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Quels repères statistiques et méthodologiques pour appréhender la situation carcérale haïtienne ?

Prison Haiti-conditionPrison pour femmes

La baisse du taux de détention préventive : Le constat !

Récemment dans un article paru, sur le site de Haiti Press Network[1] , sous la plume de Sylvestre Fils Dorcilus, il est fait état d’une baisse du taux de la détention préventive prolongée à l’échelon des dix-huit juridictions du système pénal haïtien. L’information concernant cette baisse considérable, provient du Ministre de la Justice et est disponible sur le site web du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique[2] (MJSP), a été aussi relayée par la station Magick 100.9, dans son journal sans stress du vendredi 21 février 2014.

En effet, selon le Ministère de la Justice, « Les chiffres recueillis à la mi-février 2014, dans plusieurs centres de détention du pays, font état d’une nette amélioration dans plusieurs juridictions du pays Â» Ainsi :

  • A Fort Liberté, le taux de détention préventive prolongée est aujourd’hui à son plus bas niveau : Pour 418 détenus, on recense 111 personnes en détention provisoire (prévenus) contre 307 condamnés…soit un taux de 27% de détention préventive.
  • A Hinche le taux est seulement de 35 %, car pour 215 détenus, on recense 75 prévenus et 140 condamnés.
  • A Saint-Marc, sur un total de 401 détenus, on dénombre 143 prévenus et 258 condamnées, soit un taux de détention préventive prolongée de 36 %.
  • Dans la commune de Carrefour, pour une population de 212 détenus, on y trouve 81 prévenus et 131 condamnés, ce qui correspond à un taux de 38 % de personnes en détention préventive prolongée Â».

Le Ministère de la Justice semble accorder une importance particulière au « cas de la commune de l’Arcahaie, où on compte 0% de détention préventive prolongée soit 109 condamnés sur 109 détenus. Â»

 Au terme de ce décompte, qui relate des progrès dans 5 centres de détention répartis dans les 18 juridictions, Le Ministère conclut que « L’épineux problème de la détention préventive prolongée est donc réduit à sa plus simple expression. Â».

 Statistiques : Quand tu nous mens !

Mais qu’en est-il vraiment ? La réalité carcérale haïtienne est elle aussi rose ? Ces statistiques, pour vraies qu’elles puissent être, n’ont-elles pas tendance à dissimuler une réalité carcérale plus morose ? Nous connaissons tous la célèbre citation de Mark Twain disant qu’ Â« il y a trois sortes de mensonge : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques Â». C’est cette particularité des statistiques à déformer la réalité qui éveille et suscite la méfiance que tout professionnel et, disons-le sans excès de pudeur, tout honnête citoyen devait avoir vis-à-vis de l’information chiffrée.

 D’entrée de jeu, précisons qu’Il ne s’agit pas ici de dire que les chiffres avancés sont inexacts, encore qu’il est légitime de se questionner sur la fiabilité des processus qui conditionnent la production de ces statistiques. Toutefois, dans un rôle plus technique, plus objectif et plus utile que polémique, nous nous permettons de relativiser cette information concernant la baisse du taux de la détention préventive. Plus généralement, nous en profitons pour lancer une invitation à une réflexion sérieuse et profonde sur le contexte d’exploitation des statistiques dans le pays, tout en restant dans le contexte de la situation carcérale.

 Rétablir la vérité statistique : une éthique citoyenne et professionnelle

Commençons simplement par rétablir la vérité statistique du fait carcéral. Les statistiques du Ministère de la Justice citent la prison de l’Arcahaie comme exemplaire de cette réduction de la détention préventive en rappelant que le taux de détention préventive de ce centre carcéral est de 0%. Mais la vérité est que ce centre de détention est, depuis sa réouverture après le séisme de 2010, spécialisé dans l’accueil d’une seule et unique catégorie pénale dénommée « condamnés Â». Autrement dit, cette prison n’est pas faite pour accueillir des personnes en détention provisoire, et c’est tout à fait normal qu’on n’y trouve pas de prévenus.

 En comparaison je dirais qu’Il serait absurde de vouloir trouver un mort dans un supermarché. Mais le fait de ne pas en trouver n’est pas un signe que la mortalité a baissé dans cette zone.

