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Budget 2019-2020 : La Lettre de Lafortune à Thomas Lalime

yves lafortune a thomas lalime touthaiti

Lettre à Thomas LALIME, PHD !
(Lettres sur le budget 2019-2020)

Cher Thomas, Frère, Ami et Compère !

Il y a sept (7) mois depuis que j’ai laissé Montréal. Après que tu m’aies déposé à l’aéroport Pierre Elliot Trudeau, il m’a pris envie de t’écrire cette lettre mais la légèreté insoutenable que j’ai connue par la fatigue accumulée lors de nos montées et descentes dans la ville de Jacques Cartier jusqu’à Gatineau en quête de lumières dans différentes Universités et dans des rencontres avec nos frères et Sœurs Haïtiens ne m’a pas permis de finir cette note que j’avais pourtant commencée dans l’avion. Il est vrai qu’on a pu épuiser quelques points au fil de nos conversations quotidiennes mais cette lettre est restée longtemps dans l’ordinateur jusqu’à ce que tu publies cet article sur le budget 2019-2020.

En effet, j’ai lu l’annonce de l’adoption du budget le 5 juin 2020 ainsi que le texte qui était disponible sur les réseaux sociaux et je me suis mis à le décortiquer. J’ai lu, relu, compris, mal compris et peu compris dans le sens de mes quêtes et surtout dans mes moindres certitudes. Quand on sait que le budget de la République est un outil de mis en œuvre des Politiques Publiques, je ne peux ne pas me livrer aux questionnements les plus simples, divers et complexes car il est dit que le budget doit être déposé à la fin du mois de juin aux fins d’analyses et de corrections avant d’être adopté et mis en œuvre au premier jour de la nouvelle année fiscale soit le premier jour du mois d’octobre.

Cher Thomas !

Il arrive comme tu sais que chez nous les choses se font différemment et nous l’acceptons. Sous peu, quand arrivera Octobre 2020, il faudra attendre début juin 2021 pour déposer le budget 2020-2021 parce que ici, la vie est inversée autant que l’ordre des choses et des faits. Les Politiques Publiques résident dans la tête des Politiques. Elles ne sont nullement conçues, ni clairement élaborées pour qu’elle deviennent intelligibles. Elles sont appliquées au gré du temps, suivant le hit du moment et par routine. C’est sans doute pourquoi les budgets arrivent neuf (9) mois après soit trois (3) mois avant la fin de l’année fiscale.

Il y a longtemps depuis que nous avions cessé d’être normaux. Nous vivons dans le flou et flou vit en nous comme si nous ne pouvons faire autrement. Tel Président ment monumentalement, tel Sénateur dénonce son forfait et assume, tel Député est minable et le Ministre ne sait rien de ses responsabilités d’Etat et l’Administration Publique perd son âme.

Revenons au budget !

Tu as été le premier dans ta rubrique hebdomadaire « Des idées pour le développement » parue dans les colonnes du Journal Le Nouvelliste à mettre emphase sur la sincérité du budget. Tu l’as écrit et je cite « C’est au niveau de la rubrique « Financement » que revient le débat sur la sincérité du budget. À l’ère de la Covid-19, rien ne laisse penser que le gouvernement pourra trouver preneurs pour des bons du Trésor à hauteur de 25,77 milliards de gourdes. C’est comme si le budget était programmé pour aboutir à des déficits record. On établit des prévisions de revenus impossibles à collecter. Sur la base de ces prévisions, on alloue des enveloppes aux différents ministères et administrations publiques qui vont engager des dépenses pour lesquelles elles n’ont pas les moyens. Cette pratique conduit de façon récurrente à des arriérés de salaires et à un déficit record pour l’année fiscale en cours.

Cela laisse à penser également que la BRH pourra être sollicitée pour un financement monétaire supérieur aux 30 milliards de gourdes indiqués dans le budget. Il convient de noter que depuis le 8 avril 2020, le financement monétaire du déficit budgétaire avait déjà atteint un montant de 29,4 milliards de gourdes, selon données de la BRH en date du 13 avril 2020.

