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Des petits projets de la présidence sous l’ère de Jean-Bertrand Aristide aux « Plans spéciaux » de Laurent Lamothe dans la République du saupoudrage

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Des PPP au PS dans la République du saupoudrage

Des « Petits projets de la présidence sous l'ère de Jean-Bertrand Aristide aux « Plans spéciaux » du Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, la République est confortablement installée dans le saupoudrage, les interventions de sapeurs-pompiers, les actions cosmétiques qui n'entrent pas nécessairement dans un schéma de développement socioéconomique cohérent, durable.

Souvent, quand une gourde du Trésor public arrive dans des habitations, des quartiers, des sections communales où l'Etat n'a jamais investi depuis la mort de l'empereur Jean-Jacques Dessalines pour construire un dispensaire, une école, un tribunal, c'est parfois pour offrir le « coup de clairin », soûler un vieux paysan ayant une carte électorale. Son droit politique intéresse le chef et l'aspirant chef plus que tout le reste.

Le paysan ou l'habitant d'un quartier précaire de l'une de nos agglomérations urbaines n'est pas écouté. Lui, le CASEC, le maire ne sont pas acteurs dans la conception des plans, des programmes, des projets susceptibles d'aider à libérer les capacités productrices des communautés.

Quand ces temps-ci le gouvernement prétend venir chez lui, dans sa commune pour l'écouter, l'Haïtien ordinaire est le dindon de la farce, d'une mise en scène médiatique, d'une pseudo proximité avec les décideurs qui pensent pour lui, lui l'enfant illégitime de la République d'exclusion. Il incarne toujours l'assisté .

Quand on lui donne un kit de produits alimentaires importés pour apaiser sa faim d'un jour, sa tronche, filmée par des professionnels, sera vue des centaines de fois à la télévision. Ici, on ne respecte pas sa dignité d'assisté. Ici, on refuse d'accepter que le bien ne fait pas de bruit. Dans le champ politique, la communication mise gros sur la propagande. Il y a des élections à gagner.

Comme d'autres avant lui, le chef du gouvernement, Laurent Salvador Lamothe, en cette année électorale, a déjà suffisamment laissé l'impression de battre campagne pour s'attirer la foudre d'un Charles Henry Baker, entre autres. « Lamothe est en campagne », affirme tout de go monsieur RESPECT. Il ne dit pas pour quel poste dans ce petit pays imprévisible où les plus intelligents savent que la stratégie du rameur qui rame de dos, qui ne regarde pas le littoral, est la meilleure. Il y a tant de candidats à tout , même chez les roses, que le prétendant trop pressé risque quelques crocs-en-jambe. Les saints, les enfants de chœur sont à des années-lumière des allées du pouvoir. C'est connu que la politique est une affaire de gladiateurs, pas de tendres, pas de gentlemen.

Cela dit, il est légitime pour Tèt kale de rêver d'un second mandat. Il est compréhensible que le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe travaille pour son camp ou pour lui s'il se verrait secrètement à la place de son ami. En politique, Nicolas Sarkozy l'a démontré : il faut parfois « tuer le père » pour s'affirmer. Sarkozy a fait à Jacques Chirac ce que Chirac avait fait avant lui à d'autres mentors politiques.

Entre-temps, Laurent Salvador Lamothe ne jure que par les plans spéciaux. Pour Port-de-Paix, oublié depuis des lustres, 5 millions de dollars américains provenant de PetroCaribe sont disponibles. On prévoit,entre-autres, la construction de la route Myriam 1 et 2. Enveloppe estimative, 600 000 dollars américains, selon Lucien Francoeur, secrétaire général de la Primature, coordonnateur du plan spécial pour Port-de-Paix.

Cela représente en fait moins de 1 km de route. Le kilomètre coûte entre 800 000 et 1.4 million de dollars américains avec travaux de drainage, selon des estimations. Les activités de ce plan spécial, souligne ce haut fonctionnaire de la Primature, sont à court terme et devraient s'achever dans trois mois. « Beaucoup de ces travaux comme le réaménagement de la place Capois-la-mort, le réaménagement de la place d'armes et la réhabilitation du marché en fer devront terminer avant même la tenue du programme « Gouvènman an lakay ou » qui se déroulera à Port-de-Paix en juin prochain », a-t-il dit.

350 nouveaux lampadaires seront installés à Port-de-Paix. On va construire un complexe sportif. Le PSUGO prendra en charge 15 000 élèves dont les parents vivent dans des conditions modestes. L'investissement de ces 5 millions de dollars rentre dans un plan global de développement du département du Nord-Ouest, a affirmé Lucien Francoeur, natif d'Anse-à-Foleur.

Il y a donc,selon la Primature, "un plan de développement durable" pour le département du Nord-Ouest . Cependant, quelques chiffres disent autres choses. Les crédits d'investissement public pour le Nord-Ouest, dont la population est de 695 502 personnes, représentent 1,03 % de l'enveloppe globale, soit 900 860 296 gourdes, soit de moins de 1 milliard de gourdes. Le crédit de fonctionnement à l'administration publique est de 0,42 %.

Dans la rubrique des crédits d'investissements destinés aux collectivités territoriales, les décideurs de Port-au-Prince, qui parlent de développement dans le Nord- Ouest ont octroyé à ce département 0,84 % contre 21,15 % à l'Ouest dont la densité de population est plus élevée, soit 3 854 564 personnes.

Il importe aussi d'indiquer que les voies et moyens du budget 2012-2013 s'élèvent à 131,54 milliards de gourdes, soit une augmentation de 8,7 % par rapport au précédent exercice. Le Venezuela a fourni 15 % et les dons projets représentent 32 %. Globalement, les ressources externes pour monter le budget sont de 65,86 milliards de gourdes, soit 50,07 % du montant total. L'Etat haïtien avait tablé sur la douane et la DGI pour collecter 39 % du budget 2012-2013 reconduit pour cet exercice.

Si les champions du saupoudrage continuent de donner « Anna pour Suzanne » en promettant le développement par exemple dans le Nord-Ouest, racontent qu'Haïti sera un pays émergent en 2030, les chiffres disent le contraire. Le pays est sous perfusion avec un endettement rapide ayant atteint 1.7 milliard de dollars. Pas nécessairement pour effectuer des investissements productifs. On préfère reconstruire la place du Canapé-Vert en lieu et place d'une école nationale ou professionnelle dans la zone par exemple.

Entre-temps, des sénateurs comme Steven Benoit et Francky Exius jurent que l'argent utilisé pour financer les "plans spéciaux" ne sont pas dans le budget 2012-2013. Un budget illégal, rappelle Benoit. Le gouvernement agit en violation flagrante de la loi, selon ces sénateurs. « C'est à la radio que j'ai entendu parler de ces projets, de plans spéciaux », a indiqué Benoit, révélant au passage que le budget 2013-2014, rejeté par le Sénat, sera très probablement renvoyé au Parlement avec des corrections dans quelques semaines.

Cela dit, personne n'est dupe au point de croire en la fin prochaine de la République du saupoudrage. Il y a deux raisons à cela. Le ventre de la bête qui produit les politiques, les hâbleurs, les vendeurs de rêve à deux sous est fécond. Et dans l'arrière-pays délaissé, recevoir quelques lampadaires fera une grande différence dans la nuit des populations. Au point d'élire avec un grand sourire et un espoir toujours bafoué les garants du statu quo, du projet de pauvreté exécuté par Lavalas hier et Tèt Kale aujourd'hui.

Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste

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