 Statistique de l’ombre : quand un nombre en cache un autre.

Qu’importe, concentrons-nous maintenant sur les autres centres cités comme témoin de la baisse du taux de détention préventive. L’article évoque une baisse du taux de détention préventive prolongée dans le pays et à l’échelon des 18 juridictions. Pourtant on ne nous présente que les progrès constatés dans 4 centres de détention (rappelons que nous avons, à juste titre, enlevé Arcahaie de la liste).

 Puisqu’on évoque les statistiques pour justifier un fait. Laissons parler les statistiques.

 Les faiblesses du constat :

En matière de statistique, il faut être très prudent. Car un nombre peut en cacher un autre. Et derrière tout nombre avancé comme indicateur d’un changement observé, il y a une représentativité, une pertinence, une cohérence et une durabilité dans le temps à établir et à garantir comme critères d’objectivité et de fiabilité.

 Echantillon non significatif statistiquement

Selon les informations disponibles sur le net et publiées par les organismes de droits humains, Il y a, à l’échelle du pays, 22 centres de détention dont 18 sont sous le contrôle de l’Administration Pénitentiaire ; parmi eux, 17 sont opérationnels et 1 non-opérationnel (coteaux) ; 4 autres centres se trouvent sous le contrôle de la PNH à travers les commissariats transformés en centre de détention. De fait, cela nous renvoie à 21 centres de détention pour les 18 juridictions du pays. Le changement a été observé dans 4 centres sur 21 : cela fait 19% de centres touchés par l’observation. Certes, Ce n’est pas énorme, mais cela peut être statistiquement significatif, dépendamment de la taille de la population carcérale de ces 4 centres. Mais rigoureusement cela dépend de la contribution, en termes de poids démographique, de la population des prévenus de ces centres au phénomène de la détention préventive.

 Les données disponibles, pour la période de référence (mi-février 2014[3]) de la série retenue pour l’analyse, prouvent que ces 4 centres totalisent en moyenne, 1239 détenus sur un total de 10 410 pour l’ensemble des centres. Nous réfléchissons donc sur un échantillon qui représente 4% de la population carcérale. Et parmi ces 4% de la population totale des détenus, on retrouve 412 prévenus sur 7403 au total. Ce qui représente 6% de la population des prévenus. Autrement dit, on a voulu généraliser une observation faite sur un échantillon de 4% d’une population et dont la contribution au phénomène mesuré n’est que de 6%.

 Mais puisqu’une statistique en cache une autre, rappelons au besoin que, dans cette série, le Pénitencier national, qui représente 1 centre sur 21 (soit 5% des centres), fait à lui tout seul 40% de la population carcérale et contribue à plus de 51% au phénomène de la détention préventive dans le pays. Ne serait-il pas pertinent de rappeler aussi que le taux de détention préventive au pénitencier, pour la période évoquée, est (seulement) de 92%.

 Pour caricaturer, c’est comme si on nous disait que 4% d’une population qui contribue à 6% d’un phénomène observé pouvait contrebalancer et gommer la douloureuse réalité de 96% d’une population qui contribue dans le même temps à 94% d’un phénomène récurrent, appelé détention préventive, dont profitent tous les acteurs du système judiciaire.

 Il eût été de bon commerce, voire prudent, que l’information cite aussi le cas des 17 autres juridictions qui, en moyenne, affichent un taux de détention préventive alarmant de 76%. La moyenne nationale étant de 71%.

 Echantillon soumis aux variations saisonnières

Il y a un autre argument statistique qui invite aussi à la prudence par rapport à l’annonce de ce changement. L’échantillon de données collectées donne-t-il une image fidèle du mouvement de la population carcérale ? Sur quelle période ce changement a-t-il été observé pour inspirer un si grand optimisme ? L’article, publié par les services du Ministère de la justice, évoque des données collectées dans les prisons à la mi-février. Autrement dit, l’échantillon analysé ne porte que sur, au plus, une dizaine de jours, et se contente de comparer des chiffres d’un jour à l’autre.

