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Haïti ne vit-elle pas à l’heure d’une « Révolution »?

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Par Robert Lodimus ---  Les Haïtiens se rapprochent dangereusement de la frontière d’une explosion sociopolitique. Tous les compartiments de la société seront touchés. Les analystes politiques en sont arrivés aux mêmes conclusions. Le journal Haïti Liberté ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. Ses éditoriaux et ses articles de fond annoncent des jours inquiétants. Font des prévisions apocalyptiques. Les structures féodales qui ont servi de fondement historique à la création de l’État sont dangereusement fissurées. L’édifice national menace de s’effondrer. Et la « myopie politique » semble vouloir précipiter l’arrivée d’un « séisme social » qui sera néfaste au peuple haïtien. Car derrière tout cela se profile astucieusement la perte totale de l’indépendance et de la souveraineté d’une Nation. Les États-Unis, la France, le Canada, l’Allemagne… ont utilisé l’organisation parasitaire de Ban ki moon pour conduire les Haïtiens vers l’ « autodestruction ». La volte-face, sans être fataliste, est loin d’être gagnée. Derrière le convoi funèbre, les bulldozers du néocolonialisme creusent des fossés abyssaux, afin d’éviter un retour en arrière. Difficile donc d’arrêter la marche des « condamnés » vers la «  vallée de la mort ».

Gérard Pierre-Charles a fait une radiographie du duvaliérisme. Il nous faudrait aujourd’hui un Michel Ange, un Picasso, un Dali capable de peindre une toile géante de l’état actuel de cette République agonisante. Existe-t-il encore des « êtres humains » sur le territoire dessalinien? Même les néanderthaliens n’ont pas vécu dans des conditions si lamentables. Et pourtant, nous venons de franchir le seuil du 21è siècle où le train des progrès technologiques roule à une vitesse effarante. En mettant les pieds à Port-au-Prince, l’étranger aurait l’impression de pénétrer dans une caverne géante où des loups sauvages sont en train de dévorer sans pitié des brebis et des chèvres, livrées à elles-mêmes, sans berger. Des carnivores qui se nourrissent de la chair putréfiée de la « pauvreté extrême ». Donc, des « charognards » sans scrupule. La bourgeoisie compradore a concentré toutes ses forces pour écraser la résistance des masses populaires. Des voix arrogantes, puissantes s’élèvent de partout pour défendre le « coq de basse-cour » de la société secrète du PHTK. Des noms bizarres, que nous n’avons pas l’habitude d’entendre, sortent de leurs milieux embourgeoisés et signent des communiqués politiques en faveur de « Satan », comme le dirait l’inoubliable commandant Hugo Chavez. Cette situation de complots prouve une fois de plus que c’est dans les manifestations de rue, les émeutes, les insurrections populaires que peut et doit se régler la « Cause » des masses haïtiennes. C’est honteux d’entendre des « instituteurs médiocres » qui s’érigent en « professeurs d’université » faire la leçon de la « démocratie » à nos compatriotes des bidonvilles et de la paysannerie qui défendent leurs droits, leurs libertés et les privilèges que leur confère leur statut de citoyenneté. Ces individus malhonnêtes, de tendance politique impropre, et même malpropre, dont la plupart se rapprochent pitoyablement de la soixante-dizaine, ne s’embarrassent pas de faire les chiens couchants, de s’ « applaventrir » dans l’espoir de s’assurer un petit casse-croûte durant les années à venir. Quelle tristesse! Dans ce pays, c’est le contraste qui prévaut. « Aux âmes mal nées, la valeur attend en vain le nombre des années. »

Décidément, nos « Boutenègre », nos « chefs de bouquement » emporteront leur ignardise, leur inculture avec eux dans la tombe. De leur vivant, ils se comportent comme le vieux Louis, le personnage rebutant de Samuel Beckett, dans Malone meurt : celui qui ennuyait tous les soirs sa famille avec des histoires nauséeuses de « cochons égorgés », et qui ne prenait même pas le temps de « s’excuser d’être encore là ». Alors que ces sexagénaires, octogénaires et même nonagénaires devraient être déjà rendus dans la montagne légendaire de Narayama, comme la vieille Orin, l’héroïne de la nouvelle de Shichiro Fukazawa, adaptée au cinéma par Shohei Imamura, en vue d’attendre le moment fatidique. Il existe des présences humaines inutiles qui auraient dû avoir elles-mêmes la sagesse de se soustraire de la « scène publique », de retourner chez elles sur la pointe des pieds, de se museler comme un chien enragé, de fermer définitivement la porte derrière elles, d’aller s’amuser dans leurs jardins de cour avec leurs petits enfants – comme Vito Corleone – en attendant que la crise cardiaque fatale arrive pour les libérer d’une existence terne, dévalorisante, indigne de mention dans les livres d’histoire.

