plongés depuis des décennies ? La population, en général, entretient le préjugé que : «politik se zafe vakabon». Ce serait donc un secteur réservé à des Mâles élevés au rang de parlementaires...

Bien sûr, ce ne sont que des clichés. Et la réalité est plus compliquée que cela. Les explications doivent provenir de données sociologiques et politiques.

UN QUOTA, POUR PLACER LES GENRES CÔTE À CÔTE...

Plusieurs pays ont adopté des lois exigeant, aux partis politiques, un certain nombre de femmes comme candidats, lors d'élections. En 2011,la 49e législature comptait 5 députés féminins (5,05%) et une seule sénatrice sur 30 (3,3%). Rappelons que cette législature a approuvé la proposition d'amendement de l'article 17-1 de la Constitution visant à inclure un quota minimal de 30% (projet lancé depuis la 48e).

Voter une loi suffit-il pour garantir la parité des genres ? L'égalité se décrète-t-elle? La réponse ne s'est pas fait attendre. Les résultats des dernières compétitions électorales témoignent du chemin à parcourir.

 COUP D'ŒIL AU NIVEAU PLANÉTAIRE.

La répartition des femmes aux Parlements est inégale selon les régions ou pays du globe. La moyenne mondiale se situe autour de 22%. Dans les pays nordiques, elles représentent 42% et leur nombre progresse graduellement, au fil des années. Aux antipodes se trouvent certains pays arabes musulmans.

Deux pays ont connu des percées notables, le Rwanda, en 2008, avec l'élection d'une majorité de femmes à son Parlement (56,3%) et Bahamas en 2009. Un autre pays post conflit, l'Afrique du Sud, est proche de la parité, de même que les nouvelles démocraties de l'Amérique latine.

 LA SITUATION HAÏTIENNE.

Singulièrement, en Haïti, ceux-là qui devraient assumer un leadership relié à leur statut social, économique, ou intellectuel, se défilent. Hélas, la nature a horreur du vide. Ce vide comblé, trop souvent, par des personnes peu représentatives et peu qualifiées, autoproclamées leaders du peuple.

Nombreuses sont ces femmes dans la quarantaine issues des classes moyennes avec un profil académique exceptionnel, une riche expérience, et un parcours professionnel sans faille. Elles sont cadres, dirigeantes pour des boîtes privées quelquefois chefs d'entreprises. Elles partagent, toutes, un trait commun : une répugnance pour le milieu politique.

Derrière cette aversion déclarée se cache un certain désengagement social, puisque peu d'entre elles participent à des actions communautaires. Elles partagent ce dénominateur avec leur homologue masculin, dans une société où la culture institutionnelle n'est pas installée. De plus, nous avons, en Haïti, une notion étroite de la communauté. Le soi collectif s'étendant rarement au-delà de la famille ou du clan. Et il n'y a pas si longtemps que nous avons commencé à se réunir en association. D'ailleurs, récemment encore, c'était considéré comme un geste subversif pouvant mener les auteurs à la prison, à l'exil,ou au cimetière.

D'un autre côté, la pratique démocratique est à ses balbutiements. Les organismes de la société civile, la plupart, se résument à des groupuscules sclérosés fonctionnant comme des sociétés secrètes ; impénétrables et mystérieuses. Or, souvent, en démocratie, les regroupements de ce genre, à travers une structure basée sur le bénévolat, constituent la porte d'entrée en politique.

Le problème se situe en amont : peu de sensibilité sociale, repli des regroupements sociaux et des partis politiques sur eux-mêmes. Combien de fois, depuis ces trente années de transition, avions-nous assisté à une campagne de recrutement de nouveaux membres ?

Les mêmes noms reviennent jusqu'à ce que mort s'en suive. Il n'y avait pas que Duvalier qui fût «A Vie».

On comprend que le quota de 30% risque d'être difficilement applicable si, au départ, la simulation ne se fait pas.

Quelles places sont réservées aux femmes au sein des partis politiques ? Quelles sont les stratégies employées par eux en vue de recruter, d'encadrer et de faire élire les femmes ? Combien de partis politiques réalisent des activités de proximité, orientées vers les femmes afin de les sensibiliser et les mobiliser à la vie politique ?

La modernité projetée pour Haïti passera par l'apport des femmes qui constitue la majorité de la population. Les barrières socioculturelles et économiques se greffent aux freins institutionnels, ce qui explique la sous-représentation du genre féminin. Dans la société haïtienne, les responsabilités domestiques et familiales disproportionnées que doivent assumer les femmes peuvent constituer une entrave majeure à leur émancipation politique. Il faut du temps pour pénétrer les réseaux essentiellement masculins du monde politique et économique. Il faut de la patience pour se faire connaître et atteindre, dans ce milieu, la crédibilité qui se transformera en appui financier et moral, au moment des élections.

Le partenariat entre hommes et femmes, dans la conduite des affaires publiques, est incontournable pour un modèle inclusif et égalitaire. Au-delà des différences sociales, les femmes devraient créer un espace de solidarité et d'alliance pour défendre leurs droits et revendiquer leur place en tant que citoyennes dans les organes de décisions et dans toutes les sphères de la société.

* Merci Jean Mau Délisma pour le titre.

Aly Acacia
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Source: LeNouvelliste