 Précisons que l’article a été publié le 17 février 2014, autrement dit il ne peut faire référence qu’aux données collectées entre le 1er et le 16 février. Cette période ne contient que 10 jours ouvrables, et l’article stipule clairement qu’il s’agit de données collectées à la mi-février. Ce qui sous-entend qu’il ne s’agit que de données analysées sur une période allant entre du 10 au 14 février : soit sur 5 jours ouvrables !

 Manifestement, compte tenu de la brièveté de la période couverte, de l’existence de variations saisonnières et de mouvement de transfèrement de détenus (incluant forcément des prévenus) d’une juridiction à l’autre, cette observation n’a ni validité ni portée statistiques significatives pour fonder un constat conclusif.

 Pour ce genre d’analyses, il est impératif de disposer de séries temporelles aussi longues que possible pour permettre de mesurer la comparabilité des données et de déceler des tendances.

 Contingence ou Politique cohérente !

Au demeurant, il est utile de rappeler que l’annonce de ce changement n’a pas seulement donné lieu à une mauvaise inférence statistique qui tend à présenter quelques observations particulières pour une tendance, voire une généralisation. Elle a aussi donné lieu à une autre conclusion, celle qui présente ce changement comme le résultat d’une politique publique cohérente axée dans le respect des principes de l’Etat de droit : respect des normes, réhabilitation des tribunaux, amélioration des conditions de travail des juges, lutte contre la détention préventive.

Evidemment, en tant que citoyen, on serait heureux qu’il en fût ainsi ! Et ce serait opportun qu’on puisse répliquer à l’échelle des 17 autres juridictions du pays les mêmes politiques, mises en Å“uvre dans les juridictions de Carrefour, de Hinche, de Saint Marc et de Fort Liberté, pour qu’elles apportent les mêmes changements.

Manifestement, il ne faudra pas se contenter de le dire. Et ne voulant préjuger de rien, Il sera aisé de recourir aux outils statistiques, d’analyse de données, pour décider des corrélations et des liens entre les variables. Heureusement que Les statistiques sont plus sérieuses que l’utilisation courante qu’on en fait. Car elles donnent les moyens de prouver, par divers procédés dont des tests d’hypothèse, de contingence ou de khi-deux (pour les initiés), les liens entre les variables en présence ; en l’occurrence pour le cas qui nous occupe : la bonne performance des juridictions et la baisse du taux de détention préventive.

A ce stade, il est important de souligner que notre démarche participe d’une motivation pédagogique, et il nous plait de dire que l’argument de la non représentativité de l’échantillon pourrait être « provisoirement Â» mise en veilleuse, s’il était possible de considérer ces 4 juridictions comme des juridictions pilotes expérimentant un ensemble de politiques innovantes dans le secteur de la gouvernance judiciaire. Il est possible que ce soit le cas, alors il faudrait que le Ministère de la justice publie sur son site l’ensemble des programmes et des activités qui ont été mis en Å“uvre récemment, pas forcément à la mi-février 2014, mais exclusivement dans ces 4 juridictions pour qu’on puisse procéder à des tests statistiques et valider le modèle pour, opportunément, le répliquer à l’échelle des autres juridictions.

A ce moment, il sera pertinemment établi que ce changement de baisse du taux de la détention préventive est le résultat d’une cohérence au niveau des politiques publiques mises en œuvre dans la perspective de l’établissement et/ou de la consolidation de l’Etat de droit et non l’effet d’une contingence statistique.

La manipulation statistique racontée à des enfants de 4 ans

Mais pour montrer l’enjeu de la manipulation possible avec les statistiques, faisons un exercice pédagogique élémentaire. Prenons le plus grand centre carcéral du pays : le pénitencier national. Il totalise en moyenne pour cette période 4139 détenus, dont 3807 prévenus pour 332 condamnés. Cela nous situe à un taux de détention préventive de 92%. Mais artificiellement, nous pouvons faire baisser vertigineusement la détention préventive dans cette prison rien qu’en donnant l’ordre de transférer 55% des prévenus dans d’autres centres carcéraux à travers les autres juridictions, tout en gardant inchangé le nombre de condamnés. Ainsi du jour au lendemain, nous nous retrouverons avec une nouvelle configuration carcérale au pénitencier : 1713 prévenus, 332 condamnés. Cela fait chuter notre taux de détention préventive à 84%......Et dépendamment de l’enjeu de ce que nous voulons prouver, nous pouvons recommencer le processus le jour suivant en augmentant le nombre de transfert de prévenus. Poussons ce jeu à l’extrême jusqu’à transférer 85% de la nouvelle population des prévenus, cela nous ramène à une embellie carcérale au niveau du pénitencier : 589 détenus dont 257 prévenus et 332 condamnés. Soit un taux de détention préventive de 44%...