Quel étonnement d’entendre le pauvre « histo/rien » de Port-au-Prince – comme l’aurait écrit le « lodyanseur » Castro Desroches – éplucher copieusement les « lavalassiens » qui font valoir présentement leurs droits de contestation par devant le tribunal du Conseil électoral provisoire! Au micro d’un « aboyeur folliculaire1 », l’écrivassier se complaisait bêtement, ridiculement à dresser un bilan négatif du passage de Jean Bertrand Aristide à la tête du pays. Et vous et moi savons tous la fin de l’histoire : le Renard disculpa le  Lion « carnivore » et condamna le pauvre âne « herbivore ». En ces temps absurdes où la précarité existentielle emprisonne la raison pure, où la faim et le chômage entortillent le cerveau des « universitaires » sans conscience, ce n’est toujours pas un péché de dévorer des moutons et même de manger des bergers. Cependant, « Manger l’herbe d’autrui! Quel crime abominable! Rien que la mort n’était capable d’expier ce forfait [1]… »

Ô rage! Ô désespoir! Ô vieillesse ennemie [2]! Même ces voix de crapaud qui, hier encore frustrées, lapidaient l’âme assassine d’Agrippine la Jeune pour le meurtre de l’empereur Claude, se rangent indécemment, sans pudeur et sans gêne, derrière la caravane effroyable de Néron ! 

La société haïtienne est « malade de la peste ». Et les paysans appauvris, les prolétaires exploités, les petits employés et fonctionnaires aliénés sont immolés sur le bûcher des sacrifices expiatoires, comme l’innocente « Iphigénie » dans la tragédie homérique. 

Le secteur privé haïtien a dépensé des millions de dollars pour monter la filière mafieuse qui a fraudé les élections du 20 novembre 2016 au profit du candidat du PHTK. Ses porte-parole rapaces, ordinairement retranchés derrière les rideaux de la corruption économique et financière, gravissent sans cagoule les marches du podium politique controversé, afin d’exiger la proclamation définitive de Jovenel Moïse à la fonction présidentielle. Ces « cochons », comme le disent si bien la chanson de Jacques Brel, se moquent de l’avenir du pays. Ils se nourrissent du sang et de la chair des pauvres. Ce sont les « Dracula » du « mercantilisme » de bas étage. Ils ne méritent aucun respect. La « bourgeoisie antinationale » n’a pas sa place dans une société révolutionnaire. N’est-ce pas elle qui collabore avec les « corporatocrates [3] », les « assassins financiers » qui pillent les richesses des populations mondiales déficitaires sur les plans technologique et industriel? D’où, à nos yeux, l’importance et le bien-fondé de la «Tchéka » après la phase triomphante du bolchévisme. 

Cependant, nous ne saurions mettre tous les gens fortunés, aisés et instruits dans un panier de crabes. Il en existe, comme Lénine, Fidel Castro, John F. Kennedy, Antoine Izméri, etc., qui ont fait avancer la lutte des classes en direction des espoirs entretenus pas les couches prolétariennes. Ces personnalités prodigieuses, remarquables ont dû se battre courageusement contre les vagues de résistance des « pilleurs de tombes » traditionnels. Tout pour la minorité des Bill Gates et des Sorros. Rien pour les pauvres des bidonvilles de Cité Soleil et de Calcutta, des favelas du Brésil, de l’Équateur, du Mexique… Quand émergent finalement des hommes d’État proches des aspirations et des revendications massives, la pègre de la haute finance internationale ourdit des complots et les élimine. Soit par les armes. Soit par l’empoisonnement. Soit par des accidents aériens planifiés et provoqués. Où sont passés les Omar Torrijos, Yasser Arafat, Muammar Kadhafi, Hugo Chavez, Amilcar Cabral, John Fitz Gerald Kennedy, Patrice Lumumba, Me Yves Volel…? Ils ont tous été assassinés… Sans obtenir « Justice ». Alors que les « truands meurtriers » vivent vieux et meurent tranquillement dans leur lit moelleux. Ils ne demandent même pas pardon aux familles des victimes, comme l’a fait à 93 ans le nazi Oskar Gröning, le comptable du camp de concentration d’Auschwitz, pour les pogroms antisémites de 1939 à 1945. 

