Tout Haiti

Le Trait d'Union Entre Les Haitiens

Conseils de lecture et critiques de livres

Prix Ivoire: La récompense méritée du roman Je suis vivant de Kettly Mars (1 de 3)

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par Leslie Péan, 23 novembre 2015  ---  La décision du Jury du Prix Ivoire pour la Littérature Africaine d'Expression Francophone d’élire Kettly Mars comme lauréate en 2015 pour son roman Je suis vivant nous procure un immense plaisir. Couronnée neuf ans plus tôt en 2006 par le Prix Senghor du Premier roman francophone et francophile, pour L'Heure hybride, Kettly Mars se distingue par son parcours littéraire. Aujourd’hui, elle a encore séduit un autre jury par son talent indéniable et la vitalité de son écriture. Le succès de l’auteure en Afrique ajoute une nouvelle palme à une réputation acquise par les huit romans antérieurs à son actif qui ont reçu un grand accueil du public.

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"Bain de lune" de Yanick Lahens - (recension du Dr Hugues Saint Fort)

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Bain de lune
Par Yanick Lahens
Sabine Wespieser, Paris, 2014

                                                   Des dieux et des dictatures

 Hugues Saint-Fort  --- Dans Bain de lune, le récent roman de Yanick Lahens qui vient d’être récompensé du prix Femina, l’auteure prend ses distances avec le roman urbain et bourgeois des sentiments délicats qui caractérisait son précédent texte de fiction Guillaume et Nathalie (Prix Caraïbes 2013). En effet, Bain de lune témoigne d’une connaissance poussée de la vie et du quotidien des paysans haïtiens, apporte la preuve que la romancière a effectué un nécessaire travail ethnologique de premier ordre et qu’elle est restée sensible aux conditions de vie, aux désirs, à la philosophie du paysan et de la paysanne en Haïti. Le roman raconte l’histoire se déroulant sur quatre générations de deux familles haïtiennes résidant à Anse Bleue, un village d’Haïti. Ces deux familles sont les Lafleur et les Mésidor et elles s’entredéchirent pour des histoires de terre. A partir de ce cadre général récurrent dans le déroulement des existences paysannes haïtiennes, Yanick Lahens a dressé un immense tableau débordant de poésie qui décrit  la vie dans une campagne haïtienne où les dieux se mêlent aux hommes, où le pouvoir des méchants tantôt prend le dessus, tantôt est rejeté, où les dictatures se succèdent sous une forme ou une autre.

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Les eaux dormantes du duvaliérisme: Métaspora de Joël Des Rosiers ou l’art comme dépassement de la vie quotidienne (2/3)

Métaspora
Essai sur les patries intimes
Montréal, éditions Triptyque, 2013

 Par Leslie Péan, 28 juillet 2014 ---  La tâche de délimiter les contours de Métaspora est complexe. La contestation du réel par l’auteur se fait dans une langue minutieuse, et elle est poussée au bord du gouffre, avec une insolence qui lui donne encore plus de précision, pas seulement envers les autres mais surtout envers elle-même. Oyez : « Si le concept de diaspora, idéaliste et romantique, s’étaye d’un retour des souvenirs, réels ou fantasmatiques, du fait de se ressouvenir d’une origine perdue, celui de métaspora cherche à rendre l’avenir présent[i]. Â» Joël Des Rosiers semble nous dire que l’écriture est ce qui nous sauve. Son ouvrage est une fête des mots et des phrases pour échapper à la damnation du pays du père que l’on remplace par des patries intimes. De ces profondes ténèbres sont issus certains mots couleur de cendres, et d’autres violents. Mais dans tous les cas, le fléau de la littérature exerce une séduction suprême quand bien même le poète laisse éclater sa colère. En adoptant cette posture, Joël Des Rosiers dénonce de façon accablante la complaisance vis-à-vis des assassins. L’auteur échappe au parti-pris de la déconnexion avec des événements sociopolitiques et économiques d’Haïti. Contentons-nous d’en relever au moins deux qui dénotent le refus de toute attitude accommodante à l’endroit des bourreaux du peuple haïtien.

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Leslie Péan: Métaspora de Joël Des Rosiers ou l’art comme dépassement de la vie quotidienne (3/3)

par Leslie Péan, 28 juillet 2014 ---  Je disais dans la première partie que l’ouvrage de Joël Des Rosiers était oxygénant. L’auteur parle des choses haïtiennes, bien sûr, mais dans leurs relations avec l’infini. Comme une sorte de fugue. Avec une musicalité et des sonorités multiples. On y trouve par exemple un essai consacré à la musique hip-hop de Wyclef Jean et des Fugees. Selon Joël Des Rosiers, « dans l’histoire du hip-hop, le groupe Fugees est apparu comme une résistance caribéenne au sein de l’Amérique. Fugees comme contraction de Refugees Camps : les réfugiés des camps. Nom dont on désignait parfois aux Etats-Unis les membres de la communauté haïtienne. En 1991, chassés par les violences déclenchées par un coup d’État militaire, plus de 34 000 réfugiés haïtiens furent accueillis dans les camps sur la base navale américaine de Guantanamo (Cuba)[i]. Â»

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Métaspora: Essai sur les patries intimes de Joël Des Rosiers ou l’art comme dépassement de la vie quotidienne (1/3)

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Essai sur les patries intimes
Montréal, Éditions Triptyque, 2013

par Leslie Péan, 28 juillet 2014 ---  À l’automne 2013, la multiplicité est devenue unité avec la publication, par Joël Des Rosiers, de Métaspora – Essai sur les patries intimes. Ce livre est l’aboutissement d’une évolution significative marquée par des interventions, brochures, nouvelles et autres articles débouchant sur la parution en 1996 de son essai Théories Caraïbes. Le message contenu dans Métaspora a été vite salué par l’Université Harvard, un des temples du savoir mondial contemporain, qui a subodoré une Å“uvre lucide, courageuse et réussie. L’auteur y a été invité le 21 octobre dernier pour présenter son Å“uvre. Le psychiatre, psychanalyste, poète et militant politique a exposé devant un auditoire de chercheurs et de doctorants la façon dont Métaspora scrute le paysage mondial et dévoile l’univers intime de l’auteur, de l’enfance à l’âge adulte. Tout le plaisir des commencements se donne à voir avec des photographies de l’aïeul dans son costume d’apparat. Joël Des Rosiers présente ses racines multiples comme les rhizomes du vétiver. Il expose la construction de sa véritable personnalité comme le miroir de sa pensée : de la physionomie de l’enfant de 18 mois en costume oriental portant fez et chapelet à l’écrivain dans sa maturité, accueilli par Aimé Césaire à la mairie de Fort-de-France en 1994. Tout un programme.

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