Vous noterez que nous n’avons construit aucune nouvelle prison, aucun nouvel aménagement de peine, nous n’avons aucunement amélioré les conditions de travail des juges…nous nous sommes contentés de transférer en deux mouvements carcéraux des prévenus du pénitencier a d’autres centres et comme par magie notre taux de détention préventive est passé de 92% à 44%.

Manifestement une telle opération au pénitencier ne passerait pas inaperçue et serait matériellement difficile, en raison de la taille de la population à transférer et du coût financier et politique. Mais imaginez que nous nous adonnons à ce jeu dans des juridictions où initialement la taille de la population carcérale est faible et où l’enjeu médiatique est moindre sur de telles opérations de transfert…Alors Vous avez tout compris des statistiques pénitentiaires. CQFD (ce qu’il fallait démontrer) !

Quelle Statistique pour quelle prise de décision ?

Par-delà ces deux évidences statistiques qui prouvent que les données utilisées et le raisonnement conduit pour soutenir l’idée d’une certaine tendance au changement dans le taux de la détention préventive ne résistent pas à une bonne argumentation, il est important de mûrir la réflexion sur l’outillage statistique mis en œuvre dans les administrations publiques pour motiver les politiques publiques.

Car les statistiques peuvent être un outil de manipulation et de propagande quand on ne contextualise pas les chiffres qu'elles mettent en exergue et, surtout, quand les processus de production et d’exploitation des données ne sont pas soumis à un cadre normatif contrôlé par des professionnels compétents et indépendants.

L’histoire des dictatures du prolétariat de l’Europe de l’est et des dictatures militaires de l’Amérique Latine nous a habitués à ces agences de propagande, déguisées en centre d’observation technique ou pseudo scientifique, qui recrutent des professionnels conditionnés à une forme d’adaption pour tordre le coup des statistiques et gommer la réalité : on connait des pays où la délinquance, la pauvreté, la malnutrition, les conditions de vie difficiles, les épidémies ne sont que récits et contes anecdotiques. Mais heureusement que les faits sont têtus, et même si on peut s’accommoder des statistiques, on peut difficilement vendre du violet pour du blanc.

 Il faut s'empresser de dire que cette tendance n'est pas spécifique à un régime politique en particulier. Car dans tous les pays, les gouvernants ont toujours cherché à manipuler l'opinion publique en sortant de "petites statistiques" qui suggèrent  et déforment sans mentir pour autant. En cela les statistiques ressemblent étrangement aux bikinis des belles femmes qui se bronzent sur les plages de Rio : elles révèlent le suggestif et dissimulent l’essentiel.

 Aussi il convient de saluer la récente initiative prise par l’IHSI pour mettre en place un Système National de Statistiques. Toutefois, il faut que les citoyens se montrent vigilants pour que le système de statistique nationale ne soit pas une arme au service d'un dessein politique et financier.

 Du rôle des médias et de la société civile 

Voilà pourquoi il est impératif que la société civile fasse sienne les vraies revendications citoyennes pour garantir la crédibilité des données statistiques. Il est aussi urgent que les journalistes bénéficient de formations spécialisées qui leur permettent de «critiquer» l’information chiffrée qui peuple les dépêches gouvernementales ou privées et dont s’abreuve l’opinion. Il faut que la société s’organise pour que l’opinion se réapproprie les outils de la pensée que nous avons délaissés au profit d’une tendance à la banalisation et à la théâtralisation. Il n’est pas normal que les organismes publics ou privés qui exploitent d’énormes quantités de données ne disposent pas d’outils statistiques et de repères méthodologiques pour assurer une veille critique face à l’information statistique qui explose avec les progrès des nouvelles technologies.