Les « tribunaux » institués par les gouvernements capitalistes, impérialistes, néocolonialistes servent les intérêts des « classes bourgeoises ». Les peuples marginalisés, écartés des circuits des décisions politiques qui pourtant conditionnent leur existence propre, doivent prendre le contrôle de l’appareil de l’État sectaire pour défendre leurs droits et pour accomplir leurs devoirs. Ce jour-là, la « Résistance populaire » franchira le cap enchanteur de la « Révolution ». Il n’y a pas d’autres sources de salut pour la grande frange de l’humanité souffrante. 

Nous irons cracher sur vos tombes [4] 

Jean-Bertrand Aristide a remporté les élections du 16 décembre 1990, sous la bannière du Front national pour le changement et la démocratie (FNCD). Sa candidature servait à stopper le dauphin des États-Unis et du Canada, le défunt Marc Louis Bazin. Evans Paul et Turneb Delpé avaient délogé le professeur Victor Benoît au profit du prêtre de Saint Jean Bosco. Victor Benoît conservera dans sa bouche le goût amer de cette déception jusqu’à l’heure du trépas. Il ne sera jamais à l’aise en face du « personnage charismatique » qui lui a coupé l’herbe de la présidence sous le pied.

Bush 1e voyait en la personne d’Aristide, – à tort ou à raison –, un autre Fidel Castro ou un autre Daniel Ortega. La panique gagnait Washington. Une première tentative pour barrer la route à l’élu du 16 décembre 1990, bien avant la date de l’investiture, échoue piteusement. L’auteur principal du putsch, Roger Lafontant, soutenu par la CIA, est écroué au pénitencier national pour « crime contre la sûreté interne de l’État ».

Un soir du mois de janvier 1991, le téléphone a sonné chez nous. Assez tard. Au bout du fil, une voix inconnue, parlant français, avec un accent anglophone. L’individu s’identifie : 

« –  Ambassadeur Alvin Adams, pour M. Lodimus! »

« – Lui-même à l’appareil... »

« – M. Lodimus, je voudrais vous inviter à dîner en ma résidence, à Pacot… »

« – Qu’est-ce qui me vaut cet honneur, M. l’ambassadeur? »

« – J’aimerais que nous abordions rationnellement le phénomène Lavalas. »

« – Mais je ne fais partie d’aucun groupement politique… »

« – Je me fie à vous, pour la rigueur méthodologique qui soutient vos analyses et vos réflexions politiques à la radio et dans les journaux écrits.»

« – Laissez-moi un numéro de téléphone et je vous appellerai demain au cours de la journée pour vous communiquer une réponse… »

 Les échanges se déroulaient sereinement, dans un climat de détente, mais de méfiance.

 « – … M. Lodimus, pourquoi pensez-vous que le président élu n’a pas l’étoffe d’un « révolutionnaire »?

« – Parce qu’il a pris le pouvoir par les urnes… Il a donc joué le jeu de la vision, de la conception occidentale de la « démocratie ». Il est un conformiste, au sens où on l’entendait au XVIIe siècle. Ou mieux encore, un conformiste traversé par un courant faible de réformisme. M. Jean Bertrand Aristide n’a pas la compétence philosophique nécessaire, l’expérience, la pratique politique adéquate pour provoquer l’anéantissement, la désintégration du système d’État traditionaliste. Ce ne sont pas par des « harangues » que Mao Tsé-toung et Deng Xiaoping ont élevé la Chine à la hauteur des Nations puissantes. Mais cela ne signifie pas que l’’homme ne recherche pas un certain niveau de bien-être social, de décence économique pour son peuple. Il est un patriote attaché aux valeurs ancestrales. Il est proche des pauvres. Tout ce qu’il attend de la communauté internationale, c’est l’octroi d’une aide économique suffisante qui lui permettra de soulager la misère des masses.»