Tu es le premier sinon le seul d’entre nous à signaler que le budget 2019-2020 est financé à 15,1 % par la BRH. Ainsi, il ne fait de doute aucun que la BRH pourra être sollicitée et de fait est déjà sollicitée pour un financement monétaire qui au bout du compte sera supérieur aux 30 milliards de gourdes indiqués dans le budget compte tenu du fait que le financement monétaire du déficit budgétaire a déjà atteint un montant de 29,4 milliards de gourdes, selon les données de la BRH en date du 13 avril 2020. Je refuse d’imaginer ce que sera la gourde dans les jours à venir.

Cher Thomas, Frère, Ami et Compère !

L’heure est grave et nous interpelle tous ! Tu n’as jamais cessé d’offrir ta part de don au Pays. Une rubrique économique depuis environ huit (8) ans et des idées pour influencer les idées et les Politiques. Tu n’es peut-être pas la voix qu’il faut à ces oreilles comme le disaient Nietzche mais Dieu seul sait que c’est la vérité. Moi, comme tu le sais, j’ai mis du temps à rassembler les savoirs de toutes sortes pour essayer de construire une parole et une pensée haïtienne mais ce n’est pas toujours évident. Des symposiums annuels assortis de leurs actes pour signifier le sens du mot de passe mais le Députe m’a dit qu’il a peur que ces papiers ne valent rien en ces temps d’anomie et qu’il m’aurait suggéré de me sortir la tête et dire merde au reste. Je ne peux pas malheureusement !

Il n’existe plus de Parlement. Aucun débat sur ce dernier budget et il passe. Les Economistes presque chacun de leur côté ont tenté de dire quelque chose mais ça ne suffit pas. Eux tous ont raison mais c’est dommage que nous n’arrivions pas à nous mettre encore ensemble pour une esquisse de politique économique qui eut pu donner le ton.

L’une des rencontres la plus marquante que nous avions faite est celle qui a eu lieu chez Chez Sheila Caze ou Pierre Emmanuel t’avait fait fait la question. Comment sortir de là ? Tu avais commencé à répondre, je me souviens que ta parole a fait sens et a suscité un beau débat inachevé. Il faut que les Elites se rendent compte de notre chute, il faut un plan stratégique, il faut que nous nous consentions à payer des taxes et faire en sorte que l’argent ne soit pas gaspillé. Il nous faut beaucoup mais est ce que nous voulons conjuguer nos efforts pour produire un savoir qui puisse transformer la vie de la population haïtienne.

Dans un de tes articles, tu as parlé de Newdeskarl SAINT-FLEUR, le docteur en géophysique de Cité-de-l’ Eternel. Que c’était un beau papier dans lequel tu as fait part de tes nuits d’insomnie depuis que tu as commencé à penser à comment sera Port –au- Prince dans vingt ans. Je t’assure cher Thomas que je moi aussi, je n’ai pas cessé de penser au devenir de ma ville qui fête aujourd’hui son deux cent soixante onzième (271 ème) année.

  Je tiens à te rendre hommage pour ton engagement sans pareil à la cause du Pays et surtout dans le champ de l’Economie. Je rends hommage à tous les autres dont Kesner Pharel, Enomy Germain, Etzer Emile, Emmanuela Douyon, Patrick Leroy Morisseau, Fritz Jean, Jean Poincy, le Dr Fritz Dorvilier etc. qui eux tous parlent, disent et écrivent.

A l’Institut de Politiques Publiques (IPP) que nous avions fondé, nous travaillons sans relâche dans différentes disciplines dont la Philosophie, l’Anthropologie, la Sociologie, la Santé Publique et dans l’environnement avec nos amis de Friends Of Haïti (FOH) à New York dans l’espoir d’une pensée haïtienne. Puissent ces efforts arriver à pousser des bourgeons d’abord et des fruits pour des générations futures !

Je n’ose pas parler économie généralement si ça ce cerne pas le volet Politiques Publiques. Toutefois, je crois avoir risqué une parole pour t’écrire cette lettre. Pour finir, je te remets le maillet pur et sans tâche et je te prie de bien vouloir continuer les travaux à la manière accoutumée.

Bien à toi Frère, Ami et Compère (FAC)

Yves LAFORTUNE, MAP, Av
Designer Organisationnel
PDG Consultations et Résultats
Secrétaire Exécutif de l’Institut de
Politiques Publiques (IPP)