 Au demeurant, il est opportun d’insister sur le fait que la responsabilité d’Informer s’accompagne d’une exigence d’éthique et de qualité vis-à-vis de l’information à transmettre. L’objectivité et la neutralité de la presse ne déresponsabilisent pas les médias face à leur capacité à critiquer l’information. Cependant, Il est désespérant de constater que l’immédiateté dans laquelle s’inscrit la diffusion de l’information et le folklore ambiant des salles des nouvelles de certains de nos medias prêtent à tous les biais.

 Malheureusement, en Haïti, on ne le dit pas assez fort. C’est la presse qui doit aider le citoyen à former son jugement. C’est elle qui doit aider, au-delà de l’apparence des faits, à percevoir le sens réel. La presse a surtout pour fonction d’expliquer, d’interroger et de critiquer. Elle est sans doute l’outil le plus efficace pour imposer la transparence aux pouvoirs et pour les obliger à rendre compte à l’opinion. Le journaliste ne peut pas se confiner dans un rôle ambigu de relayeur d’information et de médiateur de conflits. Il y a des questions d’intérêt public qui obligent à prendre parti. Mais ce travail exige des compétences, du temps, du recul, de l’espace, mais aussi des moyens coûteux. L’opinion publique est le reflet de la compétence et de la performance des médias.

 C’est à la société civile de se responsabiliser pour soutenir moralement, intellectuellement et financièrement le processus de consolidation des institutions. Les institutions d’un pays sont le reflet des valeurs morales, éthiques et professionnelles des hommes et des femmes qui y vivent. Il est dommage que l’Université soit absente des grands débats et des grandes réflexions pour la reconstruction du pays.

 Pour revenir au point initial de notre réflexion et clore le débat, il serait malhonnête de dire que le Ministre de la Justice a menti en disant qu’il y a « une baisse du taux de détention préventive prolongée dans le pays Â» ; toutefois, il est permis de penser que le Ministre n’a pas dit toute la vérité en recourant uniquement aux statistiques pour 4 juridictions.

 Pourtant, Il est aussi légitime de penser que le Ministre s'est trompé de bonne foi en interprétant des chiffres pour lesquels on n'a pas pris le soin de lui expliquer les faiblesses de production et la portée limitative de l'exploitation qu'on peut en faire. Nous savons aussi que le Ministère de la Justice dispose de compétences informatiques et statistiques assez valables pour mesurer la portée des données et l’enjeu des analyses à conduire. C’est l’opacité du système d’information judiciaire qu’il faut dénoncer. C’est toute une architecture fonctionnelle et opérationnelle sur laquelle se greffent des intérêts particuliers qu’il faut restructurer. C’est tout un cycle de production et d’exploitation statistique à réinventer. Mais qui d’entre les acteurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, veut vraiment prendre le temps pour comprendre, connaitre afin d’agir sur la réalité carcérale et judiciaire.

 Du reste il faut aussi distinguer information et connaissance. Car, à l’échelle des politiques publiques, c’est la connaissance et non l’information qui permet de décider objectivement. Or l’information n’est pas la connaissance. Il faut que les acteurs du système judiciaire apprennent à penser la réalité carcérale au-delà des lieux communs des informations apportées par la détention préventive et la surpopulation carcérale.

 En effet ces indicateurs qui reviennent souvent comme mesure de l’activité judiciaire ne sont pas en soi des indicateurs pertinents du malaise carcéral et judiciaire haïtien. A eux seuls, Ils n'apportent aucune connaissance du dysfonctionnement du système. Ils sont des effets d'un malaise plus complexe et plus profond que seule une analyse multidimensionnelle basée sur des données fiables , portées sur le long terme et recoupées sous  des axes judicieux d'observation peut révéler. Mais cela demande du temps, de la volonté, une stratégie, un tableau de bord……bref, tout ce qui manque au système de justice haïtien.

  Publication du collectif Pour la Promotion Integrale de l’Information Statistique,

Le 23 février 2014


 [3]  Tenant compte que les statistiques du MJSP situent le changement à la mi-février 2014, nous avons considéré la série des données pénitentiaires allant du 1er au 18 février 2014.

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