« – M. Lodimus, qu’est-ce que les États-Unis doivent faire, selon vous, pour recouvrer la confiance du peuple haïtien? »

« – Supporter le président qu’il a choisi pour le diriger durant les cinq prochaines années, respecter son vote, ne pas s’immiscer dans les affaires internes de son pays, et il considèrera les États-Unis comme un « bienfaiteur ». Si les autorités étatsuniennes aident Jean Bertrand Aristide, les conditions de vie des marginaux de l’arrière-pays s’amélioreront. Le peuple sera reconnaissant envers Washington, le Département d’État et le Pentagone.

« – Vous le pensez sincèrement? »

« – Je le crois… Les États-Unis ont commis des atrocités inconcevables et inoubliables en Haïti. Nous ne vous apprenons rien. Les Haïtiens gardent un mauvais souvenir de l’occupation de 1915. Il y a eu des cas d’injustice déplorables qui ont soulevé des sentiments de révolte et d’indignation parmi les compatriotes. Pas tellement loin de nous, le massacre des malheureux votants à la ruelle Vaillant le 29 novembre 1987 ! Nous savons très bien qui guidaient les bras criminels d’Henri Namphy. Le peuple est pauvre, analphabète, peut-être, mais pas dupe. Avec l’arrivée au pouvoir de Jean-Bertrand Aristide, les États-Unis ont une nouvelle chance de prouver leur bonne foi, de montrer qu’ils cherchent réellement à accompagner les pauvres de ce pays dans cette quête difficile d’un mieux-être. »

 Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Ces raisonnements sages et logiques sont contraires à l’ « indifférence cruelle » entretenue par les États-Unis, le Canada, la France, l’Allemagne, l’Angleterre par rapport au développement économique et au progrès social de la Nation haïtienne. Nous ne cesserons jamais de le répéter : les États du G7 ne veulent pas épauler Haïti. Mais plutôt l’éliminer. La rayer de la carte mondiale. Et si des cerveaux indigènes intelligents tardent à se manifester, ils finiront par atteindre leur « sombre, triste et cynique but ». Jusqu’à présent, le doute plane sur le tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince et occasionné plus de 300 000 morts.

 Le 30 septembre 1991, Georges W. Bush, par l’entremise d’Alvin p. Adams (Bourik Chaje) et les agents de la CIA toujours présents et actifs sur le territoire national, renverse le gouvernement d’Aristide. Le capitaine Michel François et ses tortionnaires des forces armées auraient encaissé plusieurs millions de dollars pour accomplir le « sale boulot ». Voici comment Ashley Smit3 retrace les événements dans un article intitulé « Comment ils ont ruiné Haïti », publié en anglais le 14 janvier 2010 et traduit par France Soir :

« Dans les années 80, les Haïtiens se sont soulevés pour chasser les Duvalier et ont ensuite élu à la présidence Jean Bertrand Aristide sur un programme de réforme agraire, d’aide aux paysans, de reforestation, d’investissement dans les infrastructures, d’augmentation des salaires et des droits syndicaux pour les travailleurs et les travailleuses. En réaction, les États-Unis ont soutenu un coup d’état qui a chassé Aristide en 19991. En 1994, après que Bill Clinton ait envoyé ses troupes sur l’île, le président a retrouvé son poste mais à la condition d’appliquer le plan US, appelé « plan de la mort » par les Haïtiens. » [5]

 En 2004, Lavalas faisait encore face à la haine des « vermines du bord de  mer », ayant à sa tête André Apaid Jr, appuyé par les États-Unis, le Canada et la France. Une fraction corrompue des étudiants de l’université d’État d’Haïti était manipulée, monnayée par la CIA, la GRC et la DGSE pour déstabiliser le gouvernement. Ces « gredins » organisaient tous les jours des manifestations violentes. « Haro sur le baudet ! » Aristide perdait la tête. Délirait de rage. Cela paraissait manifeste que le président de la République accusait une certaine méconnaissance du « petit livre 5» de Nicolas Machiavel. Le Prince doit développer la capacité de « conserver son pouvoir ». Mais pour nous, il s’agit de le conserver au profit des masses, dans l’intérêt de la majorité. Pas comme François Duvalier!

 Le prêtre inexpérimenté n’avait pas retenu les leçons révolutionnaires dégagées des évènements sanglants de Pékin déroulés entre le 15 avril 1989 et le 4 juin 1989 sur la Place Tian’anmen. Les États occidentaux retranchés derrière le mouvement estudiantin ont sacrifié des vies innocentes, sans parvenir à leurs fins. La République populaire de Chine est construite sur une fondation idéologique solide. La « Révolution maoïste », prix des sacrifices humains inestimables, est solidement implantée. Elle ne s’est pas laissé imploser, puis exploser par une bande de morveux réactionnaires, corrompus, pro-occidentalistes, qui n’affichaient aucun respect envers la mémoire des 100 000 individus tombés sur le chemin périlleux de la Longue Marche qui dura un an[6].

 En 2004, Haïti a raté encore la chance d’accoucher d’une révolution populaire. C’était l’occasion pour l’équipe au pouvoir de révoquer la constitution de 1987 et d’installer le pays sur les rails d’un nouveau départ social, économique et politique. Mais le pays, à cette époque-là, il faut avoir l’honnêteté de le dire, n’était pas dirigé par un grand homme politique, un visionnaire méthodique, un philosophe racé, un guerrier intellectuel de la trempe de Thomas Jefferson, Fidel Castro, Daniel Ortega, Hugo Chavez…

 Les deux mandats de Jean-Bertrand Aristide se sont déroulés dans une atmosphère de turbulences sociales. Lafanmi Lavalas et L’Organisation du peuple en lutte (OPL) étaient inlassablement à couteaux tirés. Aristide, Préval et Pierre-Charles, produits d’une même « manufacture politique », passaient leur temps à se battre sur la place publique, alors que la misère augmentait dans les bidonvilles. C’est cette lutte stupide pour le « pouvoir » qui a ouvert les brèches par lesquelles se sont introduits les États-Unis, le Canada, la France pour déporter Aristide et sa famille en Afrique du Sud le 29 février 2004.

 Les deux gouvernements d’Aristide – 7 mois pour le premier et 3 ans pour le dernier – étrillés de tous les côtés, avaient-ils la chance de marquer leur « passage mouvementé » au palais national par des entreprises historico-socio-économiques importantes et significatives?  

 Pour l’ « oligarchie de la mondialisation », les femmes et les hommes qui prennent « fait et cause » pour les populations misérables, les handicapés intellectuels et physiques, les enfants des milieux défavorisés, les vieillards paupérisés, sont des individus à abattre. Ces humanistes, ces philanthropes obtiennent les traitements réservés aux « empêcheurs de tourner en rond ».

 Haïti s’enfonce dans l’eau bouillante

Les résultats préliminaires publiés le 20 novembre 2016, à une heure indue, sont devenus un os dur dans la gorge du Conseil électoral provisoire. Port-au-Prince est en train de bouillir comme une marmite chauffée dans la forge d’Héphaïstos. Les manifestants en colère n’en démordent pas. Et avec raison. Ce conflit, s’il n’est pas maîtrisé et résolu, risque de conduire le pays aux portes d’une insurrection armée à laquelle les groupements politiques ne semblent pas être préparés. Les exigences formulées par Fanmi Lavalas, Pitit Desalin, Lapeh par devant le BCED et le BCEN sont légitimes. Les cas de bourrage des urnes se précisent. Les dirigeants du PHTK et leurs supporteurs nationaux et internationaux sont nerveux. Cette fois-ci, – si les soupçons se confirment – Jovenel Moïse et ses complices pourront-ils éviter, comme pour les magouilles du 9 août et du 25 octobre 2015, les amendes et les peines de prison qui sont prévues dans le décret électoral pour ces catégories de crimes graves? Les fraudes électorales doivent être classées dans la rubrique des « crimes de haute trahison ». N’en déplaise à Peter F. Mulrean, Sandra Honoré et le reste du troupeau de diplomates accrédités à Port-au-Prince et qui pataugent dans cette organisation occulte dénommée Core Group ! Si les enquêtes policières et judiciaires révèlent les implications indécentes des ambassades étrangères dans ce vaste complot contre le peuple haïtien, il faut que les autorités présidentielles s’en plaignent ouvertement auprès des Nations unies et de l’Union européenne. Il faut même qu’elles déposent une « plainte formelle » contre ces « institutions diplomatiques » à la Cour pénale internationale (CPI) pour « crime contre l’humanité ». C’est un crime de « voler  et de détourner le  vote » d’une citoyenne ou d’un citoyen. 20 novembre 2016 n’est pas différent du 9 août et du 25 octobre 2015. « Les deux quantités sont égales à une même troisième. » Comme Léopold Berlanger, Carlos Hercule et Pierre-Louis Opont sont égaux dans le « Mal » électoral.

 Léopold Berlanger est finalement tombé dans le discrédit. Dès le début, nous disions qu’il n’était pas différent de Pierre-Louis Opont. Cet individu qui a vendu son âme aux « commerçants de gros » de la Croix-des-Bossales, reconvertis au trafic des stupéfiants et aux activités du kidnapping, a eu l’indécence d’élire Guy Philippe, un fugitif connu, recherché pour drogue par les États-Unis, au Parlement de la République d’Haïti. Qui d’autre que ce « vendeur de patrie » n’aurait pas rejeté la candidature honteuse, indigne de ce délinquant sauvage : un repris de justice devenu intouchable grâce à ses patrons de la Minustah ; une minable « gouape » qui aurait organisé l’attaque du commissariat des Cayes ayant causé la mort d’un malheureux et innocent policier? Quelqu’un pourrait-il expliquer à la population pourquoi ce « sacripant » n’est-il pas en train de croupir en prison avec son compère Clifford Brandt ? Guy Philippe défie les autorités gouvernementales. Il est un « hors-la-loi » au dessus des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. La société haïtienne s’apprête donc à envoyer un autre « bandit » à la Chambre haute où monte déjà l’odeur nauséabonde de l’assassinat, du vol et d’une mafia locale et étrangère.

 Ce qui reste encore inquiétant dans ce climat de désordre politique généralisé, c’est l’aggravation des complications économiques et des difficultés financières qui assomment l’État. L’inflation bat tous les records. Le coût de la vie explose. Les sinistrés de l’ouragan Matthew sont relégués aux oubliettes de l’actualité. La presse locale, prise dans le tourbillon de la fièvre des opérations électorales, a enlevé leurs micros de la bouche des victimes. « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles! » Alors que tout le monde sait que les départements de la Grand-Anse, du Sud et du Nord-ouest demeurent encore à genoux. Le choléra, la dysenterie, la typhoïde, la famine, etc., tuent silencieusement. Mais la « politique malsaine » l’emporte sur la souffrance humaine. Les « putschistes » du 14 février 2015 n’entendent pas les cris de détresse des enfants et des vieillards qui meurent de froid, de faim, de soif et de maladie.

Mais un beau jour, – nous le souhaitons ardemment –, « le dernier y restera ».   Les « misérables » qui ne sont pas parvenus à fuir cet enfer qu’incarne la République d’Haïti, apercevront un matin qu’ils n’ont absolument rien à perdre, mais au contraire – comme le dit le philosophe politique et l’économiste Karl Marx – tout à gagner dans un mouvement organisé d’insurrection populaire et de désobéissance civile totale. Ce jour-là, les « gueux », unis dans leurs malheurs, se souviendront qu’ils ont  un pays à libérer, une indépendance nationale et une souveraineté à recouvrer, une dignité de peuple à refaçonner, la statue de l’honneur d’une Nation à redresser, des liens d’amitiés douteuses avec certains États hypocrites à reconsidérer.

En vérité, en vérité, la terre d’Haïti tremblera!

 Robert Lodimus
Images: http://www.nationofchange.org/
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Notes et références

[1] Jean de La Fontaine, Les animaux malades de la peste.

[2] Corneille, Le Cid.

[3] John Perkins, Les confessions d’un assassin financier.

[4] Inspiré du titre de l’ouvrage de Boris Vian : J’irai cracher sur vos tombes.

[5] L’article original a été publié en anglais dans Socialist Worker.

[6] 15 octobre 1934 – 15 octobre 1935.